On a beaucoup parlé de la Corée ces dernières années qui produisait des wagons entiers de musiciens phénoménaux, sensibles, cultivés, techniquement inexpugnables, et c’est avant tout un facteur culturel qui les a menés à ce niveau. Lorsqu’une société entière, depuis l’école jusqu’au giron familial pense à chaque seconde au chemin performatif d’un enfant, avec les sacrifices que cela suppose, l’élite se construit et les lauriers finissent par pleuvoir.
Il s’agit d’un système d’éducation qui donne très tôt les clés de la spécialisation, en sport comme en musique.
C’est avant tout une question de trame sociétale, de schéma d’éducation qui envisage la performance, à défaut parfois de l’égalité.
Ce système où, très tôt, on choisit un enfant avec des aptitudes particulières et on met en place autour de lui un système éducationnel personnalisé, c’est grosso modo l’inverse de ce qui se joue en Belgique.
L'enseignement de la musique en Belgique, une ouverture culturelle pour tout le monde
En Belgique, l’enseignement de la musique repose largement sur les académies de musique. On leur demande tout : de proposer une ouverture culturelle pour tout le monde, les petits, les grands, les tout-petits, les très vieux ; on leur demande de pallier le saupoudrage ridicule de cours de musique dans l’enseignement général (même s’il semble que les années à venir pourraient voir se développer plus de culture à l’école… Wait and see), et puis on demande aussi aux académies de former les futurs musiciens professionnels de demain.
Soyons clairs, il y a peu de musiciens qui émergent de nos académies pour poursuivre des études au Conservatoire supérieur, les Conservatoire supérieurs en Belgique sont remplis d’étudiants étrangers, et peu de musiciens sortis des Conservatoires belges font réellement de grandes carrières.
Et tout ceci n’est peut-être pas si grave. Parce qu’une société qui privilégie un enseignement musical accessible à tous, parce que gratuit, et donné par des professeurs formidablement diplômés, dans les académies un peu partout en Belgique, brassant des catégories de population très différentes qui ont l’occasion de s’y rencontrer, cette société propose là une vision puissante de la formation des citoyens de demain. Et si les Conservatoires forment désormais des musiciens complets, informés, outillés pédagogiquement et curieux de ce qui dépasse leurs instruments, voilà d’autres citoyens qui pourraient enrichir diablement la société de demain. Et face à un tel projet, on s’en fiche qu’ils ne gagnent pas le Concours Reine Elisabeth !