"On a mis un peu trop d'espoir sur les épaules de Barack Obama"

Le président américain Barack Obama après son discours d'adieu à Chicago, le 10 janvier 2017.

© NICHOLAS KAMM - AFP

Roberto De Primis, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste des États-Unis était ce mercredi matin l'invité de Matin Première. Quelques heures après le dernier discours de Barack Obama en tant que président des Etats-Unis, il a répondu aux questions de Mehdi Khelfat.

Que retenez-vous de cette dernière intervention officielle du président Barack Obama ?

"Je retiens surtout un discours important, qui aurait dû être important si le président Obama était sorti d’une rhétorique qu’on a connu ces derniers mois et ces dernières années. D’habitude, un discours présidentiel d’adieu est une sorte d’héritage. Dans l’histoire, ça existe depuis George Washington.

Quand le discours est différent de ce qu’on a déjà entendu durant un ou deux mandats, alors on écrit l’histoire. C’était le cas notamment pour Eisenhower en 1961, quand il a dit : 'Je commence à être de plus en plus préoccupé du complexe militaro-industriel'. Il avait vraiment dit quelque chose de plus personnel, qui le tracassait.

Ici, Barack Obama, avec beaucoup d’émotion, comme on le connaît, est revenu sur ce qu’il a fait, beaucoup moins sur ce qu’il n’a pas fait. Quand on a entendu son 'Yes we can, Yes we did'. J’ai envie d’ajouter 'really ?' ('Vraiment ?'; NDLR). Est-ce que vous avez vraiment réussi à 'Yes we did ?' J’ai quand même quelques doutes de ce côté-là. Notamment aussi, on l’a vu, de par un Congrès qui lui a été hostile pendant de très nombreuses années".

Beaucoup d’observateurs notent cette émotion, que vous avez citée à l’instant, de la part de Barack Obama dans cette ville d’adoption qu’est Chicago. C’est un retour aux sources, c’est une émotion sincère ?

"C’est une émotion sincère parce que le personnage est sincère. Il a voulu revenir à Chicago, là où tout a commencé pour lui. Que ce soit sur le plan familial parce que c’est là-bas qu'il a rencontré Michel Obama, mais aussi sur le plan politique. C’est là qu’il a été élu Junior Senator et qu’il a commencé toute sa carrière. Donc il est sincère.

Néanmoins, je croyais qu’il allait pouvoir se libérer de ses charges présidentielles, un peu comme François Hollande le fait ces dernières semaines, libéré de ce poids de la fonction présidentielle. Et il est resté égal à lui-même de ces dernières années. Un discours qu’on retrouve et de la rhétorique pure malheureusement".

Globalement, Barack Obama vous a déçu sur ces 8 ans ?

"Oui. J’aimerais être moins critique. Mais un président, même s’il a un Congrès qui lui est hostile, doit être capable de pouvoir négocier, d'avoir cet ensemble de réunions qui se déroule à l’ombre des couloirs, comme j’ai envie de le dire. Où on négocie avec la majorité parce que c’étaient les républicains à ce moment-là qui leur étaient hostiles peut-être, mais avec le fait qu'il faut arriver à trouver un terrain d’entente.

Le seul moment où Barack Obama a réussi à faire passer de grandes réformes, que soit l’Obamacare ou encore le plan de relance économique, le fameux stimulus Plan, c’était quand il avait un avantage avec lui. Donc avec un Congrès qui lui était favorable. Barack Obama, on lui a mis un peu trop d’espoir. On avait vraiment un espoir exacerbé. Et c’était d’ailleurs lourd sur ses épaules".

Il a d’ailleurs eu le prix Nobel de la paix...

"Oui, c'était un lourd tribut".

Est-ce qu’on peut faire un peu de politique-fiction ? Est-ce qu’on peut imaginer l’atmosphère qui va régner la semaine prochaine, le 20 janvier, lors de la passation de pouvoir avec Donald Trump ?

"Je crois surtout que le café que Donald Trump va aller boire à la Maison-Blanche, lors de la passation, va être un peu amer. On connaît quand même toute l’histoire qui lie ces deux personnages. Ça a commencé avec Donald Trump qui avait remis en cause la nationalité de Barack Obama. Celui-ci avait dû faire une sortie dans la presse en montrant son certificat de naissance pour prouver qu'il était bien né sur le sol américain".

À Hawaii.

"Oui, à Hawaii, qui est quand même un Etat américain, rappelons-le. Mais ce fait avait été mis en doute par Donald Trump. Ces deux personnages ne se supportent pas. Il faut quand même relever que Barack Obama était capable, dans un état de tension permanent ces derniers mois, avec la campagne électorale et aussi durant la transition, à garder cet esprit bipartisan et à pouvoir quand même réaliser une transition un peu plus sereine, ce que ne fait pas nécessairement Donald Trump".

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