CQFD, Ce Qui Fait Débat, en mode grand entretien : 25 minutes quotidiennes avec un.e spécialiste, pour vous aider à mieux comprendre la crise du coronavirus, mais aussi pour vous permettre de poser toutes vos questions (via l’adresse mail cqfdrtbf@rtbf.be). Notre invitée, ce jeudi : Olivier De Schutter, coprésident du panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables.
Il existe un risque de "pénurie alimentaire" sur le marché mondial à cause des perturbations liées au coronavirus. La semaine dernière, l’Organisation des Nations Unies interpellait la communauté internationale sur cette crainte. Non pas que la nourriture pourrait manquer sur terre mais plutôt qu’elle circule moins facilement à cause des mesures de confinement qui pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement mondial.
Il y a des stocks mondiaux de nourriture en suffisance
Pour Olivier De Schutter il faut donc bien comprendre cet appel de l’ONU : "Les récoltes sont extrêmement élevées au niveau mondial, on atteint des records, les stocks sont tout à fait suffisants, bien au-delà des stocks moyens de réserve". Mais il faut être prudent quant à l’avenir: "le pire est à venir".
L’interdépendance menace notre approvisionnement
Olivier De Schutter pointe trois menaces que fait peser la crise sanitaire sur le système alimentaire mondial. D’abord les restrictions à l’exportation de gros producteurs mondiaux, la Russie, l’Ukraine pour le blé, le Vietnam pour le riz. Ces pays exportent moins vers chez nous pour garder des stocks,"si d’autres pays le font aussi, ça risque de conduire à une panique sur les marchés et de la spéculation" et donc une hausse des prix.
Deuxième menace : le gaspillage. Avec des circuits de distribution entravés (fermeture de frontière, marchandises coincées dans les ports ou aux douanes), le risque existe que les producteurs ne puissent plus écouler leur marchandise et perdent ce qu’ils stockent, "c’est une crainte pour les pommes de terre wallonnes notamment". Il faudrait jeter des tonnes de nourriture.
Des récoltes en danger
Troisième risque : une pénurie de travailleurs, de saisonniers notamment, pour produire et récolter. C’est déjà une crainte pour les producteurs de fraises ou d’asperge dont c’est la saison. Ils comptent beaucoup sur des travailleurs de Pologne, de Bulgarie,… qui ne pourront pas venir travailler ce printemps chez nous. "La récolte à venir est en danger. C’est vrai chez nous mais c’est vrai surtout en Espagne, aux Pays-Bas où les travailleurs migrants sont extrêmement importants dans les récoltes".