Alors que ce vendredi le Comité de concertation s'exprime sur la suite du Plan été et sur la réouverture des boîtes de nuit, des questions planent toujours par rapport à l'obligation vaccinale au sein du personnel soignant. Nous apprenons, ce vendredi après-midi, qu'un accord de principe a été trouvé sur ce point avec les autorités.
Au vu des fortes disparités régionales dans la vaccination du personnel soignant et au vu de la forte contagiosité du variant delta, les autorités souhaitent explorer "sous quelles modalités la vaccination obligatoire ourrait être" mise en place. Cette vaccination complète concernerait également les prestataires de soins indépendants, tant dans les établissements de soin que dans le secteur ambulatoire. Elles demandent également une publication des taux de vaccination dans chaque établissement hospitalier et ce, dans les plus brefs délais possibles.
En effet, le 17 août, lors de l’émission "Terzake" (VRT), le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) avait annoncé son intention de proposer la vaccination obligatoire pour le personnel soignant et de la santé. Bien sûr, une telle obligation ne se met pas en place du jour au lendemain. Et plusieurs semaines pourraient passer avant qu’elle ne soit mise en pratique.
En attente de cadre juridique
Ce vendredi, le cabinet du ministre nous explique qu’aucun cadre juridique n’est prévu à ce stade. Il devra donc être créé. Par ailleurs, il confirme une information publiée par nos confrères du Soir : cinq partenaires sociaux ont été sollicités pour avis. Il s’agit du Conseil national du travail, du Conseil supérieur de la santé, du Conseil fédéral des établissements hospitaliers, du Conseil supérieur pour la protection et la prévention au travail et du Comité A (le Comité commun à l’ensemble des services publics). Ces avis seront rendus pendant le mois de septembre et permettront de finaliser la base légale de cette obligation vaccinale qui, on le rappelle, touche à la fois le domaine de la santé et celui du travail. A la mi-septembre, lors du prochain comité de concertation, les ministres du Travail et de la Santé devront faire rapport quant aux avancées du dossier.
"Idéalement et parfois légalement, on doit prendre en compte ces avis : les partenaires qui sont invités à s’exprimer connaissent les réalités de terrain et leurs remarques permettent d’apporter des modifications au cadre légal envisagé", éclaire Vanessa De Greef, chargée de recherche FNRS au Centre de Droit Public (Faculté de Droit) à l’ULB. Autrement dit, ces avis permettent d'envisager une obligation facile à mettre en œuvre.
Juridiquement possible
À ce stade, donc, c’est le cadre juridique qui n’est pas encore précisé. Juridiquement, cette obligation vaccinale est tout à fait envisageable. Premier exemple de la légitimité de cette obligation : en avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé qu’une vaccination obligatoire peut être imposée, tout particulièrement si l’immunité de groupe n’est pas atteinte.
"L'essentiel est d’éviter tout problème lié à la légalité de cette obligation", précise Vanessa De Greef. "L’obligation vaccinale nous pose, en effet, face à trois droits fondamentaux : d’une part, le droit à la santé et le droit à la vie. D’autre part, à celui au respect de la vie privée. Historiquement, le droit à l’intégrité physique et à disposer de son corps passe en effet par le droit au respect de la vie privée".
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Une obligation qui doit être justifiée
Certes, lorsqu’on parle d’obligation vaccinale pour le personnel soignant, il y a une grande différence par rapport à une obligation imposée à l’ensemble de la population : le droit à la santé et à la vie peuvent être invoqués de manière plus spécifique et plus forte, puisqu’on parle de milieux qui sont directement exposés à la vie et à la santé des patients, détaille encore l’experte. "Ensuite, une fois que l’obligation est décidée, il faut également évaluer si celle-ci est proportionnelle à l’objectif poursuivi : dans le cas du Covid-19, l’ampleur de l’épidémie et sa mortalité permettent de la justifier facilement", explique Vanessa De Greef.
Au sein du système politique belge, il serait possible d’adopter un arrêté royal imposant la vaccination au personnel soignant. Cela correspondrait à modifier le Code de Bien-être au travail. Toutefois, selon la chargée de recherche, "si on adopte un arrêté royal, on ne respecte pas les conditions de restriction du droit au respect de la vie privée (qui comprend l’intégrité physique). Un tel arrêté pourrait donc être annulé devant le Conseil d’Etat. Or, en Belgique, seule une loi peut restreindre un droit fondamental. Elle donnerait alors un cadre juridique solide à cette obligation."
Le cabinet Vandenbroucke ne précise pas, pour l’instant, vers quoi on se dirige.
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