Chroniques

Nucléaire, la nuit des morts vivants

Par Bertand Henne via

Les doutes sur la sortie du nucléaire gagnent du terrain au sein de la Vivaldi. Hier trois des quatre partis flamands de la coalition ont publiquement fait savoir qu’il n’était plus aussi convaincus de la sortie qu’avant. Les verts se retrouvent plus isolés que jamais.

Les patrons sont de sortie

Il faut voir d’où part le coup. Ce sont les fédérations patronales qui sont sorties hier pour demander de revoir le dossier. Pour des questions de prix et de sécurité d’approvisionnement. Une autre initiative est menée par Françoise Chombart la patronne de Melexis, fabriquant de semi-conducteur. En collaboration avec des académiques, elle pointe le fait que les conditions de marchés ont changé : le prix du gaz, la stratégie russe, le prix de la tonne de Co2. Bref, plusieurs éléments nouveaux rendraient la sortie du nucléaire trop incertaine. Tous ces patrons demandent donc de changer de cap et de prolonger deux des sept réacteurs actuellement en fonction.

Merci les Russes

Ce n’est pas la première fois que ce genre d’appel émane du monde patronal ou du monde académique. Qu’est-ce qui change ?

La première chose c’est que l’échéance se rapproche. C’est dans un mois que le gouvernement doit décider. C’est donc l’ultime moment pour exercer un lobbying.

La seconde est que la confiance qu’on pouvait avoir dans le gaz pour suppléer à bon prix la sortie du nucléaire a été ébranlée par la stratégie croisée des Russes et des Américains en Ukraine. Et donc pour l’Europe, la dimension géostratégique des choix énergétique, la question de l’indépendance pèse d’un coup beaucoup plus lourd.

Partout l’industrie nucléaire semble se réveiller et activer ses réseaux. La Commission européenne, après un intense bras de fer en coulisse, considère le nucléaire comme investissement durable (le gaz aussi d’ailleurs). Emmanuel Macron qui avait annoncé fermer 14 réacteurs en France il y a quelques mois, change d’avis et veut maintenant relancer une filière nucléaire avec une ambition inégalée depuis Pompidou dans les années 70. Bref, il y a un momentum dont comptent bien profiter les défenseurs de l’énergie nucléaire.

Le cadavre de Lachaert

Ce momentum fait plier les partis flamands. Egbert Lachaert, le président du VLD, qui ne voyait pas comment réanimer le cadavre du nucléaire en décembre demande maintenant une étude qui tienne compte des derniers développements sur le marché du gaz. Le cadavre nucléaire semble donc bien être revenu à la vie, toute cette histoire ressemble à la nuit des morts vivant.

Le président du CD&V Johachim Coens dit que si le nucléaire est une solution il faut le faire. Le président de Vooruit, Conner Rousseau, dit que si le nucléaire peut faire baisser la facture des gens, alors il le soutiendra. Voilà donc Ecolo et Groen plus isolé qu’avant. Le PS n’étant pas arc-bouté sur la sortie, et le MR étant arc-bouté lui sur la prolongation.

Le coût politique du nucléaire

Mais est-ce que les conditions de marché ont vraiment changé. Est-ce la crise ukrainienne change à ce point la situation ? Il faudra le démontrer. Je ne suis pas j’avoue assez connaisseur du dossier pour dire si ça change à ce point techniquement les choses. Il ne vous aura pas échappé que cette crise du Gaz et les prix élevés de l’électricité, parmi les plus élevés du monde en Belgique, sont arrivés alors que 7 réacteurs nucléaires sont en fonction. Je ne sais pas si le coût réel de la sortie du nucléaire pour l’économie belge est devenu d’un coup plus élevé.

Mais à mon niveau, ce qui me semble évident c’est que le coût politique de la sortie est en train de monter. Car même si le lien entre la sortie du nucléaire et les prix de l’électricité n’est pas évident à établir, de plus en plus de partis craignent que l’électeur fasse le lien et fasse payer la majorité.

Bref, les trois partis flamands craignent le travail de sape de la N-VA. Ils craignent peut-être plus encore le travail de sape du MR, qui a décidé depuis des mois de faire payer le prix fort à Ecolo sur cette affaire. La nuit des morts vivant du nucléaire est aussi une nuit des longs couteaux. Il y a désormais un risque non-nul, que la Vivaldi connaisse une grave crise dans les prochaines semaines.

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