Cette première mondiale devrait permettre selon ses promoteurs de recycler des combustibles usés. Nous avons tous encore en tête les images de chaos à la centrale nucléaire de Fukushima au Japon après le tremblement de terre et le tsunami. Aujourd'hui, à l'Institut Von Karman de Rhode-Saint-Genèse, des ingénieurs essaient de reproduire l'effet de ce tremblement de terre sur un modèle réduit. La simulation de ce qui passe à l'intérieur d'un réacteur dans le liquide de refroidissement pendant les secousses est impressionnante.
Philippe Planquart, l'ingénieur responsable du projet à l'Institut Von Karman explique que l'on peut ainsi rajouter des éléments dans le réacteur ou formuler des recommandations pour modifier le design et tester pour diminuer les déplacements de la surface du liquide qu'on peut observer pendant le test.
En clair, on cherche ici à améliorer la structure pour contrecarrer l'apparition de ces grosses vagues qui peuvent mettre en danger la sécurité de ce réacteur. Dans une autre reproduction miniature, on perturbe le liquide de refroidissement et on en visualise les turbulences. Les zones de hautes températures en particulier sont à éviter, car elle peuvent détériorer les matériaux. Chiara Spaccapaniccia, ingénieure et doctorante à l'Institut Von Karman nous donne les raisons de ces tests: "Avant de construire le réacteur il faut démontrer qu'en matière d'hydraulique, il marche bien, dit-elle, donc, qu'il n'y a pas trop de résistance à l'écoulement et que l'écoulement est capable d'enlever la chaleur produite par le coeur."
Tests en modèle réduit inédits dans le nucléaire belge
Expérimenter des événements extrêmes comme des séismes à petite échelle avant même de concevoir le vrai réacteur, c'est nouveau et même complètement inédit dans le domaine nucléaire belge.
Mais le réacteur que l'on teste ici, est très loin d'être ordinaire. Ce n'est pas celui que l'on trouve dans nos centrales nucléaires. Myrrha, c'est son nom, c'est le premier prototype mondial de réacteur de nouvelle génération. Contrairement à ce qui se passe dans nos réacteurs actuels, il est très facile à arrêter, il dispose d'un accélérateur, pour l'allumer et l'éteindre, sorte d'interrupteur marche/arrêt. Plus sûr, plus facile à utiliser et à contrôler, il serait aussi beaucoup plus efficace... Et ce n'est pas tout, ajoute Hamid Ait Abderrahim, le directeur général adjoint du Centre d'étude de l'énergie nucléaire de Mol: "On a besoin d'aucun élément que ce soit un moteur ou une pompe qui aurait besoin d'une énergie extérieure, pour refroidir le réacteur.. Donc, (...) avec une source chaude en bas et une source froide en haut, la différence de température va faire que le liquide va circuler de lui-même."
Pas de problème donc en cas de panne d'électricité. Enfin, cerise sur ce gâteau nucléaire, le petit nouveau permettrait aussi de réduire la dangerosité de certains de nos déchets radioactifs les plus toxiques, en diminuant leur durée de vie de 300.000 à 300 ans, ajoute Hamid Ait Abderrahim.
Solution miracle pour des déchets radioactifs?
Une solution miracle vraiment pour ces encombrants déchets? Ce n'est pas du tout l'avis de Jan Vande Putte spécialiste du nucléaire chez Greenpeace : "On va créer des déchets secondaires parce que si on commence à détruire physiquement ces déchets, puis les dissoudre dans des acides, etc. On va produire des volumes plus important encore. le retraitement augmente le volume de radioactivité."
Autrement dit, les déchets seront plus nombreux et il sera encore plus difficile de s'en débarrasser. Pour Greenpeace, il faudrait investir autrement dans la recherche nucléaire et notamment dans le traitement définitif des déchets radioactifs déjà produits.
Entre innovation, communication bien réglée et réels bénéfices pour notre avenir, la seule certitude c'est que cet ambitieux projet européen devrait coûter près 960 millions d'euros dont 40% pris en charge par la Belgique.
Pascale Bollekens