Climat

"Nous nous dirigeons vers un océan Arctique sans glace saisonnière", alerte le National Snow and Ice Data Center aux Etats-Unis

Un océan de glaçons en lieu et place d'un contient de glace... voici la banquise arctique à l'été 2020.

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Par Benoît Feyt

Le réchauffement observé dans l’Arctique cet été a fait fondre la banquise dans des proportions qui ne s’étaient produites qu’une seule fois depuis les premières observations satellites, il y a 40 ans. Le précédent record date de l’été 2012, quand la superficie de la banquise avait reculé à 3,41 millions de km². Cette année, avec 3,74 millions de km² mesurés, la superficie des glaces estivales de l’Arctique passe donc pour la deuxième fois sous la barre des 4 millions de km².

"Nous nous dirigeons vers un océan Arctique sans glace saisonnière", alerte Mark Serreze, le directeur du National Snow and Ice Data Center (NSIDC) aux Etats-Unis, qui vient de publier les dernières données enregistrées cet été.

En 40 ans, la superficie de la banquise estivale de l’Arctique a diminué de 30%.
En 40 ans, la superficie de la banquise estivale de l’Arctique a diminué de 30%. © Tous droits réservés

Un effet du réchauffement climatique

La banquise est la glace qui se forme sur l’eau. Tous les ans, une partie fond l’été et se reforme l’hiver, de façon normale. Mais avec le réchauffement climatique, elle fond de plus en plus l’été, et sa superficie hivernale se réduit aussi. "Ce que nous constatons également, explique Clare Nullis, porte-parole de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), c’est que ce n’est pas seulement l’étendue de la glace qui se réduit, mais c’est aussi son épaisseur, son volume. Auparavant, la banquise était formée de glace épaisse de plusieurs années. Maintenant c’est de la glace d’une seule année. Elle fond donc en été pour se reformer partiellement en hiver. Mais à ce rythme, nous approchons assez rapidement du moment où nous allons voir un océan Arctique sans glace pendant au moins une partie de la saison estivale."

Avec 38 °C enregistrés le 20 juin 2020, la Sibérie a battu un nouveau record de température.
Avec 38 °C enregistrés le 20 juin 2020, la Sibérie a battu un nouveau record de température. © Tous droits réservés

Canicules en série en Sibérie

Les données relevées cet été montrent que la fonte des glaces a été particulièrement flagrante entre le 31 août et le 5 septembre, sous l’effet d’une canicule centrée sur la Sibérie. En six jours, le rythme de la fonte de la banquise a été plus rapide qu’au cours d’aucune autre année figurant dans les annales. Le 20 juin dernier, la Sibérie avait déjà battu un nouveau record de température avec 38°C mesurés à Verkhoïansk. Du jamais vu à cette latitude réputée pour être le point le plus froid de l’hémisphère nord !

Le Groenland en première ligne

Au Groenland, une masse de glace de 113 km², soit presque deux fois la surface de l’île de Manhattan, vient de se détacher du Nioghalvfjerdsfjorden, le plus grand glacier existant encore dans l’Arctique. Un phénomène qui se reproduira encore sous l’effet du réchauffement climatique. Les scientifiques s’attendent dès lors à une réaction en chaîne. A mesure que la glace polaire va fondre, elle libérera de plus en plus d’étendues d’eau en lieu et place de la banquise.

"Il faut savoir que la neige et la glace, blanches, réfléchissent 90% des rayons du soleil, alors que l’eau n’en réfléchit que 10%. La présence de neige et de glace permet donc de limiter l’effet du réchauffement. Mais au fur et à mesure que la banquise disparaît, l’effet s’accélère car l’énergie solaire est de plus en plus absorbée par l’eau. C’est que qu’on appelle une 'boucle de rétroaction'", explique Hugues Goosse, Climatologue à l’UCL.

Un phénomène qui s’apparente à un cercle vicieux sous l’effet duquel le réchauffement s’auto-alimente. Ce qui explique qu’au cours des trente dernières années, les températures enregistrées dans l’Arctique ont augmenté plus de deux fois plus vite que dans le reste du monde.

Un effet visible du réchauffement climatique. Au Groenland, une masse de glace deux fois plus grande que l’île de Manhattan s’est détachée du Nioghalvfjerdsfjorden, le plus grand glacier existant encore dans l’Arctique.
Un effet visible du réchauffement climatique. Au Groenland, une masse de glace deux fois plus grande que l’île de Manhattan s’est détachée du Nioghalvfjerdsfjorden, le plus grand glacier existant encore dans l’Arctique. © Tous droits réservés

Conséquences globales

"Nous sommes en alerte rouge, explique Tom Foreman, expert en vie sauvage polaire chez Greenpeace. C’est tout l’écosystème qui va être bouleversé. Actuellement, les premières victimes de cette fonte de la banquise sont les ours polaires, les phoques et les morses qui voient se réduire leur habitat, leurs zones de chasse et leurs espaces de reproduction. Mais cela aura aussi des conséquences sur des poissons, des types de planctons et des algues."

Et chez nous ?  "C’est encore difficile à dire, explique Hugues Goosse. On sait que la fonte de la calotte polaire va avoir un impact sur le climat en Europe mais il est impossible de savoir lequel précisément. Plus de précipitations ? Moins ? Des vagues de froid ? Dans quelles zones exactement ? On ne sait pas. Mais ce qu’on sait, c’est qu’on ne reviendra plus en arrière et qu’on ne retrouvera pas les conditions climatiques du XXe siècle."

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