Alors les journalistes doivent-ils avoir une carte de parti ? Est-ce si " factuel " que cela ?
La réponse est non. Pour devenir journaliste à la RTBF, il faut passer un examen de recrutement qui a lieu régulièrement- les derniers datent de 2018 – 2015 – 2012 – 2008 – 2005. Plusieurs centaines de candidats passent différentes épreuves éliminatoires avant d’être entendus par un jury. La Société des Journalistes assiste à l’entretien pour garantir un traitement équitable des candidats.
Autre " fait " allégué: la RTBF serait particratisée.
Pour affirmer cela, l’internaute fait référence à un article de La Libre de 2001 où l’on pouvait lire que malgré le changement de statut de la RTBF en entreprise publique autonome en 1997, " Le politique a conservé ses vieux réflexes consistant à `placer´, aux postes stratégiques de la RTBF (la fameuse `hiérarchie´), des hommes ou femmes sur lesquels les états-majors des partis ont prise. Et tant pis, le cas échéant, pour la compétence des personnes placées... ".
Cet article date de 2001, et de l’eau a manifestement coulé sous les ponts depuis lors. " Depuis un peu moins de vingt ans, il y a une vraie dépolitisation, nous explique Jean-Jacques Jespers, professeur de journalisme à l’ULB. Au niveau des journalistes il y a une dépolitisation totale. Auparavant il y avait un étiquetage des journalistes qui n’existe plus aujourd’hui. Et au niveau des postes à responsabilités ce sont des mandats qui sont accordés sur base de projets et par des jurys indépendants ". Voilà donc une petite révolution qui a commencé en 1993. A l’époque, la clé D’hondt s’appliquait aussi à la hiérarchie. " Jusque-là, il existait une loi qui s’appelait le Pacte culturel, détaille Simon-Pierre De Coster, responsable du service juridique à la RTBF, qui prévoyait une représentation proportionnelle au poids des partis politiques dans la hiérarchie. Mais ça a été annulé par la Cour Constitutionnelle, il n’y a plus de pondération politique des membres de la hiérarchie. D’ailleurs, quand on désigne un membre de la hiérarchie, les jurys sont composés de membres externes à la RTBF dont des membres du secteur privé et des personnes venant de l’étranger ".
Le Conseil d’administration politisé, une garantie démocratique !
" Le seul niveau où il y a vraiment un équilibre politique, poursuit Jean-Jacques Jespers, c’est au niveau du conseil d’administration. Et là, c’est le décret qui prévoit que le CA est composé au pro rata des groupes parlementaires reconnus. Moi je trouve que c’est plutôt une garantie démocratique qu’il soit le gardien de l’équilibre entre la représentation des différents groupes démocratiques ".
Le Conseil d’administration est composé de treize administrateurs choisis par le parlement en fonction du poids politique des partis à la Fédération Wallonie Bruxelles. " Il est composé de manière pluraliste, explique Simon-Pierre Decoster. La clé D’hondt répartit les sièges des 13 administrateurs en fonction des partis qui ont le plus de poids au parlement de la Communauté française. Pour l’instant Ecolo, Défi et le PTB n’ont pas de siège parce qu’ils n’avaient pas assez de poids aux dernières élections. Une dernière précision : le décret interdit à un parti non-démocratique d’avoir un administrateur à la RTBF ".
Le saviez-vous ? vous pourriez être candidat pour siéger au conseil d’administration de la RTBF
" N’importe qui peut se porter candidat. Mais il n’y a jamais personne qui le fait ". Encore faudrait-il que ce candidat soit soutenu par groupe politique au Parlement pour être désigné et un ancien représentant du CA de la RTBF nous glisse que ce serait peu probable. Mais c’est toujours bon à savoir.
Mais quelles sont donc les prérogatives de ce Conseil d’administration ?
" En matière de contenu des programmes, précise encore Simon-Pierre Decoster, il adopte la grille des programmes proposée par les directeurs de la télé et de la radio. Il est le garant de la légalité de nos contenus mais ne peut jamais se mêler du contenu éditorial des programmes. Il n’a aucun droit d’imposer tel sujet ou tel autre dans un journal parlé. Un administrateur qui ferait pression commettrait une faute grave qui pourrait provoquer sa révocation ".
Voilà pour la théorie, mais est-elle bien respectée, cette théorie ?
J’ai questionné des collègues journalistes âgés de 25 à 55 ans pour avoir leur ressenti. Tous tiennent le même discours : " Jamais ils n’ont senti une pression du Conseil d’administration par rapport à leur travail".
Bertrand Henne a été responsable de l’interview politique de Matin Pemière pendant huit ans. Jamais, nous dit-il, il n’a ressenti la moindre pression de ce genre.
" Peut-être parce que le CA est pluraliste. Il y a donc une protection naturelle, puisque si une décision favorisait un parti plutôt qu’un autre, les autres réagiraient. Et puis le CA ne se mêle pas de notre quotidien. Le seul moment où il y a déjà eu des tensions, des discussions, c’est quand on établit le dispositif électoral, à l’approche des élections. On a déjà eu des contacts plus compliqués sur la présence des petits partis dans nos programmes électoraux, mais aujourd’hui ces petits partis sont beaucoup plus présents dans nos programmes pré-électoraux ".