Il y a près de 4 ans, Didier Steenberghs décide de créer sa société de nettoyage et de restauration de sépultures ; il vient de quitter son poste de directeur dans une société de télécom. Cette année, il a plus de 250 tombes à nettoyer d’ici à la Toussaint. Seul avec son épouse, il se rend, sur demande, dans tout le sud du pays et à Bruxelles.
"L’idée est venue alors que je rendais visite à ma mère au cimetière, j’ai vu une dame qui ne parvenait pas à déplacer un livre en pierre posé sur une tombe, je l’ai aidée et on a commencé à parler, elle m’a raconté que sa sœur reposait dans le caveau, que ses enfants étaient éparpillés en Belgique et qu’ils n’avaient pas le temps de s’occuper de la tombe". Didier se lance donc dans cette nouvelle entreprise et se retrouve à nettoyer, restaurer, fleurir des sépultures… bien loin de son premier métier.
"Il n’y a pas que les personnes âgées qui font appel à nous"
"Un tiers des demandes vient de personnes qui ont quitté la Belgique. Elles se trouvent en France, en Allemagne, en Suisse, en Italie notamment. Elles sont éloignées, mais elles veulent que l’on continue à s’occuper des tombes familiales", nous dit Didier que nous retrouvons au cimetière de Tertre ce jour-là, près de Saint-Ghislain. "Mais les personnes âgées aussi font appel à nous, tout comme celles qui ne peuvent plus se déplacer ou celles qui n’ont plus de temps à consacrer à ce nettoyage."
Une brosse en fer, de l’eau, du savon et beaucoup d’huile de bras, Didier et son épouse Anna n’utilisent pas de grands moyens pour rendre les sépultures plus belles. Le monument à quatre colonnes qu’ils nettoient quand nous les rencontrons, ce monument était dans un bien piteux état il y a 3 ans, recouvert de mousse et d’herbes qui avaient poussé un peu partout. "Et en brossant la pierre" poursuit Didier, "on a découvert de la mosaïque et une inscription : Reposez en paix. Cela fait des années que la famille n’avait plus entretenu cette véritable petite chapelle construite à la fin du dix-neuvième siècle".
Par tous les temps
Se retrouver des journées entières dans les cimetières demande une solide résistance physique. Didier travaille parfois dans des conditions très difficiles en cette période de Toussaint même si la météo est plutôt clémente cette année. "Je me souviens de températures négatives, il gelait et nous venions avec nos jerrycans d’eau. C’était assez dur évidemment. Une autre fois, à Han-sur-Lesse, il n’y avait pas d’eau dans le cimetière, on est allé chercher des seaux d’eau dans la Lesse. Je ne vous dis pas l’eau dans la voiture et le temps que cela nous a pris."
Un métier d’empathie…
Quand Didier fonde sa société, il sait qu'elle sera l’une des premières à proposer ce type de service en Wallonie et de façon "officielle". Pour le monument de Tertre, il va demander 110 euros pour de 4 à 5 heures de travail. Le "premier" prix est de 45 euros, tout compris. Alors quand on parle d’argent avec lui, il nous répond avec beaucoup de franchise : "Bien sûr, nous sommes une société commerciale, nous travaillons et sommes rémunérés pour cela. Mais chaque fois que nous rencontrons les personnes qui font appel à nous, il y a toute une histoire, la leur et celle de leur famille aussi. Et quand nous travaillons sur une pierre tombale, nous la traitons toujours comme si c’était un membre de notre famille. Parfois, nous sommes au cimetière et les gens viennent spontanément nous voir, nous expliquer leur histoire et, quelque part, ils nous entraînent dans leur mélancolie, leur tristesse. Si vous n’avez pas un peu d’empathie, vous ne faites pas ce métier. Et s’il n’y avait pas ce côté humain, je ne le ferais plus..."