La couleur des idées

Nathalie Heinich : "Le combat contre le wokisme est aussi un combat politique pour la conception universaliste de l’être humain"

Portrait de la sociologue Nathalie Heinich chez elle en 1999, France.

© Louis MONIER / Getty images

Par Tania Markovic via

Pascale Seys reçoit la philosophe et sociologue Nathalie Heinich à l’occasion de la parution de son dernier essai Le wokisme serait-il un totalitarisme ? aux éditions Albin Michel. Un essai qui questionne donc une vision, une lecture de la culture et de l’histoire qui fait polémique aujourd’hui dans la société : l’esprit woke.

D’emblée de jeu, le ton est donné : selon Nathalie Heinich la réponse est oui, le wokisme s’apparente à un totalitarisme. Elle précise toutefois qu’elle soutient cette thèse dans l’arène civique et non pas académique, que son propos ici est celui d’une citoyenne et non pas d’une chercheuse, car Nathalie Heinich tient à la distinction entre ces deux pôles, même s’il s’opère régulièrement des allers-retours entre eux.

Pascale Seys et Nathalie Heinich commencent leur discussion en posant les termes du sujet. Nathalie Heinich revient sur la genèse du wokisme, un concept qui nous est arrivé d’Outre-Atlantique il y a seulement quelques années, car le wokisme est d’abord un combat nord-américain qui tient son nom du passé simple du verbe anglais to wake, qui signifie en français "se réveiller", en l’occurrence face aux discriminations. Un mouvement qui a pris largement son essor depuis les manifestations Black Lives Matter à l’été 2020, suite au meurtre de Georges Floyd, noir américain étouffé lors de son interpellation par des policiers.

Si le wokisme s’est développé de façon récente, il reprendrait des formes d’injonction religieuse relevant du puritanisme protestant qui prirent de l’ampleur en particulier aux États-Unis au XVIIIᵉ siècle et au XIXᵉ siècle, explique Nathalie Heinich. Injonctions qu’on a appelées "théologies de l’éveil", un éveil qui se manifesterait donc face à la vraie foi. Pour Nathalie Heinich, "on retrouve dans le wokisme cette même disposition à construire une séparation forte entre ceux qui, dans une communauté, sont éveillés à quelque chose et ceux qui ne le sont pas, avec un effet évidemment d’exclusion de tous ceux qui ne répondraient pas à cette à cette injonction à l’éveil". Nathalie Heinich voit dans cette assignation identitaire communautariste la première dimension qui fait du wokisme une forme de totalitarisme. Vient ensuite le totalitarisme "par la culture de la censure" à laquelle elle appelle à résister, sans compter une tendance à donner la préférence à l’idéologie sur la science. La " pollution " du milieu universitaire par " l’idéologie wokiste " la préoccupe particulièrement. Elle rappelle l’importance de la neutralité de l’enseignant ou du chercheur dans le cadre de ses fonctions telle que la préconisait le sociologue allemand Max Weber, neutralité qui permet de produire "des connaissances objectives et non pas de l’idéologie". Ce qui, réitère-t-elle, n’empêche pas ses pairs comme elle-même de s’exprimer par ailleurs en tant que citoyens, que ce soit en votant, en manifestant, en écrivant des tribunes dans les journaux, etc.

 

 

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’entretien mené par Pascale Seys

La couleur des idées

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