Mains nouées derrière le dos, le regard posé sur l'horizon, il trône fièrement à l'entrée de la ville, ne semblant prêter aucune attention aux centaines de voitures qui défilent chaque jour à ses pieds. Alors que des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour demander le déboulonnage des statues de Léopold II, celle-ci devrait rester à son emplacement actuel, au centre de la place Wiertz à Salzinnes : "Il n'y a aucune demande au niveau local pour démonter cette statue" indique d'emblée le bourgmestre de Namur Maxime Prévôt.
La mort de Georges Floyd aux États-Unis a agi comme un déclencheur et relancé un vieux débat: faut-il retirer toute représentation de l'époque coloniale dans l'espace public ? Les autorités communales namuroises ont fait le choix de maintenir cet héritage, aussi douloureux et encombrant puisse-t-il être: "Je pense que ça fait partie de notre Histoire et que l'Histoire nous devons l'assumer dans ce qu'elle a de plus glorieux comme, hélas aussi, dans ses parts d'ombre. Le maintien d'une statue qui a été réalisée à l'époque ne signifie pas que l'on cautionne la part d'ombre liée à la colonisation. Je pense que ce ne serait pas la bonne réponse à un vrai problème qui est celui de la lutte contre les discriminations ou le racisme. L'enjeu c'est surtout d'expliquer, de pouvoir remettre dans le contexte et de tirer des enseignements pour le vivre-ensemble d'aujourd'hui".
Un processus lancé il y a plusieurs mois
Namur n'avait pas attendu cette nouvelle mobilisation mondiale contre le racisme systémique pour prendre position. Il y a déjà plusieurs mois, courant de l'année 2019, alors qu'un groupe d'experts des Nations Unies recommandait à la Belgique de présenter ses excuses, les autorités communales avaient initié un processus d'introspection sur le passé colonial belge : " Il y a déjà un certain nombre de choses qui ont été faites, notamment des visites guidées pour expliquer les noms des rues à Namur qui font référence au Congo belge" explique Philippe Noël, l'échevin qui a notamment l'Égalité des chances dans ses attributions.
Pour mener à bien ce travail, en coordination avec le secteur associatif et des représentants de la communauté afro-descendante, l'accent est donc mis sur la pédagogie et sur la contextualisation des œuvres plutôt que sur un retrait pur et simple : "Jusqu'à présent, toutes les discussions ont porté sur la nécessité d'expliquer les rôles et les actes de chacun dans la colonisation. On doit pouvoir, à la lumière des faits objectifs, avoir une lecture claire et équilibrée de l'Histoire, plutôt que de vouloir cacher ou démonter les choses. L'objectif n'est pas de refaire l'Histoire mais de l'interpréter avec la connaissance complète des éléments et donc cela passe probablement par la reconnaissance d'un certain nombre de choses dans notre passé colonial et sur le rôle de la Belgique".
Comme dans de très nombreux domaines, la crise sanitaire du coronavirus aura également eu un effet sur ce processus de décolonisation à Namur, les discussions se voyant soudainement interrompues pour une durée relativement longue. Avec le déconfinement de la société et la reprise progressive des activités, ce travail va pouvoir reprendre, de nouvelles visites guidées dans les rues de Namur pourraient par exemple être programmées très prochainement.