Comment est née l’envie de faire ce film ?
C’est d’abord une révolte par rapport à l’instrumentalisation du ventre des femmes, jamais dans l’histoire humaine cette limite n’avait été franchie, et une inquiétude. Mon enquête au départ se focalise sur les États Unis et l’Inde où le “marché” de la GPA - car il s’agit bien d’un marché- est très porteur" et fonctionne selon les règles violentes du marché réduisant la femme qui porte l’enfant a un “ventre à louer”. Il est très important de distinguer cet aspect, de ne pas faire d’amalgame. Puisque la pratique existe, j’ai voulu poser ma caméra, dans un pays où la question de la marchandisation n’interfère pas et où il s’agira non d’une transaction matérielle mais d’une transaction symbolique. En Belgique, la GPA est autorisée à condition qu’elle ne soit pas commerciale. La mère porteuse est une mère porteuse relationnelle, une sœur souvent, une amie parfois. Je souhaitais lui donner un corps, la faire entendre, comprendre ce qui se joue pour elle et l’empreinte que cela laissera dans sa vie, le titre initial était " L’empreinte ".
La mère porteuse est une mère porteuse relationnelle, une sœur souvent, une amie parfois. Je souhaitais lui donner un corps, la faire entendre
Après avoir tourné plus d’un an dans ce service au C.H.U St-Pierre, votre regard a-t-il changé sur cette pratique ?
J’ai eu la chance d’être accueillie par l’équipe de Procréation Médicalement Assistée (PMA) de l’hôpital Saint Pierre, je les remercie. Ils ont été exigeants avant d'accueillir ma caméra comme ils le sont face à toute demande de G.P.A qui les engage. Car il s’agit, certes de répondre à la souffrance et je n’imaginais pas voir se déployer un tel spectre de souffrances, mais d’élaborer un cadre précis pour accompagner ces demandes sans engendrer d’autres souffrances. Il faut que chaque terme de l’histoire qui se met en place soit possible du point de vue médical, relationnel, juridique et en particulier veiller tout au long à préserver la place de " sujet " de chacun. Cette équipe remarquable montre que " c’est possible " mais en posant un certain nombre de garde fous.
Comment les femmes et les familles que vous suivez ont-elles accueilli votre projet ?
C’était évidemment délicat de témoigner dans un processus qui met en danger tous les repères. Marie Laure GUSTIN, la psychiatre périnatale de l'équipe leur présentait mon projet. Si les familles le souhaitaient, je les rencontrais ensuite. Dans mon travail de cinéaste, je me place aux côtés de ceux que j'accompagne, on chemine ensemble; le film doit créer un espace protecteur.
Il me semble que la femme qui a permis de faire venir au monde un enfant ne doit pas être invisibilisée
En Belgique, la GPA est tolérée mais il n’y a aucun cadre législatif. Est-ce un manque selon vous?
Dans le flou juridique, comme tout n'est pas figé ni définitif, on peut penser qu’il y a précisément la possibilité d'élaborer, d'inventer. Une forme de liberté. Cependant, il me semble que la femme qui a permis de faire venir au monde un enfant ne doit pas être invisibilisée. La société est en avance sur le droit mais pourquoi la loi ne lui ferait elle pas une place? J’imagine une mention dans l’état civil pour l’enfant venu au monde grâce à la G.P.A " Né(e) de .. et de .. "
Où est-on dans ce débat chez vous en France où la GPA reste interdite?
En France, le récent vote de la loi autorisant la PMA s’est fait paradoxalement en diabolisant la GPA (on dit oui à l’une et non à l’autre). L’interdire, plutôt que d’imaginer un cadre exigeant pour l’acceuillir, c’est favoriser les pratiques que l’on dénonce, le marché!