Stockholm. Lancement de la Fondation Martin Fröst, soutenue par le facteur d’instruments Buffet Crampon. Celle-ci permettra, dès aujourd’hui, de fournir des instruments de musique aux enfants défavorisés aux quatre coins du monde.
On se figure mal la célébrité du clarinettiste Martin Fröst en Suède, le pays qui l’a vu naître. C’est derrière de larges lunettes noires d’aviateur qu’il cache ses yeux pétillants (on finira par les apercevoir une ou deux fois) et il se déplace suivi d’un caméraman qui enregistre le moindre de ses mouvements. On nous apprend qu’une équipe réalise un documentaire sur lui. Ce n’est donc pas son quotidien. Né de parents médecins, dans les grandes étendues désolées du nord de la Suède, Martin Fröst et ses frères ont eu très tôt des instruments de musique entre leurs mains joueuses. Noble pays, où les parents daignent voir plus loin que l’inconfort acoustique immédiat de percussions utilisées primairement pour effrayer le chat mais qui – en fait - sont le fondement de générations entières de jeunes musiciens aux cheveux blonds.
Quel âge à Martin Fröst ? Sur ses photos on lui donnerait quinze ans depuis vingt ans. En vrai, au pied du buffet pantagruélique qui accueille la presse internationale venue boire ses paroles en même temps qu’un âpre café sans sucre, on lui donne un peu plus. Mais on le sent soucieux. Soucieux de la caméra qui l’épie. Des lunettes noires qu’il enlève et puis remet nerveusement. Soucieux de l’énorme concert de charité qu’il donne le soir même à la lugubre Konserthuset. Soucieux aussi de cette fondation qu’il lance, main dans la main avec Buffet Crampon, le facteur des champions.
C’est qu’après avoir joué plus de 800 fois le concerto de Mozart, après avoir sillonné le monde à l’endroit et à l’envers, après s’être essayé au jazz, à la musique contemporaine, aux canons du classicisme, au kletzmer, après avoir goûté – surtout – à la vie de people, Martin Fröst sent que l’heure de renvoyer l’ascenseurau destin est arrivée. Ainsi donc, voguant sur la bienfaisante vague d’El Systema, il lance sa fondation. Celle-ci devrait, petit à petit, fournir à de jeunes musiciens impécunieux les instruments qui permettra à leur talent d’éclore.
Or sur la table, près du buffet, repose déjà une clarinette prête à être expédiée au Kenya. Venu de la banlieue de Nairobi, Michael est le responsable d’un centre de formation de jeunes musiciens kenyans. Il est le récipiendaire de l’instrument qui bientôt passera entre les mains de ses élèves. Comme en musique tout est transmission, on s’émeut de ce passage de relais. Surtout, on imagine dans la steppe kenyane, un Martin-Fröst-en-devenir, qui attend son instrument et les 800 performances du concerto de Mozart qui le suivent sagement, sans demander leur reste.