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Nacer Chadli (Westerlo, Diables Rouges) passe sur le Gril : "La Coupe du Monde au Qatar ? J’ai une chance d’y être, mais ce sera difficile…"

Sur le Gril

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Nacer Chadli (Westerlo, Diables Rouges) en mode selfie
Nacer Chadli (Westerlo, Diables Rouges) en mode selfie © Tous droits réservés

Depuis début septembre, la si tranquille Campine compte aussi sa vedette : Nacer Chadli a rejoint Westerlo (qui accueille Seraing ce vendredi soir, 20h45) pour redevenir footballeur et, qui sait, se replacer pour le Qatar. Il évoque Bruno Venanzi, la tactique, Hyun-seok Hong, le dilemme des binationaux, Lyle Foster, la nuit folle de Rostov et Vincent Kompany. Mais aussi Mehdi Carcela, ses projets immobiliers, Kylian Mbappé, la polyvalence, Axel Witsel, la Révolution iranienne et Droixhe. Et forcément… le fameux " Je vous l’ai dit, bordel ! " Nacer Chadli passe " Sur Le Gril ".

Westerlo, The President’s Room. Vue centrale et plongeante sur le champêtre petit stade du Kuipje. Entre deux séances d’entraînement et un passage par la kiné, Nacer Chadli s’enfonce dans l’un des trois canapés Chesterfield marrons de la loge présidentielle. Fini l’époque où l’ineffable Herman Wijnants faisait tourner à lui seul la " Perle de Campine " (appellation déposée) : Westerlo et sa célèbre mascotte en forme de perroquet sont passés sous contrôle turc, avec son propriétaire Oktay Ercan, millionnaire actif dans… les mines et le textile militaires, et également actionnaire à Hull City.

Sans doute que le fait que le patron du club est turc a joué dans ma signature ici (NDLA : Chadli est en prêt du club stambouliote de Basaksehir), mais je n’en sais pas plus… " commence Nacer Chadli. " Le premier à m’avoir contacté est Jonas De Roeck, le coach, qui m’a expliqué son projet sportif et le rôle qu’il me destinait. Cela m’a convaincu car je voulais surtout retrouver du temps de jeu et me remettre en condition, car en Turquie je n’avais plus trop de plaisir. Je voulais aussi me rapprocher de ma famille (NDLA : Chadli a deux filles en bas âge). Alors Westerlo, c’est vrai que ça peut surprendre, mais en football, j’ai appris que tout était possible (clin d’œil). Je connaissais déjà des joueurs comme Lyle Foster, que j’ai côtoyé à Monaco, Ravil Tagir, lui aussi de Basaksehir, Halil Akbunar que j’avais affronté en Turquie, ou encore Sinan Bolat. Je n’ai jamais cessé de suivre le championnat belge… qui est une très bonne compétition, avec du rythme, de l’engagement et pas mal de courses à haute intensité, on le voit dans les rapports de match. Il y a du talent aussi, comme tous ces jeunes à Anderlecht. Je retrouve aussi les tauliers qui étaient déjà là lors de mon passage à Anderlecht (NDLA : en 2019-20) et je découvre des pépites comme le Sud-Coréen de Gand. Hong, c’est ça ? " (NDLA : Hyun-seok Hong).

Nacer Chadli dans son premier match avec Westerlo... contre Anderlecht
Nacer Chadli dans son premier match avec Westerlo... contre Anderlecht © BELGA

"J'ai joué à toutes les places... sauf gardien et défenseur central"

Avec déjà quatre places de titulaire… et trois quarts du temps de jeu maximum possible depuis sa signature en Campine, Nacer Chadli est en ordre de marche. Contre Zulte Waregem, il a même ouvert son compteur de buts… qui criait famine depuis deux ans.

Je suis content de mon évolution : je bosse bien et je retrouve doucement mon niveau. L’équipe est en forme aussi (NDLA : 5 victoires de suite, dont la dernière en date… 0-2 au Club Bruges !) et confirme que la cohésion est une donnée importante pour un club promu. L’Union Saint-Gilloise l’a déjà démontré la saison passée : avoir une équipe soudée peut créer des surprises, même en venant de D1B ! Ma place préférée a toujours été le flanc gauche comme ailier, mais avec les années, je redescends plus souvent au milieu. On parle toujours de ma polyvalence… et c’est vrai qu’à part gardien et défenseur central, j’ai joué à toutes les places dans ma carrière ! (Il rigole) La polyvalence est très précieuse dans la football moderne, où on joue avec des défenses et des entrejeux à 3, à 4 ou à 5. Après, quand vous êtes polyvalent, vous n’êtes jamais spécialiste d’une position, donc ça peut vous porter préjudice… mais ça vous oblige à apprendre de vos erreurs et à vous améliorer ! Moi, coach plus tard ? (NDLA : il avait entamé ses cours avec d’autres Diables comme Vincent Kompany et Thomas Vermaelen) Pourquoi pas ? Mais la question n’est pas encore à l’ordre du jour. "

" Le Qatar ? Je suppose que Martinez envoie des scouts dans les stades… "

J-37 avant le coup d’envoi du Mondial au Qatar. La question était inévitable : ce retour en Belgique s’est-il fait avec une idée en creux, celle de revenir dans le viseur de Roberto Martinez ?

On me pose tout le temps cette question… mais franchement non, ce n’était pas la raison première :  je suis revenu car je voulais rejouer un maximum de matches et me remettre à niveau physiquement. Après, si j’ai la possibilité de partir au Qatar, ce sera forcément un plus. Mais je le répète, ça fait plus d’un an que je n’ai plus été rappelé (NDLA : depuis la fin du dernier Euro) et à 33 ans, ça commence à compter... Je ne m'attends donc pas à y aller : si j’y vais, ce sera super… mais si je n'y vais pas, ce ne sera pas une grosse déception non plus. Non, je n’ai pas eu de signaux venant de Roberto Martinez : je l’ai juste croisé à notre match contre Anderlecht… Mais je suppose qu’il envoie des scouts dans les stades qui lui font des rapports. "

Roberto Martinez et Nacer Chadli
Roberto Martinez et Nacer Chadli © BELGA

Sélectionné la première fois en 2011 face à la Finlande, après avoir joué un match amical avec le Maroc, le pays de ses racines familiales, Nacer Chadli aura tout vécu avec cette fameuse génération dorée… qui approche de son épilogue.

Si les Diables ont une chance de victoire finale au Qatar ? Bien sûr ! Tout le monde a une chance… et je dois dire qu’à part les équipes sud-américaines qui me semblent en forme, personne ne m’a vraiment impressionné. En Europe surtout, les favoris ont du mal : personne ne m’a vraiment tapé dans l'œil. (sic) Notre match contre le Maroc m’inspire forcément : c’est un match important, comme souvent le deuxième, il y aura plein de supporters marocains en Belgique. Ça va être beau à voir ! (sic) Mon choix pour la Belgique, à l’époque, m’avait valu pas mal de critiques au Maroc, mais aujourd’hui c’est oublié et on comprend mon choix... même quand je retourne au pays (sic). Mais on sous-estime ces situations : c’est très difficile pour les jeunes binationaux de choisir un pays. On est tiraillé entre les deux côtés, il faut faire un choix… qui en fait est impossible. Mais en football, on est obligé de choisir : c’est dommage mais c’est comme ça… "

" Boycotter le Qatar ? Il fallait y penser au moment de voter… "

Qui dit Qatar, dit aussi forcément polémique… qui, ces derniers mois, a singulièrement enflé. Certaines sélections se sont positionnées contre ce choix, d’autres (dont la Belgique) intenteront des actions durant le tournoi.

Moi, je n’ai pas trop de commentaires à faire par rapport à ça : ça a été voté, on n'en a pas entendu parler pendant des années… et maintenant, on en fait tout un foin ! (sic) Si les gens n'étaient pas contents, il ne fallait pas voter à l’époque... Aujourd’hui, des stades ont été construits, il y a eu malheureusement des morts, les conditions de travail étaient criticables… mais ces débats viennent un peu tard. Alors bien sûr, le monde du sport a son rôle à jouer, mais il y a aussi des instances et des décisions à respecter. Si à l’époque, des pays avaient dit ‘On va boycotter le tournoi !’, on aurait mis les chantiers à l’arrêt… mais ça n’a pas été le cas. Aujourd’hui, c’est trop tard... "

Nacer Chadli, 64 fois Diable Rouge
Nacer Chadli, 64 fois Diable Rouge © BELGA

Une autre tempête souffle aujourd’hui au Proche-Orient : depuis la mort de Mahsa Amini, cette jeune femme ayant refusé de porter le voile selon le bon goût du régime, la population iranienne est en marche vers une nouvelle Révolution. Nacer Chadli est attentif : son épouse, la mère de ses deux filles, est iranienne d’origine...

C’est si triste de voir que les droits humains, et singulièrement les droits des femmes, soient autant bafoués là-bas. C'est un régime totalitaire, qui est soutenu depuis des années par certaines puissances. Mais aujourd’hui, une révolution est en cours et il faudra suivre cela de très près. Le problème de l’Occident, c’est qu’il a sa vision du monde et ses propres valeurs… très éloignées de la manière de penser là-bas. Donc c’est toujours une confrontation de différents systèmes de pensées, où chacun essaie de s’imposer à l’autre sans comprendre… "

" À 0-2 contre le Japon, on était mal barrés… "

Rostov (Russie), 2 juillet 2018 : comment oublier cette date… Belgique-Japon du Mondial russe. Le but légendaire de Chadli à la 94e minute d’un match où les Diables étaient menés 0-2… On lui soumet le rappel.

" 2018… Quelle date, vous dites ? 2 juillet ? (Il réfléchit) Euh… (Son visage s’éclaire) Ah oui, le match contre le Japon ? Oui, c’est vrai, je n’y pense pas à longueur de journée (sic), mais les gens se chargent de me le rappeler (clin d’œil) Bien sûr, ça a marqué l'Histoire… et mon histoire à moi avec l'équipe nationale ! C'est clair que ça fait plaisir : ça va encore rester longtemps dans les bouquins (sic). Mais bon, aujourd’hui, on est quatre ans plus tard et il y a une nouvelle histoire à écrire au prochain Mondial. Ce soir-là, ce contre (NDLA : relance rapide de Thibaut Courtois pour Kevin De Bruyne, ouverture et course pour Thomas Meunier, Romelu Lukaku qui laisse passer le centre entre ses jambes et Nacer Chadli qui conclut…) n’était pas du tout répété : on ne répète pas des actions comme ça ! On répète des systèmes de jeu et des automatismes, mais en match, on adapte et on improvise… Lukaku a senti que j’arrivais derrière lui en pleine course : on se connaît très bien, je n’ai pas eu besoin de crier. Il a bousculé son défenseur… puis il a laissé passer le ballon. Malgré ses qualités de finisseur hors-pair, Romelu est un gars super-altruiste : il va toujours d’abord penser au bien de l’équipe… et il savait que j’avais plus de chances de marquer que lui sur cette phase."

Le but mythique de Rostov
Le but mythique de Rostov © BELGA

"Avec le recul, c’est vrai qu’à 0-2, on s'est regardés : 'Merde, on est mal barrés(sic). Mais quand je suis entré, je me suis dit que si on poussait 10-15 minutes, les Japonais allaient peut-être craquer. Et c’est ce qui s’est passé… Après mon but, et encore aujourd’hui, les gens m’ont remercié comme des fous. (sic) Ça me touche chaque fois beaucoup… Après, j’ai appris à faire la part des choses aussi : le foot est mon métier et ma passion, mais le soir quand je rentre en famille, je déconnecte. Parce que si vous ramenez vos problèmes à la maison, ça ne va plus… "

LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PAPIER 1 : ARGENT. " On ne va pas se mentir, c’est quelque chose de très important. Je suis content de bien gagner ma vie, d'avoir bien pu la gagner durant ma carrière. Ça me permet d'avoir des projets dans l'avenir, qui sont réalisables pour moi et ma famille : j’investis principalement dans l’immobilier. Mais non, je ne joue pas pour l’argent : le foot est d’abord ma passion. Les 131 millions d’euros de salaire annuel de Kylian Mbappé ? Tant mieux pour lui… (clin d’œil) Mais les gens ont souvent une vision faussée. Mis à part les supers-stars grassement payées, on est entré dans une période de récession : depuis le Covid, les petits championnats souffrent car il y a moins d’argent… "

PAPIER 2 : ET JE L’AI DIT, BORDEL ! (Il sourit) " Ah, la fameuse phrase de Philippe Albert sur mon but contre le Japon… On me l’a passé en boucle, celle-là, mais ça me fait plaisir car la phrase est marrante et c’était vraiment le cri du cœur…  (sic) Moi, consultant TV un jour ? Pourquoi pas ? J’aime toujours parler football, que ce soit sur un terrain ou dans un studio télé. Je joue au foot depuis que j’ai 5 ans et j’adore toujours autant ce jeu. Donc si je peux rester dans le métier après ma carrière de joueur, ce sera avec plaisir. "

Axel Witsel et Nacer Chadli, amis pour la vie
Axel Witsel et Nacer Chadli, amis pour la vie © BELGA

PAPIER 3 : DROIXHE (NDLA : un quartier de Liège). " Je n’ai pas grandi dans ce quartier, mais j’y étais souvent avec mes potes Mehdi, Axel et Christian (NDLA : Carcela, Witsel et Benteke). Il y avait aussi Jonathan Legear et Kevin Mirallas… Vous imaginez tous les Diables Rouges qui sont nés là-bas, sur les agoras où on faisait nos matches ? On y a tout appris, la technique mais aussi la passion et la rage : il fallait avoir faim, car seul le gagnant restait sur le terrain. Ceux qui perdaient étaient éliminés et devaient regarder les autres jouer depuis le bord-terrain. Avec le talent qu’il a, Mehdi Carcela aurait dû faire une bien plus belle carrière : je le lui ai dit, il le sait très bien aussi… mais on ne peut pas revenir en arrière. (sic) J’ai fait toutes mes classes au Standard avec lui, et son pied gauche est magique. C’est quelqu’un de très gentil : il n’a sans doute pas toujours fait les bons choix de carrière… mais je ne le critique pas car ça vaut aussi pour moi (clin d’œil). Mais avec son talent, c’est vrai, il pouvait faire mieux. "

" Jonas de Roeck veut une équipe à son image "

PAPIER 4 : JONAS DE ROECK (NDLA : son coach à Westerlo) " Je l’ai connu comme T2 à Anderlecht il y a 3 ans et il donnait déjà beaucoup d’instructions sur le terrain et aux vidéos. C’est un gros bosseur, qui aime que son équipe soit à son image (sic). Il fait du très bon boulot ici, il suffit de voir nos résultats : je pense qu’il va devenir un coach qui compte… et j’espère qu’on va grandir avec lui, chacun et en tant que groupe. Une fois devenus entraîneurs, les anciens défenseurs axiaux (NDLA : c’est le cas de De Roeck) sont un peu plus pragmatiques que les attaquants, et ça donne une vision du foot plus proche de la réalité que si le coach est un ex-attaquant… qui a toujours joué à l'instinct (sic). Moi, quel type de coach je serais plus tard ? Bonne question… (Il réfléchit) Je ne sais pas encore… "

 

Jonas De Roeck, un entraîneur qui monte...
Jonas De Roeck, un entraîneur qui monte... © BELGA

PAPIER 5 : BRUNO VENANZI. " Bruno est un bon ami à moi, mais après quelques bonnes années au Standard, le dernier exercice a été plus difficile pour lui… (Il marque un silence) J’ai investi avec lui dans l’immobilière du futur stade (NDLA : comme d’autres ex-joueurs du Standard, tels Marouane Fellaini et Axel Witsel), mais tout a été racheté par les nouveaux propriétaires américains. On verra l’évolution de leur projet… Mais j’avais investi car je voulais soutenir mon club de cœur, vu que je suis d’abord Liégeois, et que Sclessin a besoin d’un coup de neuf. "

Fin des trente minutes d’entretien prévues… et menées au pas de charge. Nacer Chadli s’en va… et croise, ébahis, des élèves de secondaire venus visiter le stade. On lui donne rendez-vous… au Qatar ?

Ma priorité, c’est de rester en bonne santé, de retrouver ma condition… et d’aligner les victoires avec Westerlo. Je garde sans doute une petite chance d’être au Mondial… surtout que j’ai été international durant de nombreuses années (NDLA : 64 caps de Diable Rouge). Mais si je n’y suis pas, je ne vais pas me morfondre. Et devant la télé, je serai le premier supporter des Diables ! "

La famille Diables Rouges
La famille Diables Rouges © BELGA

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