Un Belge sur trois dort mal. 20% souffrent d’insomnie chronique. Des chiffres impressionnants, mis en avant par l’Académie royale de médecine. L’occasion, pour Anne-Sophie Bruyndonckx de faire le point dans Matin Première avec Myriam Kerkhofs, docteur en psychologie et spécialiste du sommeil avec une question qui titille pas mal de monde : la pandémie a-t-elle (encore) aggravé la situation ?
Et la réponse est… Oui : "plusieurs études qui ont été faites en Belgique et ailleurs montrent que les troubles du sommeil ont été multipliés par deux, voire par trois durant les deux confinements", explique Myriam Kerkhofs, "la situation exceptionnelle dans laquelle on est, qui génère du stress et beaucoup d’incertitude, interfère avec la qualité du sommeil. Il y a aussi le changement dans le mode de vie lié à cette situation, comme le télétravail ou l’absence de travail". Avec un impact sur le moral qui pèse sur le sommeil, et vice-versa.
Mais il y a aussi pas mal d’autres causes aux troubles du sommeil poursuit Myriam Kerkhofs : "une pathologie respiratoire liée au sommeil, des mouvements de jambes incontrôlés, et le mode de vie assez stressant pour la plupart des gens". Sans compter cette difficulté à "couper le courant" au moment où on va se coucher.
Effets sur l’immunité
Quant aux écrans, pas de surprise : "ça a été montré dans plusieurs études. Le fait de s’exposer à de la lumière bleue, qui est la lumière des écrans, en soirée, va retarder l’endormissement parce que ça interfère avec la sécrétion d’une hormone importante pour le sommeil, qui est la mélatonine. Cette mélatonine est bien sécrétée quand on est dans l’obscurité".
Et bien sûr les conséquences sont à l’avenant : "sommeil, humeur et anxiété sont vraiment liés, l’un influençant l’autre. Ce sont vraiment, comme la vigilance, les effets aigus du manque de sommeil. Mais lorsqu’on manque plus chroniquement de sommeil, ça a par exemple aussi un effet sur notre immunité, sur le risque cardiovasculaire, l’hypertension et la prise de poids. On va chercher de la nourriture, en général très calorique, et c’est presque instinctif, ce qu’on ne ferait pas si on a bien dormi".
Des solutions ?
"Je pense que l’usage de médicaments doit vraiment être réservé à des cas vraiment particuliers et est à discuter avec le médecin traitant ou un spécialiste du sommeil". Mais d’autres choses peuvent être mises en place : revoir ses habitudes de sommeil, ses habitudes de sport, de détente, son alimentation :"si on consomme des boissons stimulantes, comme le café, le thé ou des colas. La nicotine aussi : on croit que la cigarette détend, mais ça contient un stimulant. Sans compter la prise d’alcool". C’est important de revoir un peu son hygiène et de bien se connaître, parce que tout le monde n’a pas besoin de dormir sept ou huit heures.
Plus important, en revanche, c’est la régularité : "essayer de se lever tous les jours plus ou moins à la même heure. C’est vraiment quelque chose qui entraîne notre sommeil". Et donc… Renoncer à la grasse matinée ? "C’est très confortable, mais quand on dort sur le matin, c’est en général un sommeil plus léger, il n’y a plus de sommeil profond, c’est plus du sommeil paradoxal. Ça fait du bien, mais il ne faut pas en abuser et il ne faut pas que ces grasses matinées durent trop longtemps, sinon on dérègle le cycle du sommeil".
Rituels
Plus qu’un placebo, on peut mettre en place des rituels : la tisane, par exemple. "Je dirais que ça peut vraiment faire partie d’un rituel en soirée qui permet de préparer le sommeil et de progressivement se détendre". Et puis, toutes les techniques de méditation, "parce que ça peut aider notre cerveau à se déconnecter". Ou encore écouter de la musique ou faire des exercices de respiration, pour "tirer la prise".
Sommeil fragmenté et sieste
Quant au sommeil fragmenté, imposé aux gens qui, pour raison de travail, ne peuvent que dormir quatre ou cinq heures la nuit, "ce n’est pas l’idéal, puisqu’on est fait pour dormir la nuit et rester éveillé la journée. Maintenant, le fait de pouvoir compenser le manque de sommeil par une sieste, c’est vraiment très bénéfique".
Et puis… Garder l’espoir !
"Ça se soigne, ce n’est pas une fatalité. Des gens sont spécialisés dans la gestion du sommeil et il y a des tas d’outils de diagnostic et de traitement qui ne sont pas spécialement pharmacologiques et qui sont vraiment développés : des aides à la gestion du sommeil, l’éducation au sommeil". Certains médecins généralistes sont aussi formés sur le sujet. "Il faut donc vraiment éviter de rester dans son coin et de garder son problème pour soi !"