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Mozart et la guerre des pommes de terre

Portrait de Wolfgang Amadeus Mozart

© De Agostini via Getty Images

Connaissez-vous la guerre des pommes de terre ? Et savez-vous quel est son lien avec Wolfgang Amadeus Mozart ? Xavier Falques nous explique tout ça dans sa chronique.

La guerre de succession de Bavière, une guerre sans bataille mais pas sans morts

La guerre des pommes de terre, un nom qui prête à sourire, et pourtant…

Maximilien III, Prince-Electeur de Bavière,

Le 30 décembre 1777, Maximilien III, Prince-Electeur de Bavière, décède de la variole sans héritiers. Munich devient alors le centre d’intérêt des prétentions territoriales des possibles successeurs. Parmi ceux-ci, Charles-Théodore, électeur palatin, soutenu par Joseph II d’Autriche dans un accord qui aurait pu changer la politique de nos régions, puisqu’en échange d’une partie de la Bavière, Charles-Théodore pensait recevoir les Pays-Bas espagnols. Pourtant, Charles-Théodore voit peu à peu son rêve s’effacer et l’Autriche annexer toujours un peu plus de territoire. La présence autrichienne en Bavière déclenche rapidement une levée de boucliers et la Prusse, l’électorat de Saxe, la France et Catherine II, Impératrice de Russie, se dressent contre l’archiduc d’Autriche. Les troupes sont préparées, armées et déplacées stratégiquement ; les ambassadeurs courent entre Vienne, Berlin, Munich et Dresde avec l’espoir de régler le conflit sans mettre l’Europe centrale à feu et à sang ; quelques raids ont lieu, mais aucune bataille notable. C’est ce que l’on appelle une "guerre de cabinet". Une guerre sans bataille, mais pas sans morts… Certains historiens portent à 20.000 le nombre total de pertes armées, des pertes principalement dues aux mauvaises conditions et à la famine. Sous cet éclairage, le surnom donné à la guerre de succession de Bavière prend tout son sens tragique.

L’instabilité politique née de ce conflit aura, bien évidemment, une influence majeure sur le mécénat artistique. Parmi les victimes collatérales des ambitions territoriales autrichiennes se trouve un compositeur qui, pourtant, fera, quelques années plus tard, la gloire de Vienne : Wolfgang Amadeus Mozart.

Une guerre aux dures conséquences pour Mozart

Leopold Mozart

Un peu plus tôt cette année-là, le Prince-archevêque Hieronymus Colloredo conscient que Léopold Mozart et son fils tentent d’obtenir de meilleures positions chez d’autres souverains décide de les congédier. Après d’âpres discussions, Léopold obtient de reprendre son poste à Salzbourg, mais Wolfgang, lui, décide de tenter sa chance autre part. Il passe d’abord par Munich où Maximilien III ne lui offre qu’un refus poli, voyant d’un mauvais œil un jeune homme ayant été congédié. Mozart ne s’en formalise pas, car le prochain arrêt est Mannheim. Dans la capitale palatine, Charles-Théodore soutient une politique musicale qui ne manque pas d’attirer le jeune Wolfgang. En effet, se trouve à Mannheim le plus grand orchestre d’Europe, composé de musiciens de qualité qui assument la germanité de leur art, plutôt que de regarder vers l’Italie comme c’est le cas à Salzbourg. Pourtant, Mozart n’obtiendra rien de ce séjour. Il est certain que les raisons de ce refus sont multifactorielles, mais son arrivée à l’hiver 1777, peu de temps avant le déclenchement de la guerre de succession, n’est peut-être pas sans conséquence sur la décision de Charles-Théodore.

Une nouvelle fois, Mozart se met en route, mais cette fois il quitte les territoires germaniques pour la capitale française. Un séjour parisien qui devra marquer à jamais la vie du jeune homme puisqu’à l’échec de sa quête, s’ajoute le décès de sa mère qui l’avait accompagné depuis les premiers jours de sa pérégrination. Convaincu que la négligence de son fils est responsable de la mort de sa femme, Léopold met un frein aux envies d’ailleurs de Wolfgang et le rappelle à Salzbourg où il a obtenu pour lui un poste, moins prestigieux que le précédent, mais permettant de subvenir aux besoins de la famille. Wolfgang se plie de mauvaise grâce à la décision paternelle et sur le chemin du retour écrit ces mots :

[…] L’archevêque ne peut pas assez me rémunérer pour cet esclavage à Salzbourg.

Lettre de Mozart à son père, datée du 12 novembre 1778

Le retour se fera alors par le chemin des écoliers et parmi les nombreux arrêts effectués par Wolfgang, se trouve une nouvelle fois Mannheim. Son deuxième séjour dans la capitale palatine est bien différent du premier. Il y trouve une cour vidée de ses musiciens, la plupart ayant suivi Charles-Théodore à Munich. Il projette, malgré tout, la composition d’un concerto pour violon, piano et orchestre pour la nouvelle Académie des amateurs censée pallier le manque laissé par le départ de l’Electeur Palatin. Très vite, il réalisera que son œuvre n’a que peu de chances d’être créée et abandonne son œuvre sans la terminer.

Il faudra alors attendre plus de 200 ans pour que le compositeur Philip Wilby fasse le lien entre ce fragment de concerto et une sonate pour violon et piano ultérieure. 200 ans, c’est le temps qu’il aura fallu à la musique pour corriger la plume de l’histoire.

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