Cela n’a l’air de rien, mais c’est franchement inhabituel d’entendre cela côté flamand. Parce qu’il y a depuis longtemps une différence entre Nord et Sud : aujourd’hui pas un parti francophone n’a dans son sigle le " w " de wallon ni le " f "de francophone. Alors que côté flamand, Lachaert préside le VLD (vlaamse libérale & democrate) comme il y a un CD&V ainsi bien sûr qu’une N-Va ou un Vlaams Belang. Une différence tout sauf anodine.
Comme un air de déjà-vu
Le président libéral flamand dit vouloir – ce sont ses termes – renforcer la Belgique, c’est ce que dit aussi son homologue francophone Georges-Louis Bouchez. Cela fait inévitablement penser à Omer Vanaudenhove. Son nom ne dit peut-être pas grand-chose, il est un peu tombé dans l’oubli mais Omer Vanaudenhove c’est le président du parti libéral dans les années 60 : il ira aux élections sous le slogan " mon parti, c’est mon pays ! ".
Son parti s’appelait alors le PLP, le parti de la liberté et du progrès ou, en flamand le PVV, deux noms pour un seul parti unitaire. On peut même dire qu’Omer Vanaudenhove est un peu le dernier homme politique flamand, en tout cas de premier plan, à jouer la carte de la Belgique unitaire, la Belgique de papa, celle d’avant le début de la fédéralisation du pays.
Cette défense de l’unité nationale n’a pas fait long feu
" Mon parti c’est mon pays " a eu son petit succès en séduisant tous ceux qui voulaient une Belgique unie mais cette optique belgicaine s’est heurtée au mouvement de fédéralisation amorcé au début des années 60 avec la fixation de la frontière linguistique voulue par le mouvement flamand pour empêcher la francisation notamment dans les communes autour de Bruxelles.
Avec une conséquence importante : comment justifier que l’université catholique de Louvain située côté flamand de la frontière linguistique puisse être bilingue ? En 1968, le gouvernement présidé par Paul Vanden Boeynants et qui comprend les sociaux chrétiens et les libéraux tombe sur la question de Louvain, le fameux " Walen buiten " qui expulse les francophones vers Louvain-la-Neuve.
C’est juste après cet événement traumatisant pour la Belgique d’alors qu’aura lieu en 1970 la première fédéralisation du pays. Autrement dit, le fameux slogan libéral d’Omer Vanaudenhove " mon parti c’est mon pays " paraîtra très vite suranné, en décalage avec la création des communautés et des régions et le transfert progressif de compétences vers ces nouvelles entités. Ce mouvement ébauché au début des années 60 ne s’est jamais arrêté depuis lors.
L’évolution symbolique du parti libéral
Exit le PLP belgicain d’Omer Vanaudenhove. Il se scinde dès 1972 et quelques années plus tard il change de nom côté francophone pour devenir le PRLW, le W de Wallonie sera bientôt abandonné mais ce PRL s’associera dans les années ‘90 au FDF.
Sous la houlette de la grande personnalité de l’époque, Jean Gol, le parti libéral développe donc une affirmation francophone. Côté flamand, Guy Verhofsdadt transformera le PVV en Open VLD avec donc le V de Vlaanderen. Le parti libéral s’est donc adapté à la réalité institutionnelle nouvelle de la Belgique devenue un Etat fédéral. Avec une conséquence dont on ne parle guère : les trois grandes familles politiques traditionnelles du pays, sociaux-chrétiens, libéraux et socialistes se séparent dans les années 70 et, en se séparant, ils ont creusé le fossé des deux côtés de la frontière linguistique : chacun s’adresse à sa propre communauté et seulement à elle.
Une scission des partis entre le nord et le sud du pays tout sauf anodine ?
Pour comparer avec un autre Etat fédéral, l’Allemagne où les compétences sont réparties de manière parfois complexes entre länders et l’Etat fédéral : les partis restent structurés à l’échelon féderal : il y a un unique président de la CDU, du SPD, des Verts etc pour toute l’Allemagne.
En Belgique, le fédéralisme s’est construit progressivement, de manière pacifique mais conflictuelle, faisant voler en éclat les grandes familles traditionnelles qui tentent tant bien que mal de garder le contact. Entendre aujourd’hui Lachaert et Bouchez prôner un renforcement des liens c’est quelque part réveiller le fantôme de Vanaudenhove même si la Belgique d’aujourd’hui n’est vraiment plus comparable à la sienne.