Moins de dépistage: 21% de cas de VIH en moins diagnostiqués en 2020 à cause du coronavirus

Ce genre de test pour diagnostiquer un cas de VIH n’a pas eu autant lieu en 2020 qu’en 2019. En cause, la crise sanitaire due au covid 19.

© Lucas Ninno

Par Marie-Laure Mathot

Il y a eu moins 21% de cas de VIH diagnostiqué en 2020 mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont moins nombreux. Comme pour le cancer, une partie des dépistages n’a pas pu avoir lieu avec la crise sanitaire du Covid-19. Ce n’est pas la seule raison. Sciensano et la Plateforme prévention sida les énumèrent dans un rapport publié ce lundi.

Moins de tests

"La diminution du nombre de diagnostics de VIH a en grande partie coïncidé avec la réduction de l’activité de dépistage observée principalement pendant les périodes de confinement liées à la Covid-19", explique Sciensano dans un communiqué.

Cette diminution est clairement visible sur le graphique ci-dessous qui montre le nombre de tests effectués. Au moment du confinement strict en avril 2020, on constate une diminution de 58% des tests. En novembre, lors de la deuxième vague, moins 25% des tests. Ce sont donc autant de personnes qui n’ont pas été dépistées.

Ce graphique montre le nombre de tests effectués entre 2017 et 2020. On voit clairement qu’il y a eu moins de tests au moment des deux confinements de 2020.
Ce graphique montre le nombre de tests effectués entre 2017 et 2020. On voit clairement qu’il y a eu moins de tests au moment des deux confinements de 2020. © Sciensano

Moins de rapports sexuels avec de nouveaux partenaires

En diminuant les contacts sociaux et en fermant les lieux de rencontre comme les boîtes de nuit, il y a forcément eu moins de rencontres. Et donc moins de rapports sexuels avec de nouveaux partenaires. C’est le deuxième facteur qui explique une baisse du nombre de personnes porteuses du virus du sida.

"Une première observation dans ce sens est la réduction de moitié du nombre de diagnostics d’infections aiguës au VIH par rapport à 2019", explique l’institut de santé publique.

Il ajoute une autre explication : il y a eu moins de demande de traitement préventif qui permet aux personnes séronégatives de se protéger en amont d’un rapport sexuel. "La diminution de l’utilisation d’un traitement préventif (prophylaxie pré-exposition ou PrEP) pour le VIH à partir d’avril 2020 va également dans le sens d’une réduction des comportements sexuels à risque chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes."

Moins de voyages

Troisième effet de la crise sanitaire : nous n’avons pas voyagé et le nombre de personnes qui ont immigré a également baissé. Il y a donc eu moins de diagnostics dans ces populations selon Sciensano.

"Chez les étrangers, la diminution du nombre de diagnostics de VIH a été principalement observée pendant les périodes de confinement de Covid-19, peut-on lire dans le rapport. Au cours de ces périodes, l’accès aux centres de dépistage était limité, mais des restrictions strictes en matière de voyage étaient également en vigueur, ce qui a eu un impact majeur sur les flux migratoires internationaux vers la Belgique et, très probablement, sur le diagnostic des infections par le VIH chez les étrangers."

Des structures de dépistages moins accessibles

Enfin, qui dit confinement strict, dit diminution d’accès aux structures comme les centres de dépistages. C’est ce qu’explique Thierry Martin, directeur de la Plateforme prévention sida. "Il faut rattraper le coup effectivement puisqu’en 2020 avec les confinements, les fermetures des centres de dépistages, on a dépisté moins de personnes. Donc si on dépiste moins, on trouve moins. Or on sait qu’il y a des contaminations."

Le directeur insiste sur la nécessité de dépister car quand un cas est diagnostiqué, il peut être traité et cesser la transmission. "L’objectif pour nous, pour casser les chaînes de transmission du VIH, c’est effectivement de renforcer cet accès au dépistage en allant sur le terrain en touchant les publics les plus vulnérables. Aujourd’hui, la clé, c’est le dépistage. Si une personne séropositive sait qu’elle l’est, elle va prendre un traitement et avoir une qualité de vie améliorée. Et surtout avoir une charge virale indétectable et donc ne plus transmettre le VIH. C’est véritablement un enjeu en termes de santé publique."

Ne pas compter que sur les centres de dépistage mais se rendre sur le terrain pour aller à la rencontre des publics cibles, c’est ce que fait la Plateforme prévention sida comme on peut l’entendre dans le reportage radio ci-dessous.

Un centre de jour pour sans-abri, c’est un des endroits où l’on retrouve les profils qui sont le plus touchés. Sciensano les décrit comme diversifiés mais en identifie deux en particulier.

"Depuis le début de l’épidémie en Belgique, deux populations clés ont été particulièrement touchées : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), de nationalité belge, les hommes et femmes hétérosexuels originaires d’Afrique subsaharienne."

Évolution du nombre de patients en suivi par nationalités groupées et mode
probable de transmission, 2006-2020.
Évolution du nombre de patients en suivi par nationalités groupées et mode probable de transmission, 2006-2020. © Sciensano

Et comme il y a moins de diagnostics dans ces populations, il y a eu proportionnellement plus de cas détectés dans les autres, explique Sciensano.

Le covid a aussi eu un impact sur les soins

Une fois diagnostiqué, on ne meurt plus du sida. Il est possible de suivre un traitement qui permet de mener une vie semblable à celles des séronégatifs. A une condition : suivre son traitement. Et là encore, le covid a eu un effet délétère sur ces suivis.

"L’organisation des soins pour le VIH a dû être adaptée durant les périodes de confinement. Certains examens de suivi du VIH ont été retardés et une légère augmentation du nombre de patients séropositifs en interruption de soins en 2020 a été observée."

Car oui, "le sida existe encore". Ce sera d’ailleurs le slogan de la prochaine campagne de la Plateforme de prévention sida à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre cette maladie le 1er décembre. Elle recommande enfin de "renforcer, l’accès aux services de prévention et de dépistage du VIH et des IST ainsi qu’aux divers outils de prévention."

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