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Mode dans le metaverse : l'école de mode ESMOD ouvre avec sa première classe Meta-Wear

L'École supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD) lancera dès la rentrée prochaine une classe dédiée à la création de mode digitale.

© Courtesy of ESMOD

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Par RTBF avec AFP

ESMOD, la plus ancienne école de mode au monde, proposera dès la rentrée prochaine une classe Meta-Wear dédiée à la création de mode digitale. Véronique Beaumont, sa directrice générale, nous explique en quoi cette formation est indispensable pour les prochaines générations de créateurs, qui pourront désormais jongler entre artisanat, savoir-faire et nouvelles technologies. De quoi dessiner les contours du futur de la mode.

 

Pourquoi ouvrir cette classe Meta-Wear dédiée à la création de mode digitale ?
Il était important de répondre aux attentes de la nouvelle génération d'étudiants mais aussi de s'adapter aux évolutions du secteur de la mode. Nous avons mené des recherches sur cette question et nous nous sommes rendu compte qu'il était important de renforcer nos formations sur les logiciels digitaux. Ce n'est pas totalement nouveau car nous avions déjà un partenariat avec Lectra pour des formations qui touchaient plutôt au modélisme et au développement produit, dont tout ce qui tourne autour de la fabrication, et faisions déjà des essais sur le logiciel Clo3D, qui permet d'avoir un avatar numérique. Nous avons dans un premier temps décidé de développer ces formations Clo3D, puis le metaverse a fait son apparition… Un de nos intervenants, Fabrice Jonas, fondateur de MyFashionTech, nous a conseillé d'aller plus loin et d'offrir des vraies classes pour se former à ces nouvelles évolutions. On est vraiment dans une démarche d'adaptabilité aux nouveaux métiers du metaverse mais tout en gardant ce respect de la tradition et du savoir-faire, qui sont fondamentaux dans la mode.

Est-ce qu'il s'agira uniquement d'apprendre à créer de la mode digitale ? 
Il y aura évidemment de la création de produits mais aussi une approche sur tout l'environnement NFT et cryptomonnaie. Il s'agira toutefois toujours de pousser l'aspect physique. Nous pensons vraiment que ces nouveaux mondes virtuels vont essentiellement servir à mettre en valeur les produits plus classiques des marques. Il y a un aspect marketing évident et cela tombe bien car nous cherchons à répondre aux attentes d'une nouvelle génération, qui se veut hybride. Elle ne veut plus seulement être qualifiée d'artisane mais aussi d'entrepreneure. C'est une génération qui veut entreprendre de plus en plus tôt. 

A qui s'adresse cette nouvelle formation ? 
La classe Meta-Wear s'adressera aux étudiants de deuxième année car on tient absolument à garder l'apprentissage des fondamentaux physiques en première année. C'est un aménagement de notre pédagogie entre l'apprentissage traditionnel historique d'ESMOD sur des méthodes de créativité et de technique, et la pratique digitale. Dès septembre prochain, cette nouvelle formation concernera deux classes de deuxième année mais les étudiants suivront bien évidemment toujours en parallèle le programme classique. Et nous irons même un peu plus loin pour les former sur de nouveaux métiers. Nous voulons leur permettre de travailler dans d'autres secteurs comme le gaming car cela correspond à la demande des recruteurs sur de nouveaux profils de metaverse designers ou de costumiers digitaux, par exemple. 

Faut-il aujourd'hui avoir des affinités avec le gaming pour devenir créateur de mode ?
Non, je ne pense pas. C'est simplement une diversification de notre secteur. Le phénomène du metaverse est bien réel mais paradoxalement, j'ai de plus en plus de demandes de mes étudiants sur l'artisanat et le savoir-faire manuel. Il y a d'un côté la tradition, de l'autre la modernité. L'un ne se substituera pas à l'autre, ils sont complémentaires. Le gaming est un domaine très intéressant et c'est pour cela que nous allons l'intégrer dans nos méthodes pédagogiques mais la création est synonyme d'émotion, de toucher, et cela reste essentiel. Il n'est pas question de renier l'ADN d'ESMOD, qui demeure de savoir réaliser un produit physique, mais de créer des passerelles entre la mode physique et la mode digitale.

En termes d'apprentissage, en quoi la mode digitale se distingue-t-elle de la mode physique ? 
La mode digitale est très attractive en termes de communication et de perception. L'apprentissage est très difficile aujourd'hui, ne serait-ce que pour capter l'attention des étudiants. On s'est aperçu que la mode digitale était plus agile, plus créative à leurs yeux car cela va beaucoup plus vite que la mode physique. Mais c'est aussi pour cela que les deux se complètent et pour nous, il n'est pas question de basculer totalement dans la mode digitale. Certains étudiants ne sont d'ailleurs pas intéressés par la classe Meta-Wear et préfèrent monter des ateliers de savoir-faire ou de couture. Nous misons sur le metaverse mais comme un complément au programme classique. Nous allons d'ailleurs prochainement proposer un programme metaverse court, en commun avec DressX, pour les anciens d'ESMOD et les profils professionnels souhaitant développer des compétences dans la création digitale.

Est-ce que cette formation peut devenir un passage obligé pour les aspirants créateurs de mode ? 
Tout dépendra des orientations choisies par les étudiants. La mode digitale et la mode physique peuvent tout à fait cohabiter pour que chacun puisse faire ce qu'il aime. A la fin des années 60, certains prédisaient la fin de la haute couture en raison du lancement du prêt-à-porter et force est de constater que ce n'est jamais arrivé, tout comme le "no gender" ne s'est pas substitué à la spécialisation masculine ou féminine. Il ne faut pas se leurrer, ce sont des phénomènes de mode. Cela ne veut pas dire qu'ils ne vont pas s'inscrire dans le temps mais ils ne remplaceront pas l'ADN de la mode. Ils permettent en revanche d'être toujours plus créatifs.

Les acteurs de la mode ont commencé à expérimenter les différentes possibilités du metaverse à travers des collections de mode digitale et de NFT. Mais ne sont-ils pas trop en avance sur les usages ? 
Je pense que l'industrie est effectivement en avance mais c'est normal car elle est aujourd'hui poussée par la nouvelle génération. Le secteur de la mode vit depuis quelques années au rythme de cette génération. Elle est poussée par des influenceurs, qui sont extrêmement connectés et innovants. Tout change très vite mais il peut effectivement y avoir un décalage avec l'ensemble des consommateurs, qui ne ressemblent pas forcément à cette génération innovante et connectée. Cela commence souvent de cette façon. Il n'y a qu'à regarder la mode éco-responsable, qui n'intéressait personne il y a 10 ans et qui est aujourd'hui au centre des préoccupations des gens. Dans la mode, la désirabilité et l'attractivité sont deux notions très importantes, donc l'industrie se doit malgré tout d'être en avance.

Percevez-vous la mode digitale comme le luxe de demain ou une alternative éco-responsable à la mode classique ?
C'est une question difficile. Je pense vraiment que la mode digitale va simplement permettre de vendre davantage de produits physiques. Tout le monde s'y met, grands groupes de mode comme fast fashion, et ce n'est pas pour rien. Il s'agit finalement d'une nouvelle façon de communiquer, qui est beaucoup plus proche du marketing que de la création. C'est génial de pouvoir habiller un avatar mais on ne va pas passer tout notre temps dans des mondes virtuels… Il faudra donc toujours acheter des vêtements physiques, faire attention à la provenance, aux matières et aux méthodes de fabrication. La mode digitale permettra quant à elle d'essayer les vêtements pour voir quelle pièce convient le mieux. Quant au luxe, il faut être en adéquation avec son époque, c'est évident, mais il ne faut pas oublier le fondamental du luxe qui est le précieux, le goût de l'exception et la rareté. C'est un peu le cas avec le metaverse actuellement mais s'il se démocratise, la donne risque de changer. En ce sens, je ne pense pas que la mode digitale soit l'avenir du luxe.

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