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Missile tombé en Pologne : que disent les articles 4 et 5 de l’Otan, et quelle peut être la réaction ?

Przewodow, Pologne, le 16 novembre 2022

© 2022 Getty Images

Prudence. C’est le mot d’ordre du jour, en Pologne comme ailleurs. Le président polonais Andrzej Duda a indiqué ce mercredi matin que son pays ne disposait d’aucune preuve sur l’auteur du tir de missile qui a touché mardi la ville de Przewodow, dans l’est de la Pologne, près de la frontière avec l’Ukraine. Joe Biden a lui jugé peu probable un tir depuis la Russie.

Le missile tombé en Pologne est de fabrication russe, mais on sait que les Ukrainiens en utilisent. Il se pourrait que l’explosion ait été causée par les forces ukrainiennes, alors qu’elles visaient un missile russe. Selon certaines sources, citées par Reuters, c’est l’explication retenue par le président Joe Biden, qui en aurait fait part aux membres du G7 et de l’Otan.

L’article 4 : convoquer une réunion

Toujours est-il qu’à travers la Pologne, c’est le territoire de l’Otan qui est touché. Varsovie a déclaré mardi envisager l’activation de l’article 4 du traité de l’Otan. Cet article prévoit que ses pays membres peuvent porter à l’attention du Conseil de l’Atlantique Nord toute question concernant la sécurité d’un pays membre.

Il stipule : "Les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée".

Dès l’invocation de cet article, la question est examinée, ce qui peut éventuellement conduire à une décision conjointe ou à une action conjointe à mener au nom de l’Alliance.

Le chef de l’Otan, Jens Stoltenberg, tient ce mercredi matin une réunion avec les ambassadeurs de l’Alliance "pour discuter de l’explosion d’hier [mardi] dans l’est de la Pologne, près de la frontière avec l’Ukraine", a précisé sa porte-parole sur Twitter.

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L’article 5 : une palette d’actions pour porter secours

La Pologne n’a pas invoqué l’article 5 du Traité, selon lequel une attaque contre un membre de l’Otan est une attaque contre tous. "Il s’agit du principe de défense collective, explique Tanguy de Wilde d’Estmael, professeur de sciences politiques et de relations internationales à l’Université catholique de Louvain (UCL). "En cas d’attaque avérée contre un membre, ce qui n’est pas le cas pour le moment, les autres membres peuvent venir à son secours, mais ce n’est pas automatique !"

Il faut que l’attaque soit avérée, il faut aussi qu’elle soit intentionnelle. "Évidemment. Souvenez-vous, il y a des années, un avion soviétique, un MIG en perdition dont le pilote s’était éjecté, s’était écrasé en Belgique. C’était un avion militaire soviétique qui s’était écrasé sur le territoire de l’Otan, mais tout le monde a vu que c’était un accident."

Or, pour Michaël Eric Lambert, analyste à l’OSCE, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, s’il est encore difficile d’y voir clair à ce stade, "Ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’agit pas d’une attaque délibérée de la Russie sur la Pologne".

Il est donc peu probable, à ce stade, que l’article 5 soit invoqué. Et quand bien même il le serait, il existe tout un éventail d’actions possibles de la part des membres de l’Otan, précise Tanguy de Wilde d’Estmael (UCLouvain). "Il y a plusieurs manières de porter secours", dit-il, "aller protéger, donner de l’aide logistique, aller repousser l’agresseur s’il est sur le territoire. Il y a une palette de nuances. Mais bien sûr, politiquement, invoquer l’article 5, c’est extrêmement important."

Cet article n’a d’ailleurs été invoqué qu’une fois : par les États-Unis, au lendemain du 11 septembre 2001. Des appareils de l’Otan ont patrouillé dans l’espace aérien américain, et des éléments de forces navales ont été déployés en Méditerranée.

Une véritable escalade peu probable

Pour Michaël Eric Lambert, il y a peu de chance que le tir de missile qui a touché la Pologne mène à une véritable escalade, à une implication directe de l’Otan. "Personne ne souhaite avoir une escalade dans le conflit dans la mesure où ça mènerait éventuellement à une escalade également nucléaire de la part Kremlin, donc les chances sont assez minces."

"La Pologne va plutôt en profiter pour demander un renforcement de la présence militaire américaine sur son territoire et pour demander à l’Union européenne et aux membres de l’Otan d’envoyer davantage de matériel à l’Ukraine, notamment les chars Léopard II de conception allemande", conclut-il.

La Russie a quant à elle affirmé ce mercredi matin que ses frappes n’avaient touché la veille que le territoire ukrainien, et qu’elle avait identifié le missile tombé en Pologne comme un projectile tiré par un système de défense des forces de Kiev.

Sur le même sujet : Extrait JT (16/11/2022)

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