Le débat public actuel s’oriente aussi sur le droit de grève en général, sur les piquets de grève, les blocages de routes et de zonings industriels, les atteintes au droit de grève et ses limites. Revenant sur les événements de la semaine écoulée, le débat de Mise au Point s’ouvre avec Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB, qui justifie l’envoi à ses membres d’une sorte de "mode d’emploi" des mesures à prendre en cas de piquet de grève. Pour lui ce n’est pas de la provocation : "Nous avons reçu des messages inquiétants du terrain et nous avons voulu informer nos affiliés sur leurs droits en leur recommandant de ‘parler d’abord’, et nous avons voulu écrire aux bourgmestres, gouverneurs de province et au ministre. Nous redoutons les destructions, les agressions… nous avons des informations selon lesquelles on va fermer des zonings avec des méthodes comme celles qu’emploie la police pour arrêter des criminels : des tapis de clous, etc. Si c’est le cas, c’est contre la loi et contre le gentlemen’s agreement conclu avec les syndicats. Oui au droit de grève, mais il y a des limites. Oui aux piquets pacifiques, non aux agressions."
Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, objecte qu’il n’y a pas eu d’incident lors des trois grèves tournantes et assure que cela continuera ainsi. Et elle insiste sur les appels venus de diverses sources pour qu’on se remette autour d’une table de négociations. Marc Goblet, secrétaire général de la FGTB, confirme le calme des trois journées de grève précédente et rappelle que les seuls incidents survenus ont été provoqués par des personnes cherchant à forcer les piquets. Il déplore l’action du patronat et du ministre Jan Jambon, "pas très intelligente et qui est la meilleure manière de provoquer des incidents…"
Le droit de grève n'est pas basé sur une loi
Marie-Christine Marghem, ministre fédérale MR de l’Énergie, rappelle que par définition un piquet "filtrant" ne peut empêcher le déplacement des personnes vers leur travail, leur famille, un hôpital. Elle insiste aussi sur le fait qu’en droit belge, "aucune loi ne consacre le droit de grève, ni celui au travail, et que la charte sociale européenne de 1961 stipule que le droit de grève n’est pas absolu et est limité par le respect des lois et règlements." Ce qui fait opiner Marc Goblet du bonnet.
A la Sonaca, où l’on travaille en flux tendu, les grèves perturbent et inquiètent. "Mais nous étions prévenus et nous nous sommes organisés, observe Bernard Delvaux, CEO de Sonaca, et heureusement l’atmosphère de la concertation sociale au sein de notre entreprise est meilleure qu’au niveau intersectoriel… On a trouvé des solutions, l’usine ne travaillera pas demain. La grève c’est toujours un échec, ce sont les syndicats eux-mêmes qui le disent. L’échec d’une concertation qui a eu lieu ou pas. Il faut mettre l’accent sur le problème de fond plutôt que sur un nouveau débat juridique sur le droit de grève ou au travail. Tournons-nous vers l’avenir pour voir quelles sont les réformes fondamentales indispensables – je suis le premier à les demander –, comment les mettre en place avec un minimum d’harmonie sociale et dans un contexte de concertation."