Microparticules de plastique dans nos rivières et océans, la nouvelle inquiétude environnementale

Microparticules de plastique dans nos rivières et océans, la nouvelle inquiétude environnementale

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381 millions de tonnes : c’est la production annuelle de plastique dans le monde, en 2015. Un chiffre qui n’est pas près de se stabiliser, la courbe depuis les années 50 semblant de diriger vers des hauteurs de plus en plus vertigineuses. Et de récentes études ont estimé que, chaque année, près de 8 millions de tonnes se retrouvent dans les océans, qui contiennent déjà 150 millions de tonnes de ce déchet.

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Une pollution qui est visible, lorsque l’on retrouve un oiseau de mer étranglé par un sachet plastique, ou comme ce continent de plastique qui prend forme dans le Pacifique : 80.000 tonnes de déchets forment la plus grande décharge flottante sur terre. Mais une partie de ce plastique est aussi invisible au premier coup d’œil : il s’agit de micro, voire nano, particules, des bouts de plastiques de la taille du millième ou du millionième de millimètre.

« Les macroplastiques sont un peu la partie émergée de l’iceberg, commente Patrick Kestemont, professeur à l’UNamur et président de l’ILEE, Institute of Life, Earth and Environment. Car un aspect plus problématique de la pollution au plastique est la présence de micro et nanoparticules dans les milieux aquatiques et marins. Elles peuvent être issues de la dégradation des macroplastiques, par action de la lumière et de la température. Mais certains nanoplastiques sont ajoutés tels quels dans notre environnement : des cosmétiques, comme le dentifrice, ou les vêtements, contiennent déjà des nanoplastiques. »

Peu d’études ont déjà été faites sur l’impact de ces particules sur les animaux aquatiques et marins, les technologies de détection de bout de plastique de cette taille étant assez neuves. Mais la problématique soulève déjà de nombreuses inquiétudes, au vu des propriétés de ce matériau.

Porteur de polluants et bactéries

C’est d’abord la taille de ces particules qui fait craindre un impact sur les organismes vivants : elles peuvent être ingérées, voire passer au travers de certaines barrières physiologiques, comme les membranes cellulaires, lorsqu’elles sont de l’ordre du nanomètre.

Ensuite, ces particules de plastique ne viennent pas seules : elles peuvent être contaminées, soit lors de leur fabrication ou recyclage — avec des produits comme des retardateurs de flamme ou des antioxydants —, ou, lorsqu’elles se retrouvent dans l’eau, « absorber » des polluants tels que des pesticides ou des détergents organiques.

« Ces particules peuvent aussi servir de ‘vaisseau de transport’, précise Patrick Kestemont. Elles vont se recouvrir d’un biofilm, c’est-à-dire d’une fine couche de bactéries, potentiellement pathogènes pour les organismes qui vont les ingérer. »

Très peu de données sur leurs impacts toxicologiques

Concernant les environnements d’eau douce, très peu de données existent sur l’impact de ces micro et nanoparticules sur les organismes et l’écosystème aquatique, les études commençant seulement à émerger. Au laboratoire de Patrick Kestemont, un projet va bientôt être lancé sur la problématique. « Nous travaillerons à la fois sur l’impact sur le métabolisme des graisses et du système immunitaire, au niveau de l’individu, mais aussi au niveau de la chaîne alimentaire, afin de voir comment ces particules passent d’une espèce à l’autre, et sont bioaccumulés d’un niveau trophique à l’autre. »

Peu de données existent aussi parce que l’évaluation des conséquences des particules de plastique peut prendre de nombreuses années. « Nous sommes ici plutôt dans une situation de toxicité chronique, c’est-à-dire une intoxication à long terme et sur faible dose ».

Dans le milieu marin, des études de laboratoire ont déjà observé des effets négatifs sur les capacités de reproduction et de survie d’organismes marins, de par la simple présence physique des microparticules. Mais ces expériences s’étant déroulées dans des conditions contrôlées, il est très difficile d’en déduire l’impact réel dans la nature.

Concernant la présence de polluants accompagnant ces plastiques, des expériences sur les animaux filtrants (comme les moules ou les baleines) ont montré des signes de perturbations du système endocrinien, laissant présager des problèmes dans le développement et la reproduction. Mais les effets à long terme sont encore inconnus.

Enfin, l’impact sur la santé humaine est encore plus flou : un rapport de 2017 de la FAO indique que les données toxicologiques nécessaires pour l’évaluation du risque pour la santé humaine sont manquantes. Aucune donnée n’est disponible également sur l’impact du fait de cuisiner des organismes contenant du microplastique.

Les emballages, véritable fléau

Face à ce phénomène nouveau, de nombreuses interrogations restent, ponctuées par beaucoup d'inquiètudes légitimes. La science ayant besoin de temps pour apporter des réponses, une des seules solutions actuelles est de limiter la production de plastique, et d'améliorer les cycles de recyclage. Mondialement, un peu moins de 20% de l'ensemble des plastiques produits étaient recyclés en 2015.

Le plus gros producteur de plastique, est, loin devant, le secteur des emballages, avec ses 146 millions de tonnes produites en 2015. Loin derrière, la construction est sur la deuxième place, avec 65 millions de tonnes. De quoi s'arrêter pour quelques secondes de réflexion dans nos rayons de supermarché, face à ces nombreux articles suremballés.

Archives: Journal télévisé 02/06/2018

Bientôt plus de plastique que de poissons dans l'océan

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