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"Mettre au violon", ces expressions françaises qui associent le violon au monde carcéral

La Langue de la Musique

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Par Jacques Mercier via

Si l’on connaît bien l’expression "se mettre au diapason", l’expression "mettre au violon" est beaucoup moins connue. Cette expression, ainsi que celles-ci, "conduire au violon", "finir au violon", associent le violon à la prison. Mais pourquoi une telle association ? Plongez dans la langue de la musique avec Jacques Mercier.

Dans les expressions : Mettre au violon, conduire au violon, Finir au violon… Le violon évoque la prison, le cachot. Mais pourquoi ? Si plusieurs explications ont été avancées, aucune n’est pour autant certaine. Un mot commence souvent son existence dans la langue parlée et est ensuite repris dans la langue écrite. Les premières traces n’existent pas…

L’explication la plus simple fait référence à la ressemblance entre les cordes de l’instrument de musique et les barreaux d’une cellule. De plus, dans le jargon des prisonniers, s’ajoute une autre expression pour la confirmer : "jouer du violon", une expression utiliser pour désigner l’action de scier les barreaux de fer, un geste qui peut s’apparenter à celui du violoniste avec son archet.

Pour rester dans le domaine carcéral, dans un musée en Alsace, à Riquewihr, il existe un instrument de torture appelé le violon. Il s’agit d’un carcan en forme de violon, avec les trous pour mettre le cou et les poignets.

L’association "violon-prison" a reçu une autre explication, de la part de François Génin, un philologue de la moitié du XIXe siècle. Il existait une expression ancienne qui disait "mettre au psaltérion" et qui signifiait "mettre aux sept psaumes", "mettre en pénitence". Quand le mot psaltérion – désignant un instrument ancien à cordes pincées – ne fut plus couramment utilisé, le public l’a remplacé par un mot qui sonnait de la même manière le violon. Un peu comme avec "mettre sur son trentain", un tissu raffiné de trente fois 100 fils pour les vêtements de luxe, qui est devenu "mettre sur son trente et un".

Enfin, une autre explication associe le violon à la prison. Il semble que sous Louis XI, dans les galeries du Palais de Justice de Paris, une pièce servait de prison provisoire pour les valets et les pages qui troublaient les audiences du parlement par leurs cris et leurs rires. Dans cette prison, existait un violon utilisé pour qu’ils s’amusent à en jouer le temps de leur courte peine. On appela donc cette petite prison temporaire "le violon".

"Payer les violons du bal"

Restons dans la veine des expressions françaises utilisant le mot violon. Outre le célèbre et encore beaucoup usité "accorder ses violons", il y a également celle-ci "payer les violons du bal". Cela signifie faire les frais d’une situation, tandis que quelqu’un d’autre en profite.

Elle nous vient directement d’une expression latine "Delirant reges, plectuntut archivi", que l’on peut traduire par "les grands font des fautes et le peuple en porte la peine". L’expression dans sa forme actuelle apparaît déjà chez Molière, dans "La Comtesse d’Escarbagnas" : "Mais monsieur Thibaudier n’est pas un exemple pour moi, et je ne suis point d’humeur à payer les violons pour faire danser les autres."

Des poètes et chanteurs plus récents ont gardé en mémoire l’expression, comme Georges Brassens dans "Oncle Archibald" :

"O vous, les arracheurs de dents, tous les cafards, les charlatans, les prophètes, comptez plus sur oncle Archibald pour payer les violons du bal, à vos fêtes."

Nicolo Paganini, jouant du violon en prison
Nicolo Paganini, jouant du violon en prison © adoc-photos / Corbis via Getty Images

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