Le métissage… Grande question abordée dans " Retour aux sources ". Avec " Métis, les enfants cachés de la colonisation ", c’est tout particulièrement l’une des faces sombres et gardées sous silence de la colonisation belge au Congo, au Rwanda et au Burundi qui est évoquée…

Les Métis ne vivent pas ou ne sont pas originaires " que " d’Afrique, le genre est universel depuis que l’Homme s’est mis à voyager… et à coloniser ! En Afrique du Sud, celles et ceux nés de relations, voulues ou pas, entre esclaves et colonisateurs sont des Métis… Des Métis et des Métisses, il y en a au Canada, aux États-Unis, au Brésil, plus généralement sur le continent américain et dans tant d’autres contrées !

Des esclaves dans une plantation du Sud des États-Unis, au milieu du XIXe siècle.
Des esclaves dans une plantation du Sud des États-Unis, au milieu du XIXe siècle. © GettyImages.

Le métis, c’est une question de couleur. En mars 2004, dans le magazine " L’Histoire ", Nelly Schmidt explique que " Jamais le ʺ préjugé de couleur ʺ, selon l’expression forte de Victor Schoelcher, n’a autant pris son sens qu’à propos du métissage. À partir de la fin du XVe siècle, la conquête de l’Amérique répand l’usage du mot ʺ métis ʺ – jusqu’alors réservé à un animal ou à un végétal – à l’homme. On parle aussi de ʺ mulâtre ʺ quand la mère est noire et que le père est blanc, l’inverse étant plus rare. "

 

Sur le plateau de « retour aux sources », Amandine Lauro, Élodie de Sélys, Dominique Regueme et Assumani Budagwa.

À l’occasion du " Retour aux sources " de cette semaine, Élodie de Sélys reçoit le réalisateur du documentaire, Dominique Regueme, l’historienne Amandine Lauro et Assumani Budagwa, de l’association " Métis de Belgique ".

Sœur Lutgardis.

Si l’Église a été très collaborante avec l’administration coloniale belge au sujet du métissage qui en est né, certains religieux et religieuses ont démontré un grand sens de l’empathie envers ces enfants. Ainsi en est-il de sœur Lutgardis, une pionnière dans la protection et la reconnaissance des métis afro belges ou belgo-africains…

Du temps du " Congo belge ", c’est-à-dire une fois la propriété privée de Léopold II transmise à l’État en 1908, une grande partie des enfants nés de mère noire et de père blanc ont été retirés à leur maman pour être placés dans des institutions religieuses, entre autres, celle de Save, gérée par la mission catholique des sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, les Sœurs blanches.

Cette école-orphelinat était aux mains des religieuses depuis 1909. Les Métis du Ruanda-Urundi y seront placés dès les années 1920, rejoints après-guerre par ceux de la région du Kivu. Mais lorsque se ressent la possibilité d’une accession à l’indépendance du Congo, les sœurs de Save se rendent compte qu’une fois les instances coloniales disparues, instances dont elles dépendent financièrement, le problème des enfants va se poser : comment s’en occuper, que vont-ils devenir ?

A droite, le roi Mutara III.

À l’époque, c’est sœur Lutgardis qui est la directrice. Elle a déjà signalé que, si l’administration belge estime que les Métis sont un danger pour la colonisation, pour elle, les Métis sont en danger ! En 1957, rencontrant Mutara III, mwami – le roi – du Rwanda qui sera sous peu indépendant, elle lui demande ce qu’il compte faire des Métis : " Jamais rien ! ".

De ce fait, ces enfants qui sont à l’école et qui souhaitent étudier afin de se bâtir un avenir, risquent gros, très gros ! Sœur Lutgardis va trouver appui auprès du père Eugène Delooz. Ce franciscain belge est envoyé en 1958 par le " Christelijke Middenstands en Burgervrouwen ", pour rechercher les jeunes filles africaines qui pourraient entrer dans les vues du " Ruandafonds ", destiné à leur offrir une formation en Belgique.

Delooz établit le contact avec sœur Lutgardis qui lui dévoile les risques encourus par les Métis de Save. La religieuse n’envisage qu’une seule solution : leur évacuation vers la Belgique… L’année suivante, la situation s’envenime : des heurts se produisent entre ethnies hutue – la majorité – et tutsie, considérée comme l’élite. Soit les Tutsis choisissent de partir, soit ils sont tués, or, la majorité des Métisses de Save ont une mère Tutsie !

Une image de Save.
Une image de Save. © Métis de Belgique/van België.

Le père Delooz et sœur Lutgardis établiront le contact avec le ministre du Congo belge, August De Schryver :

… tous les jours nos enfants sont menacés de mort par les indigènes. Leur vie, qui était déjà difficile auparavant, devient désormais de plus en plus affreuse "

Le ministre pourvoira à l’évacuation des enfants, non seulement ceux de Save, mais aussi de nombreuses autres écoles ainsi que de mères avec leur bébé…

 

À lire :

" Le Congo colonial. Une histoire en question ", d’Amandine LAURO (ULB), Idesbald GODDEERIS, (KU Leuven) et Guy VANTHEMSCHE (VUB), Renaissance du livre, 2020.

Noirs Blancs, Métis : la Belgique et la ségrégation des Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi (1908-1960) ", d’Assumani BUDAGWA, préfacé par Colette BRAECKMAN ; 2014.

À voir dans " Retour aux sources ", samedi 25 juin à 21h05 sur La Trois, le documentaire " Métis, les enfants cachés de la colonisation ", suivi de l’entretien d’Élodie de Sélys avec le réalisateur du film, Dominique Regueme, accompagné d’Amandine Lauro et Assumani Budagwa. En seconde partie de soirée, le documentaire " 1983 : Mitterrand et les écoutes de l’Élysée ". 

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