Jupiler Pro League

Mats Rits (Club Bruges) sur le Gril : "Dejan Veljkovic ? Je n’ai jamais remarqué de trucs bizarres"

Mats Rits (Club Bruges) en mode selfie
Mats Rits (Club Bruges) en mode selfie © Tous droits réservés

C’est le couteau suisse du double champion en titre : placez-le en 6, en 8 ou en 10, il vous livre la marchandise, propre et ponctuelle. Encore double buteur dimanche passé contre Charleroi, il évoque Roland Duchâtelet, le rôle de leader, Miralem Sulejmani, la finition, les Diables Rouges, son passé d’attaquant, Jan Vertonghen, la grinta, Noa Lang, la concurrence et Theo Bongonda. Mais aussi le VAR, Alfred Schreuder, l’architecture, Christian Eriksen, les cours d’Espagnol, Romelu Lukaku, l’usure inconsciente, Dejan Veljkovic, les blessures et Daniel Cruz. Et surtout… les tacles par derrière du Philippe Clément joueur. Mats Rits passe " Sur le Gril ".

Poli, ponctuel, curieux et humble : le Mats Rits qui vous accueille au Centre d’Entraînement du Club Bruges à Westkapelle (Knokke) est à l’image du marathonien qui mange les kilomètres dans l’entrejeu flandrien. Du moins quand il est aligné comme titulaire…

Par définition, et comme n’importe quel joueur, je ne suis pas d’accord avec le coach quand il me met sur le banc. Quand je monte sur le terrain, quel que soit mon statut, je me donne toujours à 110%. Mais je n’ai aucun souci avec la concurrence : je donne tout ce que j’ai… mais comme n’importe quel joueur, je fais des mauvais matches, je fais des erreurs, je prends de mauvaises décisions. Donc le coach a peut-être des raisons de ne pas être content de moi : je suis ouvert à la critique, alors on discute… Mais très calmement et très poliment, hein : je ne suis pas le genre de joueur à mettre le feu ou à aller au clash ! Du coup, ça me donne l’occasion de m’améliorer… " (clin d’œil)

Mats Rits en action face à Genk
Mats Rits en action face à Genk © Belga

On lui fait remarquer que son Français est remarquable : son vocabulaire est fin et précis…

" Où j’ai appris le français ? Je ne sais pas ! (Il s’esclaffe) A l’école sans doute, comme tout le monde… puis quand j’étais capitaine en Equipe Nationale chez les jeunes : je devais parler à tout le monde et être le relais du coach. Je parle le néerlandais, le Français et l’Anglais… et quand j’étais à l’Ajax, j’apprenais l’espagnol, mais j’ai tout oublié ! (clin d’œil) J’aime bien les autres cultures : au vestiaire, le foot n’est pas forcément le sujet principal, on parle de tout et les joueurs de football sont loin d’être les gens simplistes qu’on décrit souvent. C’est comme dans la société en général : certains ne font que jouer à la Playstation… mais il y en a beaucoup d’autres, comme Charles De Ketelaere, Simon Mignolet… ou même moi qui ont commencé des études supérieures. Mais ce n’est pas facile de tout combiner… "

"Au milieu, vous pesez sur le jeu"

A ce jour, Mats Rits reste le plus jeune… buteur du championnat de Belgique : le 3 octobre 2009, sous le maillot du GB Anvers (ex-appellation du Beerschot actuel) face à Westerlo, il rentre un doublé pour ses toutes premières minutes en D1. Le petit Rits a 16 ans, 2 mois et 16 jours : on l’a oublié aujourd’hui… mais il joue alors comme attaquant de pointe.

J’ai marqué deux buts contre Charleroi dimanche passé… et je me suis souvenu de mes deux premiers goals de 2009. Ce n’est évidemment pas la même émotion que la première fois, mais j’ai remarqué que j’avais gardé des réflexes de finition (NDLA : avec 6 buts marqués malgré son temps de jeu réduit, Rits connaît sa saison la plus productive depuis qu’il est professionnel). Quand je suis arrivé à Bruges il y a quatre ans, c’était pour une reconversion au médian défensif : ma place préférée reste le poste 8, où je peux m’infiltrer, être actif dans l’axe et mettre la pression. Quand vous êtes attaquant, on vous demande juste de marquer : dans l’entrejeu, vous pesez davantage sur les événements. Et de toute façon, au fil de votre carrière, vous êtes amené à reculer dans le jeu : regardez Thomas Meunier qui est devenu arrière alors qu’il jouait devant… Je suis un joueur qui réfléchit beaucoup sur le terrain et qui aime jouer un rôle de leader dans le vestiaire : je suis un gagneur, je donne des conseils, je m’intéresse au quotidien des autres, j’essaie de faciliter l’intégration des nouveaux (NDLA : juste avant l’interview, Rits prenait un café avec Sargis Adamyan, en prêt d’Hoffenheim… avec qui il essaie d’apprendre l’allemand) Quand j’étais gamin au Beerschot, Daniel Cruz a joué ce rôle auprès de moi : ‘ne prends pas la grosse tête, place ton argent intelligemment’ me disait-il. Je n’ai jamais oublié son conseil… "

Mats Rits buteur à 16 ans du GB Anvers
Mats Rits buteur à 16 ans du GB Anvers © Belga

"Pas de stress, on verra le vrai Bruges en PO"

Celui qui a entamé des études supérieures de droit, puis d’ingénieur industriel (" Je n’ai fait qu’une année car je n’obtenais que 50% des points… et je me suis dit qu’étudier encore 8 ou 9 ans serait au-dessus de mes forces ! ") commente à son tour la saison mitigée de son Club Bruges.

On dit qu’on est moins fort car on reste sur deux titres et qu’on s’attend peut-être à nous voir marcher sur tout le monde… Mais le foot est plus complexe que cela ! Et dans tous les championnats, c’est pareil : les grands clubs souffrent… sauf le Bayern Munich en Allemagne. En Belgique, la concurrence s’est améliorée et le cas de l’Union St-Gilloise l’illustre aussi : les équipes venues de D1B ont souvent le flow, regardez le Beerschot et OHL la saison passée. Mais c’est vrai qu’on a gaspillé trop de bêtes points… En football, plus que la technique ou la tactique, tout commence par la mentalité : il faut garder la grinta ! Je ne m’inquiète pas : je n’ai pas de boule de cristal (sic) mais je suis convaincu qu’en Play-Offs, on va voir le vrai Bruges. Et pour une fois, on ne sera plus le chassé… mais le chasseur ! L’année passée, on avait 17 unités d’avance avant les Play-Offs… puis après la division des points par deux, on a dû cravacher jusqu’au bout. Je peux vous dire que ce n’est pas agréable comme situation… mais cette fois, ce sera au tour des autres. Mais on ne calcule pas : Bruges doit jouer chaque match pour le gagner et pour être devant le plus vite possible ! "

"Parfois, j’ai aussi besoin d’un coup sur la tête…"

Mats Rits avec Alfred Schreuder

A fortiori, difficile d’éviter le thème du changement de coach, intervenu au tournant de l’année civile. Et qui tarde à produire ses fruits…

" Le nouveau coach veut nous faire construire de l’arrière avec du pressing, du mouvement et des petits passes. C’est un jeu typiquement hollandais mais il faut du temps pour imprimer ses accents… Jusqu’à présent, avec tous les matches de milieu de semaine, on n’a pas eu l’occasion de s’entraîner sur les détails. Le style d’Alfred Schreuder est aussi très batave : une communication très cash et très directe… Avec Philippe Clément, on n’a connu que des succès… et des habitudes commençaient peut-être à s’installer inconsciemment. Or, moi aussi, j’ai parfois besoin qu’un coach qui me mette un coup sur la tête (sic)… mais pas chaque jour non plus, hein ! (il rigole) Les adversaires ne sont plus surpris par notre système, on l’a aussi vu à l’époque avec le fameux 3-5-2 de Hein Vanhaezebrouck : au début tout le monde criait au génie… puis les équipes se sont adaptées. Le foot fonctionne sur des cycles, c’est classique : les entraînements se ressemblent, des liens amicaux se forment… or, le coach doit rester le chef ! Parfois, un changement s’impose.

"Avant, j’étais un joueur de salon…"

Philippe Clément parti à Monaco, Mats Rits se souvient du même Clément… fréquenté comme joueur au Kiel.

Philippe m’en a mis des tacles par derrière à l’entraînement (il mime) : ‘Et tac ! Et tac ! Et tac !’ C’était pour me faire apprendre le métier. Joueur ou coach, Clément n’a pas changé : c’est Mats Rits qui n’était plus le même… Quand vous êtes jeune et que vous marquez des buts à la pelle, tout est facile : vous êtes le meilleur et vous ne vous posez aucune question. Mais le foot des adultes, c’est autre chose : il faut du rendement ! A l’époque, j’étais un joueur de salon : je ne prenais aucun duel… et pour percer en pros, j’ai bien dû devenir un battant, sinon j’étais cuit. Tout est allé trop vite pour moi : quand j’ai rejoint Ajax à 18 ans, c’était pour intégrer les équipes de jeunes et poursuivre mon apprentissage… mais le T1 de l’époque Frank De Boer a voulu me garder en Première. Alors qui vous êtes pour dire non à ça ?… L’Ajax, c’était vraiment la grande école au niveau technique : chaque joueur, quelle que soit sa position, avait un très, très haut niveau technique. Mais pas pour faire des roulettes ou des retournés, hein ! La technique utile et propre : la touche, le contrôle, la passe… J’y ai fréquenté deux joueurs qui, pour moi, sont les meilleurs que j’ai croisés : le Serbe Miralem Sulejmani, un prodige aujourd’hui… aux Young Boys Berne, et Jan Vertonghen, très sûr techniquement et très solide dans les duels. Mais mon corps n’était pas prêt : je me suis blessé 7 mois et je passais mes journées seul à Amsterdam. J’ai voulu rentrer en Belgique et en signant dans un club comme Malines, j’ai forcément dû muscler mon jeu. 'Aujourd’hui, je me sens au sommet de mes possibilités : expérience, physique, tactique… "

Avec Philippe Clement
Avec Philippe Clement © Belga

"Je pense toujours aux Diables rouges"

Au point que son nom a circulé chez les Diables Rouges avant le dernier Euro, pour remplacer Axel Witsel, en pleine convalescence… Depuis, Roberto Martinez a entamé son opération rajeunissement.

Tu veux dire qu’à 28 ans, je suis un peu entre les deux générations : celle qui s’en va et celle qui arrive ? Je comprends la remarque, mais je n’ai pas renoncé aux Diables Rouges. Si cette sélection ne vient jamais, je ne m’en formaliserai pas mais je garde l’ambition… sinon je n’avance plus ! J’ai fait toutes les générations de Diablotins des U15 aux U19 et je sais ce que signifie la fierté de porter le maillot de son pays ! A mon niveau, je fais le maximum pour être meilleur chaque jour : le reste n’est pas dans mes mains, mais dans celles de l’entraîneur national… "

Les petits papiers

Le moment venu de lui soumettre le rituel des petits papiers : une boîte d’une douzaine de papiers en lien avec sa carrière. Il doit en tirer cinq à l’aveugle… et commenter.

Premier papier : ARCHITECTE. " Je viens d’une famille d’architectes : mon grand-père l’était, mon père l’est toujours. Depuis tout petit, j’assiste à des réunions de chantier… Et quand on a construit notre maison avec ma femme, je décryptais facilement tous les plans… alors que ma femme ne comprenait rien ! (clin d’œil) Ma position sur le terrain, c’est un peu comme un architecte : des problèmes se posent, et il faut trouver des solutions. J’ai toujours ce désir d’apprendre et de comprendre. J’ai essayé les études supérieures… et je suis de près l’actualité : le conflit Russie-Ukraine, etc. C’est important de savoir dans quel monde on vit… "

Deuxième papier : VAR. (Il hausse les yeux au ciel) " Le VAR est une très bonne avancée, le problème c’est le temps que ça met… Il y a les situations claires et nettes comme le hors-jeu… et même si on vous annule un but pour un centimètre, il faut l’accepter ! Après, il y a les interprétations pour un hands ou un duel… et c’est là que comme joueur, on est souvent frustrés… Il faudrait mettre dans le bus du VAR un ancien joueur pour aider les arbitres… qui n’ont pas toujours le bon feeling et qui appliquent le règlement à la lettre en oubliant l’esprit du jeu. Moi aussi, je râle sur les arbitres, car le foot est un sport d’émotions… mais je reconnais que c’est un métier difficile. Mais je ne triche jamais et je ne simule pas… mais je suis aussi un joueur de temporisation : je ne vais pas chercher le contact comme des Theo Bongonda ou Noa Lang"

En discussion avec les arbitres…
En discussion avec les arbitres… © Belga

" Romelu Lukaku ne doit sa réussite qu’à lui-même "

Troisième papier : ROMELU LUKAKU. " J’ai joué avec Romelu en Diablotins… mais déjà au Lierse quand on avait 11 ans : il faisait déjà deux mètres ! Il jouait devant avec Zinho Gano : deux tours, quoi ! Tous les ballons aériens me passaient au-dessus de la tête, alors je suis parti au Beerschot pour un peu en toucher ! (clin d’œil) Mais Romelu avait déjà cette volonté d’être le meilleur et ce qu’il est devenu aujourd’hui, il ne le doit qu’à lui-même et à sa grinta ! Je suis allé une ou deux fois chez lui : sa famille vivait dans une grande pauvreté et c’est évidemment de là que vient sa volonté de réussir. "

Quatrième papier : CRISTIAN ERIKSEN. (Silence) " J’ai bien connu Christian à Ajax, j’étais son back-up à sa position. On se parlait souvent, on mangeait ensemble, il m’invitait chez lui. Le jour de son accident à l’Euro, j’étais dans la piscine chez moi avec des amis… puis ils me disent : ‘Mats, viens voir, il se passe quelque chose…’ Quand vous voyez ça, forcément, ça vous glace le sang : vous vous sentez connecté avec la personne qui vit cela puisque vous l’avez connue… Tu te dis : Aujourd’hui c’est lui, mais ça aurait pu être moi…’ J’ai eu de la chance d’être très peu blessé dans ma carrière : c’est dû à ma position sur le terrain et à mon style de jeu. Je ne suis pas très explosif comme l’était par exemple un Krépin Diatta, donc je n’ai pas souvent de soucis musculaires. Mais je me soigne bien aussi… et je protège ma santé mentale : c’est important de sortir du foot et d’aller au restaurant, de faire des projets de famille, de voir des amis, etc.

Dejan Veljkovic, l’agent par qui le scandale éclata…
Dejan Veljkovic, l’agent par qui le scandale éclata… © Tous droits réservés

"Veljkovic a toujours été correct avec moi"

Cinquième papier : DEJAN VELJKOVIC (Il grimace). " Veljkovic était en effet mon agent à Malines pendant 3 ans… mais c’était surtout l’agent du club ! Il a réglé mon transfert ici à Bruges (NDLA : un transfert qui, selon le dossier judiciaire, serait entaché de pratiques d’argent noir), il a supervisé mon premier contrat ici… et après, il est allé en prison ! (sic) Tout ce que je peux dire, c’est qu’avec moi, il a toujours été correct et sympathique : je n’ai jamais remarqué de trucs bizarres… (sic) Mais il faut en effet mettre fin à cette pratique qui veut que des agents travaillent pour des clubs, plus que pour des joueurs… Je lis les journaux comme vous et j’ai été interrogé à l’Union Belge… comme tous les joueurs de Malines qui ont participé à ce fameux match contre Waasland. Mais je vous répète ce que j’ai dit à la Commission d’Enquête : je n’ai jamais eu vent de match-fixing. J’ai aussi lu les déclarations de Roland Duchâtelet (NDLR : relatifs à la saison 2013-14 où des faits de corruption, avec dons de montres de luxe entre joueurs, auraient coûté le titre au Standard), mais il y a tout ce qu’on dit dans les journaux… et ce qui reste après : pour moi, la seule vérité sera celle rendue par le tribunal. Après, mon regard sur le foot n’a pas changé : il y a des pratiques contestables… comme dans toute la société ! Mais quand vous allez dans un café, trois tables sur quatre parlent de foot ! Le foot reste une grande fête pour la plupart des gens… "

Bruges et Union Saint-Gilloise, en lutte pour le titre…
Bruges et Union Saint-Gilloise, en lutte pour le titre… © BELGA

Une fête qu’il espère brugeoise en fin de saison. On veut lui demander les chances du Club pour le titre, il coupe avant même la fin de la question…

On sera champion ! Je n’en ai pas la certitude, mais j’en ai la conviction… "

A afficher dans les vestiaires de tous les concurrents…

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous