Dans son guide "Masturbation" paru en mai dernier aux Éditions Leduc, la journaliste Lucile Bellan analyse les freins à la masturbation féminisme tout en rappelant l'importance (pour celles et ceux qui en ont envie) d'explorer les voies de l'onanisme, pour se faire plaisir... en solo ou à deux. Entretien.
Que vous inspirent les chiffres de l'enquête annuelle de Womanizer ?
Je pense qu'il est important de souligner qu'il y a une amélioration constante depuis ces dernières années. N'oublions pas que sur cette question, nous revenons de très loin ! Atteindre l'égalité parfaite en la matière ne me semble pas un but essentiel en soi. En revanche, il est crucial que les femmes se masturbent autant qu'elles en ont envie. Mais surtout qu'elles aient le temps et la liberté de le faire.
Vous expliquez justement dans votre livre que la charge mentale est l'un des principaux freins à la masturbation féminine...
Oui car les femmes, qui doivent gérer une multitude de choses dans leur journée, n'ont souvent tout simplement pas le temps de penser à se masturber. Les statistiques montrent bien que les femmes sont beaucoup plus concernées par la charge mentale que les hommes.
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Les stéréotypes de genre ne sont pas innocents non plus dans l'affaire...
L'idée que les hommes ont des besoins sexuels que les femmes n'ont pas est aussi un stéréotype puissant qu'il faut déconstruire et qui est d'ailleurs une lutte dont se sont emparées les féministes. Il y a aussi cette idée selon aquelle un adolescent qui se masturbe, "c'est normal" alors que chez les adolescentes, cette question n'entre même pas en ligne de compte !
Globalement, il y a un manque de connaissance lié directement et logiquement au manque de pratique et d'éducation sur la masturbation : comment s'y prendre, où le faire, combien de temps ? Du coup, certaines renoncent de peur de ne pas y arriver et d'être frustrées.
L'éducation est donc un levier fondamental à actionner, dès le collège ou le lycée, mais aussi dans la pop culture, les livres ou les films qui, globalement, nous montrent beaucoup d'hommes qui se masturbent... mais très peu de femmes.
Dans votre ouvrage, vous affirmez qu'apprendre à jouir est capital et vous incitez les femmes à explorer d'autres voies que la pénétration vaginale...
Quand on parle sexualité, on se focalise effectivement beaucoup sur la pénétration, en particulier au sein des relations hétérosexuelles. On a très peu d'informations sur le sujet, même au niveau médical. Or, si un jour la pénétration n'est plus possible pour diverses raisons, il est important de savoir comment jouir et trouver du plaisir autrement que par la pénétration.
Vous conseillez aussi de se masturber au travail… Pourquoi ce lieu en particulier ?
Avant tout, je considère qu'avoir envie de se masturber est une raison largement suffisante pour le faire. Mais dans le cadre du travail, c'est vrai que cela peut aider à mieux gérer le stress car le fait de se masturber secrète des endorphines. Et, comme je l'explique dans mon livre, certaines personnes l'utilisent pour mieux gérer la fin de leur journée.
Cela s'applique aussi à des douleurs comme les crampes menstruelles ou les maux de tête. Il arrive donc que la masturbation soit motivée par l'une de ces raisons. Dans ces cas-là, il ne faut pas hésiter. Car encore une fois, les hommes n'ont aucun mal à se masturber sans se justifier !
Comment se décomplexer pour explorer les voies de l'onanisme ?
Nous vivons une époque propice à déconstruire les fausses croyances autour de la sexualité, notamment celle selon laquelle il existe des femmes clitoridiennes ou vaginales alors qu'en réalité, nous sommes toutes clitoridiennes !
C'est l'occasion de s'interroger sur nos pratiques, de les remettre en question. Notre terrain de jeu est immense : on a des informations que l'on ne connaissait pas avant, on sort de l'hétéronormativité, ce qui nous aide à trouver et à explorer de nouvelles formes de sexualité... On y gagne un grand pouvoir : celui de jouir et de se faire plaisir. Il ne nous reste plus qu'à nous en saisir !