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Maroc : la mort de Rayan, 5 ans, a suscité une identification forte, amplifiée par les réseaux sociaux

Les sauveteurs transportent le corps sans vie de Rayan, 5 ans, tombé dans un puits au Maroc.

© AFP or licensors

Par Africa Gordillo & Sophie Brems

La mort de Rayan, le garçonnet de 5 ans, tombé dans un puits de trente mètres de profondeur, dans la région de Chefchaouen au nord du Maroc, suscite une vague d’émotion partout dans le monde. Les parents de Rayan ont reçu des messages de soutien qui ont afflué de partout : du Roi du Maroc, du Pape François, de joueurs de football, voire d’anonymes qui ont tenu à manifester leur sympathie.

Comment expliquer cette émotion ? Pour Olivier Luminet, professeur de psychologie à l’UCLouvain, "beaucoup de facteurs peuvent l’expliquer, mais un tout premier facteur en termes émotionnels, c’est le contraste d’émotions auquel on a été confronté pendant plusieurs jours. On a d’abord commencé par un choc énorme… apprendre ce genre de nouvelles crée une certaine anxiété. Ensuite, à un moment donné, il y a eu l’espoir, il y a eu un changement entre anxiété et espoir, puisqu’il semblait qu’il y avait de bonnes chances de pouvoir sauver cet enfant. Et soudainement, le choc et la perte de l’enfant… on apprend qu’il est décédé. Ces variations d’émotions entre émotions très positives et émotions très négatives, c’est quelque chose qui est propice à renforcer fortement la résonance émotionnelle d’un événement comme celui-là".

A ces éléments s’ajoute une personnalisation, une identification très forte. "On a un nom… on a un visage, celui d’un enfant en plus, donc on peut très rapidement faire référence à d’autres enfants du même […] Dès que la victime semble être connue et qu’on peut se lier à elle d’une manière ou d’une autre, ça crée aussi un amplificateur d’émotions", poursuit le professeur en psychologie.

Réseaux sociaux

Autre amplificateur : les réseaux sociaux ont relayé la tentative de sauvetage de Rayan, notamment à travers le hashtag #sauvezrayan qui a circulé du Maghreb jusqu’aux États-Unis, en passant par le Yémen, dans toutes les langues. Les réseaux sociaux se sont emballés.

"L’amplification prend des proportions exponentielles sur les réseaux sociaux. Et tous les médias, voyant cette amplification, le relaient aussi. On assiste alors à quelque chose d’étonnant… des personnalités officielles commencent à adresser leurs condoléances. Ça a été le cas du pape, du président français, de nombreuses autorités, comme si c’était une personnalité majeure qui avait soudainement disparu", analyse Olivier Luminet qui souligne par ailleurs l’importance du lieu de l’accident, un puits, "à la fois terrorisant et hautement improbable", un 'élément explicatif' de l’ampleur du phénomène émotionnel.

Parallèlement, ajoute le spécialiste de l’ULB, "il y a toujours une fascination pour des situations un peu dramatiques, cette curiosité morbide qui anime malheureusement de manière naturelle nos émotions collectives. Il y a donc aussi cet aspect-là qui a joué… de vouloir absolument suivre heure par heure ce qui était en train de se passer".

Olivier Luminet, professeur de psychologie à l’UCLouvain, dans Matin Première
Interview réalisée par Sophie Brems

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