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Marina Chafroff, la 1ere femme résistante exécutée par les nazis, ressuscite dans un roman

La tombe de Marina Chaffrof au cimetière d'Ixelles

© Philippe Carlot - Rtbf

Par Philippe Carlot via

Le 31 janvier 1942, les nazis exécutent une jeune femme de 33 ans à la prison de Cologne. Elle s'appelle Marina Chafroff, mère de deux jeunes enfants, d'origine russe et résistante bruxelloise. Quelques semaines auparavant, elle avait poignardé un officier allemand dans les rues de la capitale belge avant de se constituer prisonnière pour éviter l'exécution de 60 otages. 

Une héroïne au cimétière d'Ixelles

La tombe de Marina Chafroff se trouve dans le reposoir des martyrs de la Seconde Guerre Mondiale du cimetière d'Ixelles. Les stèles sont disposées en cercle et Marina est la seule femme. La seule aussi dont la tombe est fleurie lors de notre visite en compagnie de la romancière et journaliste Myriam Leroy, qui a sorti de l'ombre cette héroïne oubliée. 

C'est lors d'une promenade dans le cimetière, pendant le confinement, que Myriam Leroy tombe sur le nom de la résistante russe exilée en Belgique. La romancière est doublement intriguée : non seulement Marina est la seule femme à reposer là; mais encore, sous son nom se trouve ce mot terrible, glaçant : décapitée. 

Myriam Leroy décide d'en savoir plus sur cette victime de la barbarie nazie. Elle mène l'enquête et s'aperçoit rapidement que l'histoire n'a guère conservé de traces de l'acte de résistance de Marina Chafroff. Il existe d'ailleurs deux versions des événements ayant conduit à son exécution. Myriam Leroy : "La version officielle raconte qu'un jour de décembre 1941, elle est sortie de chez elle avec un couteau de cuisine à la main, qu'elle a remonté la chaussée d'Ixelles (elle habitait au 225, ndlr) et qu'arrivée Porte de Namur, elle a plongé sur un officier allemand et l'a poignardé, qu'elle s'est enfuie en courant et qu'une semaine après, pour éviter que 60 otages soient fusilés, elle s'est rendue (...)"

Une version "officieuse"

Mais le fils survivant de Marina, Vadim (85 ans cette année) a raconté une autre histoire à la romancière. "Lui défend l'idée que ce n'était pas Marina, que c'était son mari, donc le père, qui était derrière la lame, qui a poignardé le premier officier. Et que Marina Chafroff s'est rendue pour endosser en fait la responsabilité de son mari."

Quant à savoir pourquoi si peu de monde connaît l'existence de Marina Chafroff, Myriam Leroy a sa petite idée : "D'abord le fait que c'était une femme et que les faits d'arme féminins ont été dépossédés de toute charge politique. A l'époque, non seulement le Parti Communiste ne s'est pas solidarisé de l'attaque de Marina, mais s'en est désolidarisé publiquement en disant que ce n'était pas un acte politique, que c'était un acte suicidaire, voire un crime passionnel.

Même son camp politique s'est désolidarisé d'elle. (...) Et puis, il y a eu le fait qu'elle était Russe en Belgique et qu'en Belgique, après la guerre, on a d'abord souhaité honorer des figures belges. Et donc, elle, quand son corps a été rapatrié en Belgique, il l'a été par la petite porte. Alors que normalement, les décapités devaient figurer en tête de proue - si je puis dire - des convois de rapatriement des cadavres. 

Enfin, il y a le fait que c'était aussi une anomalie dans sa propre communauté puisqu'elle a commis un crime qui a été labellisé "rouge", "bolchevique", alors qu'elle est née dans une communauté de Russes blancs qui a dû fuir la Russie aux abords de la révolution (de 1917). 

Un podcast pour aller plus loin

Si l'histoire de Marina Chafroff vous intéresse, outre le roman "Le Mystère de la Femme sans Tête" de Myriam Leroy (aux éditions du Seuil), nous vous renvoyons à l'écoute du podcast réalisée par Myriam Leroy, disponible ici.

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