Mais le fils survivant de Marina, Vadim (85 ans cette année) a raconté une autre histoire à la romancière. "Lui défend l'idée que ce n'était pas Marina, que c'était son mari, donc le père, qui était derrière la lame, qui a poignardé le premier officier. Et que Marina Chafroff s'est rendue pour endosser en fait la responsabilité de son mari."
Quant à savoir pourquoi si peu de monde connaît l'existence de Marina Chafroff, Myriam Leroy a sa petite idée : "D'abord le fait que c'était une femme et que les faits d'arme féminins ont été dépossédés de toute charge politique. A l'époque, non seulement le Parti Communiste ne s'est pas solidarisé de l'attaque de Marina, mais s'en est désolidarisé publiquement en disant que ce n'était pas un acte politique, que c'était un acte suicidaire, voire un crime passionnel.
Même son camp politique s'est désolidarisé d'elle. (...) Et puis, il y a eu le fait qu'elle était Russe en Belgique et qu'en Belgique, après la guerre, on a d'abord souhaité honorer des figures belges. Et donc, elle, quand son corps a été rapatrié en Belgique, il l'a été par la petite porte. Alors que normalement, les décapités devaient figurer en tête de proue - si je puis dire - des convois de rapatriement des cadavres.
Enfin, il y a le fait que c'était aussi une anomalie dans sa propre communauté puisqu'elle a commis un crime qui a été labellisé "rouge", "bolchevique", alors qu'elle est née dans une communauté de Russes blancs qui a dû fuir la Russie aux abords de la révolution (de 1917).