A partir du mois de mai résonnent tambours et fifres dans les vallées de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Les marcheurs envahissent les rues et des personnes venues de toute part affluent pour voir le folklore local, patrimoine vivant. Une fois par an, ils se retrouvent pour célébrer les liens d’amitié qui les unissent autour du Saint consacré par la marche. Une histoire de passion et de tradition qui se perpétue au fil des décennies.
Entre passion et traditions
Le rendez-vous est pris, nous nous rendons au Musée des Marches Folkloriques de l’Entre-Sambre-et-Meuse à Gerpinnes. Nous y rencontrons Michel Piérard, Président du musée et Gérard Adam, Président de l’Association Royale des Marches Folkloriques de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Tous deux nous attendent, musique des marches tambourinant à l’entrée, attisant la curiosité.
Les marches n’ont rien de nouveau pour eux, comme le confie Gérard Adam : "Je suis né dans une famille de marcheurs. Mon père l’était, mes oncles l’étaient. Et même si, ils habitaient ensuite ailleurs dans le pays, ils ne rataient jamais l’occasion de revenir au village pour la marche". Une tradition familiale qu’il perpétue encore aujourd’hui : "À 5 ans, j’ai commencé à marcher en tant que Sapeur. Ensuite, je suis passé chez les Grenadiers et mon cœur y est resté. Maintenant, je m’occupe de la compagnie des petits marcheurs ". Michel Piérard, quant à lui, nous le confirme également : "Je marche encore. J’ai marché Tambour-Major à Virelles pendant 40 ans. Maintenant, je suis devenu adjudant. Je marche dans la compagnie de mes ancêtres ici à Gerpinnes, Les Flaches".
Plus de 30 ans de passion commune qui les ont propulsés à la tête d’un musée et d’une ASBL entièrement consacrés à ce folklore : "J’étais quelqu’un qui bougeait à gauche et à droite pour faire bouger les choses. Quand il a été question de créer un Musée des Marches de L’Entre-Sambre-et-Meuse, l’ancien président de l’association m’a désigné comme président. 37 ans après, je le suis toujours."
" Ce n’est pas un travail, c’est plutôt une passion dévorante et chronophage (rires)"
Car ce sont bien deux passionnés du folklore que nous rencontrons : "Ce n’est pas un travail, c’est plutôt une passion dévorante et chronophage", nous confie Gérard le sourire aux lèvres. Mais précise tout de même : " Il y a 100 sociétés qui sont affiliées à l’association Royale des Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Ça représente entre 10.000 et 12.000 marcheurs et 35 week-ends de marches", ce qui lui occupe la majeure partie de son temps de mai à octobre.
Deux passionnés pour qui les marches vont au-delà de la procession en elle-même :" Le rassemblement des gens est ce que je trouve de plus beau dans les marches.", confie Michel. "Il y a de tout dans les marcheurs: des médecins, des ingénieurs, des ouvriers, des fermiers… Dans un peloton, par exemple, l’officier peut être le facteur. Derrière lui, c’est le médecin et le contrôleur des contributions… Mais, c’est le facteur qui est le chef ". Un sentiment que Gérard partage aussi : " Les marches ont amené, bien avant que la politique ne s’en inquiète, la mixité sociale. Tout le monde peut marcher et atteindre un niveau élevé dans la compagnie. Ce n’est pas fondé sur un système élitiste ".
Michel Piérard conclut en appuyant sur la solidarité que cela crée au sein des sociétés de marcheurs : "Généralement, au sein d’une société de marcheurs, quand il y a un problème à l’extérieur pour quelqu’un, les autres viennent le soutenir".
Un musée insoupçonné
"Les marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse, c’est avant tout une escorte armée à une procession religieuse du culte catholique", rappelle Gérard Adam.
La rencontre avec ces deux présidents est rythmée par leur savoir inépuisable de l’histoire des marches. Le musée est ouvert. Chaque pièce a son thème : la musique, les enfants, le premier Empire… On y fait le tour avec Michel et Gérard. Ils nous montrent toute une collection de costumes, mais aussi de drapeaux : "Certains sont parfois doubles faces et ils sont dédiés d’un côté à la paroisse et sur le revers à la jeunesse", nous lance Gérard Adam. En effet, il nous explique également que "La plupart des sociétés sont issues des comités de jeunesse. Ce sont eux qui ont remis en route les marches au 19e siècle. Et d’ailleurs dans certaines localités, on retrouve dans le comité de la marche, ceux qui s’occupent des fêtes du village, de l’organisation du grand feu… Ceux qui s’investissent dans la vie locale et associative".
À l’étage, Michel Piérard nous invite à découvrir : "Le coin d’histoire". Avant de nous montrer que sont exposés "un décret de l’époque napoléonienne relatif au déroulement des cérémonies publiques, des exemplaires de laissez-passer militaires, un carnet militaire, une lettre d’un soldat à sa famille…"
En déambulant dans les salles, ils nous exposent les différences entre tous les uniformes et spécificités de chacun : "Les uniformes du premier empire sont arrivés dans les années 60, ce sont les derniers arrivés dans nos marches. Ils sont très prisés car ils sont très colorés, il y a de l’or, il y a du galon. C’est clinquant." Et ajoute, "Ce n’est pas très historique chez nous, d’ailleurs, toutes les vieilles sociétés ne possèdent pas de costume du 1er empire". Michel intervient alors avec une question : " Savez-vous pourquoi les costumes des Flanqueurs de la garde sont verts ? " Répondant par la négative, il nous explique : "Le choix de cette couleur est dû au fait qu’historiquement le régiment était uniquement alimenté par les fils des gardes des eaux et forêts français. Leur nom vient du fait qu’ils travaillaient sur les flancs." Pour l’anecdote, il nous raconte que les voltigeurs, quant à eux, "étaient des régiments composés uniquement de petits hommes. Il y avait une taille maximum pour pouvoir y entrer. Ils étaient déployés là où il y avait besoin de renfort et devaient être capables de sauter à croupe sur un cheval. D’où leur nom, voltigeurs".
Un patrimoine vivant
Le Musée des Marches de l’Entre-Sambre-Et-Meuse est ouvert à partir du 1er week-end de mai jusqu’au dernier week-end de septembre. Il est fermé au mois de juillet mais "pendant la fermeture – ou même en hiver — un appel chez le conservateur ou chez moi et il y aura quelqu’un du musée qui se déplacera pour venir accueillir les visiteurs", spécifie Michel, le président.
Michel Piérard et Gérard Adam nous confirment que le folklore existe grâce aux hommes, aux femmes et aux enfants qui le font vivre. Les deux présidents font partie de ceux-ci, et jouent indéniablement un rôle dans sa transmission.