Alors que le Parlement devait débattre d’une troisième procédure de destitution à l’encontre du président Castillo depuis son accession au pouvoir en juillet 2021, celui qui était encore à la tête du pays a fait une déclaration solennelle à la télévision, ceint de l’écharpe présidentielle, annonçant la dissolution du Parlement et la mise en place de l’état d’urgence dans le pays.
Arrêté, Pedro Castillo, poursuivi pour "rébellion" et "conspiration", avait été transféré de nuit dans une base de la police à Lima.
Ces poursuites pour rébellion et conspiration viennent s’ajouter aux six autres enquêtes pour corruption ou trafic d’influence visant Pedro Castillo, infractions dont sont également accusés des membres de sa famille et de son entourage politique.
L’ancien président restera en prison dans sa caserne située à Até (est de Lima). Le juge qui devait statuer mercredi sur la demande de détention préventive de 18 mois déposée par le Parquet pendant la nuit, a accordé un délai à la défense. Mais il a maintenu le président en détention pour 48 heures supplémentaires.
La Cour suprême avait ordonné le 7 décembre la détention provisoire de Pedro Castillo pour sept jours. Il devait en théorie sortir mercredi.
L’ex-président avait déclaré lors d’une audience judiciaire qu’il ne renoncera pas, selon ses termes, et avait appelé ses partisans à l’accueillir à sa sortie de prison.
"La population dans les Andes reste convaincue que, depuis son accession au pouvoir, Castillo a été empêché de travailler, explique sur France Info Valérie Robin Azevedo, professeur d’anthropologie sociale à l’Université de Paris. Une conviction que le Congrès lui met des bâtons dans les roues, alors même que de par ses origines rurales andines, paysannes, professeur d’une école rurale, il y a une forme d’identification très forte avec les populations les plus humbles." Dès sa prise de fonctions, Pedro Castillo, un enseignant en milieu rural, avait d’ailleurs dénoncé le fait de se sentir méprisé par les élites économiques et politiques du Pérou en raison de ses origines paysannes. "Pour la première fois, notre pays sera gouverné par un paysan, une personne qui appartient aux secteurs des opprimés", avait-il déclaré lors de sa prise de fonction en juillet 2021. Dans l’un de ses derniers discours, il a dit constater que pour le Parlement "il n’est pas possible pour un paysan de gouverner le pays". Le leader du parti marxiste-léniniste Pérou libre a "le soutien le plus fort dans la région" la plus pauvre du pays où 26% de la population vit dans la pauvreté. La population rurale, celle qui a élu Castillo, est à 40% frappée par la pauvreté. Pour Valérie Robin Azevedo, ces divisions géographiques renvoient à des divisions de classe et aussi ethnico-raciales.