Belgique

Manifestation nationale : "Il y a actuellement une attaque à l’essence même de la grève", estime Thierry Bodson (FGTB)

L'invité de Matin Première

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Par V. de Thier sur base d'une interview de T. Gadisseux via

Des milliers de personnes sont attendues ce matin dans les rues de Bruxelles pour une manifestation nationale visant à défendre le droit de grève et lutter contre le dumping social, alors qu’un conflit social perdure chez Delhaize depuis bientôt neuf semaines. La situation de l’entreprise au lion inquiète les syndicats FGTB, CSC et CGSLB qui ont décidé de lancer cet appel en front commun.

Le patron de la FGTB Thierry Bodson, invité ce matin sur la Première, estime que Delhaize menace le droit de grève "bien supporté par quelques magistrats". "Depuis le début du conflit, nous avons vu que les huissiers débarquaient sur les piquets de grève. Il faut savoir que ces huissiers donnent des astreintes de l’ordre de 1000 euros par client. Il s’agit d’un fait nouveau car jusqu’ici, l’huissier venait pour défendre le droit du travail face au droit de grève. Il s’agissait donc d’astreintes par gréviste. Ici, on est en train d’opposer le droit de grève et le droit des travailleurs à défendre leurs intérêts au droit de consommer", analyse-t-il.

La justice a récemment donné raison au groupe Delhaize en interdisant les piquets de grève devant les établissements du groupe. Si le représentant syndicaliste explique que la manifestation de ce lundi n’est pas une levée des syndicats face à la justice, il dénonce certaines décisions prises par des juges plaçant la liberté de commerce et les droits économiques de Delhaize au-dessus des droits sociaux défendus par les travailleurs.

"C’est une hiérarchie qui n’a aucun sens", estime-t-il. "Le droit de grève est un droit fondamental, la liberté de commerce n’en est pas un. On est donc ici en train de s’attaquer à l’essence même de la grève puisque la grève, c’est par principe nuire aux intérêts économiques."

"Pourrissement" des droits syndicaux

Outre le cas Delhaize, ce n’est pas la première fois que les syndicats se mobilisent pour défendre les libertés syndicales. "La séquence Delhaize vient après des années de pourrissement des droits syndicaux et d’attaques incessantes contre les organisations syndicales", constate Thierry Bodson.

Pour le syndicat, les responsables de ce contexte sont tout trouvés : un "certain nombre d’employeurs", la justice "qui a rendu des jugements assez étonnants" et le monde politique qui veut encore "durcir l’arsenal répressif par rapport aux grèves".

Le projet de loi du gouvernement est une déclaration de guerre.

Un projet de loi "anti-casseurs" du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld) a été validé par le gouvernement et arrive actuellement devant le Parlement. Si le syndicaliste reconnaît un problème dans la présence de casseurs dans différentes manifestations, il estime que le champ d’application de ce projet de loi est trop large et risque d’englober facilement de simples manifestants. Un nouveau risque pour le droit de grève.

"Les organisations syndicales ont découvert ce projet il y a deux semaines alors que nous avons régulièrement des contacts avec le monde politique. Nous n’avons jamais été avertis de ce projet qui a apparemment pris naissance au mois de décembre. Le gouvernement a voulu le faire passer "en stoem"", dénonce Thierry Bodson. "Déposer ce projet de loi en plein conflit Delhaize, c’est une véritable provocation, une déclaration de guerre".

Quelle issue pour Delhaize ?

Ce conflit, justement, pourrait-il se conclure un jour ? Thierry Bodson le martèle : la direction joue le pourrissement et refuse la négociation, les syndicats, eux, demandent "a minima" l’application de la loi Renault. "Lorsqu’il y a un licenciement de 9000 travailleurs, la loi Renault s’impose. Or, on constate aujourd’hui que Delhaize a trouvé une façon de contourner cette loi. […] Le politique doit maintenant rappeler Delhaize à l’ordre."

En attendant, la médiation entre la direction de Delhaize et les syndicats activée par le gouvernement a échoué. "Pour le moment Delhaize ne souhaite absolument pas sortir du schéma dans lequel il est entré. Nous ne voulons pas complètement supprimer ce schéma, il s’imposera, mais il y a des règles qui doivent être respectées", estime Thierry Bodson.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous