Belgique

Manifestation ce matin à Bruxelles, pour les syndicats : "ce qui se passe chez Delhaize pourrait arriver partout"

Des syndicats protestent lors d’une réunion des syndicats et de la direction de la chaîne de supermarchés Delhaize, à Zellik, mardi 14 mars 2023. Photo d’illustration.

© Benoît Doppagne – BELGA

Par Marc Sirlereau

Ce lundi 22 mai, les organisations syndicales participeront en front commun à une journée d’action, dans les rues de Bruxelles. Le conflit chez Delhaize et la volonté du groupe de franchiser – de confier à un patron indépendant – 128 magasins sont les déclencheurs de cette manifestation nationale. Pour beaucoup, ce lundi, "ce qui arrive chez Delhaize, pourrait se passer dans n’importe quelle entreprise et pas seulement dans le secteur de la grande distribution". Les syndicats dénoncent des pratiques de dumping social et des attaques portées contre le droit de grève.

"Delhaize a lancé une bombe"

Djamila travaille depuis longtemps dans le secteur de la distribution. Elle se dit inquiète : "Delhaize est un groupe important et il a lancé une bombe. Et maintenant, ce sont tous les emplois qui sont impactés par son choix".

Michaël partage cette inquiétude : "Dans les grands magasins, dit-il, il y a déjà un nombre important de contrats à temps partiel et un nombre de plus en plus conséquent de recours aux étudiants. Le salaire horaire est différent entre un travailleur traditionnel et un étudiant et il y a de plus en plus d’entreprises qui abusent du travail des étudiants. Ça leur coûte beaucoup moins cher".

Les franchisés utilisent beaucoup d’étudiants, de contrats précaires.

Francesco s’interroge aussi beaucoup sur la suite des événements. "Delhaize arrive à faire croire à la population qui rien ne va changer avec la 'franchisation' de ses magasins. Et pourtant, les franchisés utilisent beaucoup d’étudiants, de contrats précaires et ils n’ont pas besoin d’avoir 60-70 personnes dans leur magasin".

"Travailler pour un franchisé n’est pas un retour en arrière"

Sans surprise, Pierre-Frédéric Nyst, le président de l’UCM, l’Union des Classes moyennes, voit les choses différemment. Il voit plutôt d’un bon œil le fait de confier la gestion de magasins à un patron indépendant. "Je ne dis pas que Delhaize a raison mais il vient avec un projet sur lequel ça mérite de se pencher. Travailler pour un franchisé, ce n’est pas une injure, un retour en arrière. Au contraire. C’est travailler avec une certaine forme de modernité".

Pierre-Frédéric Nyst se veut aussi rassurant. Comme le groupe Delhaize, il explique que la convention collective 32 bis doit être respectée. "Cela implique que l’on reprendra le personnel avec son ancienneté, son salaire et avec les conditions négociées sur le plan individuel et collectif."

Et à plus long terme ?

Là-dessus, Pierre-Frédéric Nyst est plus prudent : "Pour l’avenir, je n’ai pas de boule de cristal. Je ne sais pas ce que va devenir le commerce alimentaire en Belgique. On sait bien que c’est difficile. Y aura-t-il des mouvements ultérieurement, est-ce que ça va changer, je ne peux le dire. Mais si on regarde ce qui se passe chez les franchisés aujourd’hui, on a de la modernité, de la responsabilisation et on est dans des PME où la prise de décision se fait en Belgique".

"On veut nous couper l’herbe sous le pied"

Giovanni Buscemi est permanent du Setca, le syndicat socialiste des employés, techniciens et cadres, dans la région du Centre et pour lui, on veut clairement limiter le droit de grève et la liberté d’action des syndicats. C’est comme cela qu’il interprète le recours à la justice de Delhaize et la décision de celle-ci d’interdire notamment les piquets de grève devant les magasins.

"Il est évident, explique-t-il, avec un léger sourire en coin, qu’aujourd’hui, je vois plus souvent les huissiers que ma propre femme. Ils sont présents dès qu’on s’approche du parking du magasin. Et pourtant, il y a différentes interprétations possibles. Le parking d’un magasin, c’est une propriété privée avec un accès au public. Alors, sur cette base-là, comment distinguer les gens ? Toi, tu peux rentrer. Mais pas toi, tu ne peux pas être là. C’est assez incompréhensible".

"C’est une décision aberrante"

Monika ne mâche pas ses mots. Son ton est ferme, sa volonté aussi. Déléguée syndicale, elle travaille chez Delhaize, dit-elle avec une certaine fierté, depuis 25 ans. "Demain, si je veux aller travailler, je ne peux pas parce que j’ai reçu une ordonnance préventive. Je ne peux pas me retrouver devant un magasin Delhaize, dans un magasin Delhaize, ni sur un parking d’un magasin Delhaize. Donc, si je veux aller travailler demain, je dois envoyer un mail à ma direction pour demander si je peux venir ou pas."

"En plus, ajoute-t-elle, les huissiers viennent souvent, dès qu’il y a le moindre petit rassemblement devant le magasin et ils sont appelés par la direction locale. Et comme pour la franchisation voulue par Delhaize, ce qui se passe avec le recours à la justice et aux huissiers, ça peut à l’avenir, explique Monika, se passer partout comme cela et ça, je ne peux pas l’accepter".

Sur le même sujet :

Delhaize : conflit social, appel au boycott et carte blanche (LP 18/05/2023)

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