Avant de se lancer dans un régime vegan, mieux vaut peut-être en profiter au maximum, car vous allez le comprendre, être végétalien, c'est, beaucoup, beaucoup de sacrifices : fini la viande et le poisson bien sûr, mais fini aussi le lait, les fromages, les œufs et le miel. Mais alors, comment se nourrir correctement en étant végétalien ? Récit d’une immersion de trois mois dans l’univers ultra-tendance du véganisme.
Avant le premier jour de mon régime, je fais analyser mon sang, histoire de vérifier que je ne cours pas trop de risques. "Aucun risque! Vous êtes jeune. Vous êtes en bonne santé. Vous n'avez pas de carence particulière. La vitamine D est basse mais comme une énorme partie de la population tout à fait omnivore." me confie le docteur Christelle Hock, nutritionniste, en analysant les résultats de ma prise de sang. Ce médecin me suivra durant les trois mois de mon régime. D'entrée de jeu, elle me recommande, comme pour tous les vegans, de prendre des compléments alimentaires : de la vitamine B12 et de l'iode. Ils seraient peu présents dans les végétaux. La nutritionniste me recommande également un examen particulier, un scanner de mon corps entier. "On va voir la façon dont ça va évoluer et si le régime auquel vous allez vous soumettre va s'en prendre à votre masse grasse ou à votre masse musculaire." nous explique le docteur Philippe De Greift, rhumatologue au CHR de Namur qui supervise l'examen médical. Pendant mon régime, je serai également conseillé par une diététicienne, Yulia Stepanenkova, elle-même végétalienne. Elle va m'aider à composer des assiettes sans protéine animale. "Peu de végétalien ont une carence en protéine s'ils veillent midi et soir à avoir une source en protéine végétale. Ce sont principalement les légumineuses : pois chiches, lentilles, haricots et tout ce qui est tofu, seitan, tempeh." Pour m'aider au quotidien, j'ai l'embarras du choix entre les livres et les blogs. Les recettes vegans se comptent par millier.
Un choix en magasin qui se réduit
Je suis parti pour trois mois de régime vegan. Qu'est-ce que je peux encore me permettre dans une grande surface classique? Peut-être des produits végétariens? Non! Dans la plupart, on y retrouve des traces d’œuf ou encore de lait. J'oublie aussi les bonbons qui eux contiennent bien souvent de la gélatine de porc. Bref! Pour un choix beaucoup plus vaste, je dois me rendre dans une épicerie vegan. Celle que je découvre à Liège est l'une des rares en Belgique. On y trouve, entre autres, un vaste choix de protéines végétales. "La protéine de soja texturée, c'est la viande hachée du vegan. Elle n'est pas chère du tout et facile à utiliser." nous explique Martin Thioux, gérant de l'épicerie vegan. On trouve ici également tout un rayon d'imitations de fromages, de saucissons ou encore de hamburgers. Tous leurs ingrédients sont d'origine végétale. "Vous pouvez vraiment avoir un repas qui ressemble à un repas d'omnivore. Cela permet une transition facile." ajoute Martin Thioux. Mais que valent ces copies de viandes et ces faux fromages ? Après en avoir goûté quelques-uns, j'y renonce. Ce n'est, à mon sens en tout cas, vraiment pas terrible. Bref, j'oublie tous ces produits industriels. Il va falloir que je sorte mes livres de recettes. Pour être vegan, il faut en effet prendre le temps de cuisiner.
Difficile d'être vegan
A côté du fromage, c'est mon choix en friandises qui s'est drastiquement réduit : chocolat noir ou noix. Après quelques jours, ça devient un peu lassant. Les restrictions continuent lorsqu'il s'agit pour moi de manger au restaurant. Sur la plupart des cartes passées en revue, aucun plat ne convient au régime végétalien. Pour trouver des adresses vegan, il existe une application. Elle s'appelle Happycow, la vache heureuse. Elle m'a déniché à Liège un snack qui propose des plats végétaliens. Lors de ma visite, il est plein à craquer. "Ça fait pratiquement ici sept ans que je suis ouvert. J'étais pratiquement seul sur Liège. Ce sont surtout les jeunes qui sont motivés par cette ouverture de conscience." témoigne Grégory Boonen, le gérant de ce snack liégeois.
Le salon des vegans
Je reprends espoir de trouver du plaisir dans ce régime avec également le salon belge dédié aux vegans. Il se tient à Gand pour la deuxième année consécutive. C'est l'occasion pour la communauté vegan de se retrouver et pour les plus mordus, d'affirmer leur appartenance au mouvement. Une jeune fille, en train de se faire tatouer un mollet m'explique : "Ça symbolise mon véganisme et là, je me fais tatouer un coq et j'ai déjà une vache aussi. En l'honneur des animaux qui eux se font massacrer et qui souffrent beaucoup." Une autre dame, la cinquantaine témoigne à son tour : "J'ai des animaux à la maison et je pense que si j'aime les animaux, je suis obligée de les aimer tous. Si je les aime, je ne peux pas cautionner ce qui se passe dans les abattoirs, les industries du lait, de la laine, de tout ça." D'autres se sont lancés dans ce mode de vie pour des raisons de santé. C'est le cas d'une troisième personne croisée dans les allées du salon : "Je suis vegan depuis un an donc. Je me suis sentie beaucoup mieux. On se sent beaucoup mieux dans sa peau. Personnellement, j'avais beaucoup de problèmes de peau, eczéma et pas mal d'autres problèmes, et j'ai vraiment senti une très grosse différence." D'année en année, ce salon attire de plus en plus d'adeptes. Il propose aussi toujours plus de produits. On y trouve même des croquettes vegan pour chien et chat. Bref, tout est possible ici sans l'exploitation de l'animal. J'y trouve enfin des pâtisseries sans beurre et sans œuf, présentées par une pâtissière connue des vegans, Fay De Vlieghere : "J'utilise l'aquafaba. Traduit grossièrement, ça veut dire de l'eau de haricot. Donc, si vous achetez des pois chiches ou n'importe quel genre de haricots, c'est toujours vendu dans un liquide, que l'on appelle l'aquafaba. Donc, c'est juste du liquide de conserve de pois chiches ou d'autres haricots et vous pouvez l'utiliser pour remplacer l’œuf."
Bilan après trois mois de régime végétalien
Je quitte ce salon et ce monde parallèle qui préfigure peut-être notre société de demain. Il est temps pour moi, après trois mois de faire le bilan, de vérifier si ce régime m'a été bénéfique. Je retourne chez le docteur Christelle Hock, médecin nutritionniste, avec les résultats de ma prise de sang après trois mois de régime : "Le cholestérol va mieux. L'acide urique va mieux. Le fer va mieux. La B12 est bonne. Il y a juste la vitamine D qui est faible, mais le reste des Belges a le même souci." Par ailleurs, j'ai perdu près de quatre kilos, dont environ un de graisse et trois de muscles. Peut-être aurais-je dû manger plus de protéines végétales et continuer à faire du sport. Mais, globalement, je me suis bien senti dans ce régime. En attendant que le monde soit vegan, je suis retourné à une alimentation plus classique, avec quand-même beaucoup moins de viande. Avec plus de choix en magasin ou au restaurant, j'y retournerais volontiers dans ce régime vegan.