Tennis

Mais que se passe-t-il avec Daniil Medvedev ?

Medvedev n’y arrive plus depuis un an.

© AFP

Que le vent peut vite tourner en tennis… Et ce n’est certainement pas Daniil Medvedev qui vous dira le contraire. Il y a quelques mois à peine, le Russe réussissait là où tous les Alexander Zverev, Stefanos Tsitsipas ou autre Dominic Thiem ont échoué : prendre la première place mondiale à l’inoxydable Big 4.

Parce que oui, celui qui a occupé le trône du classement ATP en février dernier avait alors mis fin à 921 semaines consécutives, soit 18 ans de règne (oui, vous avez bien lu) pour Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et dans une moindre mesure, Andy Murray. Quelques mois plus tôt, le protégé de Gilles Cervara avait également montré au monde entier qu’il était devenu un joueur apaisé et complet en glanant son premier Grand Chelem, à l’US Open. Dans quelles circonstances ? En privant Djokovic d’un historique Grand Chelem calendaire. L’avenir s’annonçait plus que radieux pour le Moscovite. Et pourtant, un peu plus d’un an après avoir titillé les sommets, Medvedev s’apprête à quitter le top 10. Mais comment a-t-il pu en arriver là ? Tentative de réponse.

Ces fameuses balles de break en finale de l’Australian Open…

Après son sacre à l’US Open et l’absence du Serbe à Melbourne, Medvedev était le principal candidat à s’offrir son premier Australian Open en 2022. Après un parcours solide, il était opposé à un Rafael Nadal revenu, encore une fois, du diable Vauvert après une blessure au pied. Logiquement, le Russe prend les commandes du match et se dirige vers un deuxième Grand Chelem consécutif, confortant sa place d'"homme du moment" dans le monde de la petite balle jaune. Mais l’héritier du Big 4 va rapidement se rendre compte que l’Espagnol n’est pas prêt à lui laisser aussi facilement sa couronne.

Alors qu’il mène 6-2, 7-6, le Russe se procure trois balles de break à 3-2. Toutes sauvées par le Taureau de Manacor, qui renverse ensuite la tendance pour s’offrir un 21e Grand Chelem et dépasser Federer en tant que recordman de titres en majeur.

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Une défaite loin d’être anodine pour Medvedev. Désabusé en conférence de presse post finale, le Russe y allait d’une confession. "Je vais essayer de faire court, mais je vais vous raconter une histoire. C’est l’histoire d’un jeune gamin qui rêvait de faire de grandes choses dans le tennis. Quand j’ai pris une raquette pour la première fois, j’avais six ans. Le temps passe vite. Quand j’avais 12 ans, je jouais des petits tournois russes, et je regardais les Grands Chelems à la télé bien sûr, avec les grandes stars qui jouaient, soutenues par les fans. Vous rêvez d’en faire partie". Avant de poursuivre. "Je vais juste vous donner un petit exemple. Avant que Rafa ne serve dans le 5e set, s’il y avait une personne qui criait 'Allez Daniil', ensuite un millier d’autres faisait 'Tsss'. C’est décevant et irrespectueux. Je ne suis pas sûr que je voudrai jouer au tennis à 30 ans passés. Le gosse qui rêvait en moi n’existe plus aujourd’hui. Ce sera plus dur de continuer le tennis dans ces conditions".

Le Russe est clair : le manque d’amour et de soutien du public l’a plus marqué que sa cruelle défaite en cinq sets. "Quand j’ai commencé à être un petit peu mieux classé, top 20, top 30, j’ai commencé à jouer Roger, Novak, Rafa. Nous avons eu des matches durs, mais je ne les avais pas encore battus à l’époque. Et je me souviens qu’on parlait beaucoup de la jeune génération qui devrait faire mieux. Des gens disaient qu’ils voulaient vraiment que la jeune génération aille chercher le Big 3, qu’elle s’améliore, soit plus forte. Ça m’a motivé, je me suis dit : 'Oui, rendons-leur la vie difficile.' Mais j’ai l’impression que ces gens mentaient, parce qu’à chaque fois que je suis rentré sur le court dans ces grands matches, je n’ai pas vu grand monde qui voulait que je gagne".

Avant d’assurer que cette finale perdue est un tournant dans sa carrière. "A partir de maintenant, je joue pour moi, pour ma famille, pour l’aider financièrement, pour les gens qui me font confiance et bien sûr pour les Russes qui me soutiennent beaucoup. S’il y a un tournoi sur dur à Moscou, avant Roland-Garros ou Wimbledon, j’irai même si je dois manquer Wimbledon ou Roland-Garros".

Souvent critiqué pour son caractère bien trempé sur le court, parfois même borderline avec le public, Medvedev estimait alors que son manque de popularité était également dû à sa nationalité. "Je pense que la nationalité joue. Pendant un certain temps, le tennis russe était un petit peu dans un creux. Il y a beaucoup plus de buzz autour du tennis en Russie désormais avec Andrey Rublev, Karen Khachanov, Aslan Karatsev et moi qui faisons de grandes choses. C’est super. On espère que plus de gens nous soutiendront. Mais oui, quand on joue quelqu’un d’un autre pays, je constate vraiment que les gens le préfèrent ou quelque chose comme ça."

Une déclaration presque prémonitoire, faite quelques semaines avant le début de l’invasion russe en Ukraine. Et qu’on le veuille ou non, le fait d’être Russe a marqué un tournant dans la suite de la saison du natif de Moscou.

Finale 2022 : Rafael Nadal - Daniil Medvedev

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La guerre en Ukraine : un obstacle de plus pour Medvedev

Comme il l’a expliqué en finale de l’Australian Open, le joueur de 26 ans aime son pays. L’invasion de sa nation en Ukraine et le début de la guerre ne l’ont donc pas laissé insensible, comme il l’a expliqué sur Instagram quelques jours après le début des offensives. Tout juste numéro un mondial, sa prise de parole était d’ailleurs très attendue. "Vous souvenez-vous de ce que j’ai dit après la finale de l’Open d’Australie ? Il était question de moi, de mes rêves d’enfant. Je veux parler au nom de tous les enfants du monde. Ils ont tous des rêves, leur vie commence à peine, tellement de belles expériences sont à venir : les premiers amis, les premières émotions. Tout ce qu’ils ressentent ou voient, ce sera pour la première fois. C’est pourquoi je veux demander la paix dans le monde, la paix entre les pays. Les enfants naissent avec confiance, ils croient en tout : les gens, l’amour, la sécurité et la justice, en leurs chances dans la vie. Soyons unis et montrons-leur qu’ils ont raison. Aucun enfant ne devrait s’arrêter de rêver."

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L’ATP a alors rapidement pris une sanction en empêchant les joueurs russes de défendre leurs couleurs dans les tournois officiels, les obligeant donc à jouer sous une bannière neutre. Une décision qui peut paraître anodine mais qui a certainement affecté le joueur.

Mais la grosse sanction est tombée durant l’été et l’interdiction pour ces mêmes athlètes de défendre leurs chances à Wimbledon. Un Grand Chelem attendu par Medvedev après une tournée sur terre battue en dents de scie mais explicable tant la surface fétiche de Nadal est loin d’être sa tasse de thé.

Medvedev a donc vu à la télévision comment Djokovic venait à bout d’un surprenant Nick Kyrgios en finale pour, lui aussi, atteindre les 21 victoires en Grand Chelem. Un majeur qui aurait certainement convenu au Russe, désireux de laisser derrière lui cette douloureuse défaite en Australie quelques mois plus tôt.

Une année riche en émotions

Medvedev tentera de retrouver son niveau en 2023.
Medvedev tentera de retrouver son niveau en 2023. © AFP

Alors qu’on pensait voir un Russe mort de faim après Wimbledon, il confirme cette hypothèse emporte l’ATP 250 de Cabo San Lucas avant d’enchaîner sur une fin de saison irrégulière. S’il remporte également le tournoi de Vienne, il subit trois défaites au premier tour (Masters 1000 du Canada et de Bercy ainsi que le Moselle Open). Concernant ses deux derniers gros rendez-vous de 2022, il échoue contre Kyrgios en huitièmes de finale de l’US Open avant de perdre ses trois matches au Masters de fin d’année. La particularité ? Trois défaites subies au tie-break du troisième set, prouvant donc que le Russe manquait de fraîcheur mentale. Il termine alors sa saison sur 45 victoires et 19 défaites, soit une moyenne honorable de 70,3%. Honorable pour n’importe quel joueur, insuffisante pour un numéro un mondial.

Et pourtant, 2022 n’a pas été une année totalement noire pour le vainqueur de l’US Open 2021 puisqu’il est devenu père pour la première fois en octobre dernier.

Qu’attendre en 2023 ?

En 2023, Medvedev compte bien laisser cette année difficile derrière lui. S’il a entamé sa saison par une défaite en demi-finale face à Djokovic à Adelaide, il a surtout déçu lors du premier Majeur de l’année en s’inclinant au 3e tour seulement face au jeune Sebastian Korda en trois petits sets. Une défaite lourde de conséquences puisque l’ancien numéro un mondial quittera le top 10 dès la fin de l’Australian Open. Un top 10 qu’il avait rejoint en juillet 2019 et qu’il n’avait jamais quitté depuis.

Et au final, si c’était un mal pour un bien ? Longtemps sous le feu des projecteurs après avoir réussi à mettre fin à un règne historique et considéré comme le plus prometteur et solide d’une Next Gen tant attendue, le Russe réussira-t-il à retrouver un rythme de croisière dans une certaine forme "d’anonymat" et dans un rôle d’outsider plutôt que de favori ? Si son nouveau classement ne l’aidera certainement pas à avoir des tirages abordables, nul doute de la capacité du géant à faire mal à n’importe quel joueur du circuit. Pour cela, il faut qu’il retrouve sa solidité tennistique et surotut mentale qui l’a mené au sommet ces derniers temps.

En manque de confiance, Medvedev doit cependant se dire que 2023 pourrait être le début d'une nouvelle ère au sein de la planète tennis. Après la retraite de Federer, le début de saison inquiétant de Nadal et l'âge avancé de Djokovic, qui de mieux que lui pour incarner ce passage de témoin ? Carlos Alcaraz et les autres jeunes pousses du circuit sont prévenus... 

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