Coronavirus

Lutte contre le covid-19 en Belgique : pour Benoît Muylkens, virologue à l’UNamur, "on a construit une population robuste"

Benoît Muylkens en 2020 et le CODECO en février 2022

© BELGA

Par Kevin Dero sur base d'une interview de Sophie Brems

Il y a tout juste deux ans, on rentrait dans notre premier confinement. Il y a tout juste dix jours, la Belgique passait en code jaune sur son baromètre Covid, allégeant fortement les mesures sanitaires.

Benoît Muylkens est virologue et professeur à l’UNamur. Les autorités ont donc lâché beaucoup de lest depuis le début du mois de mars concernant les mesures sanitaires. Est-ce que cela se traduit dans les chiffres ? Est-on toujours dans le bon ? Le virologue était ce matin au micro de Sophie Brems.

Une situation gérable

"Oui, donc en Belgique, un peu comme attendu, on a un ralentissement, de l’amélioration de la situation. On est en train de stagner sur le nombre de nouvelles entrées à l’hôpital, (ndlr: on observe même une petite augmentation) avec des chiffres qui sont tout à fait gérables et un nombre total de patients hospitalisés et en soins intensifs qui restent bas, mais qui arrêtent de diminuer maintenant. Donc on n’est plus dans une diminution, mais on est arrivé vraiment au seuil tout à fait gérable". Une situation qui est compatible avec ce code qui est adopté aujourd’hui par le baromètre.

Une immunité se serait donc finalement construite ? "Une immunité et une stratégie vaccinale très réfléchie, très construites" explique Benoît Muylkens.

"Avec un pourcentage de population de plus de 80 ans vaccinés qui dépasse les 90 à 95%. Il y a des petites différences régionales, mais vraiment une population très à risque qui est très vaccinée et qui a été la première vaccinée qui a déjà reçu très largement ses trois doses".

Formes graves et publics à risque

"Pour les publics très à risque, la Belgique organise cette quatrième dose là où la réponse immunitaire était très faible sur les premières doses administrées, on essaye de maintenir cette protection et qui est au cœur de cette gestion des formes graves".

Population robuste

Une stratégie vaccinale qui aura donc payé "avec, il faut le reconnaître, un virus qui a quand même largement circulé dans la population plus active puisque nous n’avons plus jamais connu de lockdown très strict, nous n’avons pas adopté cette stratégie zéro Covid. On a autorisé une recirculation du virus gérable dans les limites du gérable. On a chaque fois donné un peu de lest, puis repris un peu de lest en fonction de la situation. Donc on a construit et par la vaccination et par la circulation à bas bruit du virus, une unité de population robuste".

 

Zéro covid, une stratégie bancale ?

La Chine, elle, est repassée en stratégie zéro Covid, entraînant dans son sillage le confinement de millions d’habitants

Comment expliquer cette situation ? En Chine, il n’y aurait pas d’immunité collective ? La stratégie ne serait pas la bonne ? Benoît Mulkens se montre prudent : "Je ne jugerai pas. J’utiliserai vraiment les deux éléments qui distinguent complètement ces contrées des nôtres". Et d’analyser la situation dans les quelques pays qui ont adopté une stratégie zéro Covid. "Il y a deux grands facteurs vaccinaux différents", explique le professeur. 

Tout d’abord "le fait que la population naturellement infectée est très faible. Donc, à chaque moindre alerte, on a vu des villes en Chine qui ont reproduit des lockdowns archi stricts qu’on a connus uniquement à une période et encore moins stricts que ceux en mars 2020, pendant six semaines. Eux, à la moindre alerte, ils ont reconfiné des millions de personnes dans les quelques villes où il y a eu un tout petit bruit de circulation pendant ces deux années. Donc une immunité naturelle qui n’est pas là, quasi nulle et une stratégie de vaccination très différente de la nôtre qui découle de cette stratégie-là. Le type de vaccin utilisé était différent, ce sont des vaccins inactivés qui ont été utilisés, qui induisent une moins bonne immunité cellulaire. Donc il y a déjà un volet de la réponse immunitaire qui n’est pas stimulé par ce type de vaccin".

La spécificité d’Hong Kong

Le deuxième facteur vaccinal différent, c’est que "l’adhésion de la population a été moins forte que chez nous, notamment à Hong Kong". "Si on regarde les chiffres, seuls 35% des personnes de plus de 80 ans sont vaccinées. Et dans les maisons de repos, on atteint même uniquement un seuil de 15% à la mi-février, au moment où le virus a fortement touché Hong Kong. On a alors un virus qui arrive dans une population où les portes sont beaucoup plus ouvertes et les populations très à risque n’ont pas été protégées parce qu’on espérait pouvoir juguler ce virus en adoptant cette stratégie zéro Covid. Mais le virus a évolué, il est devenu beaucoup plus contagieux".

Et voilà donc ce qui est en train de se passer à Hong Kong pour le professeur de l’UNamur : "On est passé à la moitié de la population vient de subir l’infection, dont plus de 4,5 millions d’infections ici en quelques semaines, sur les 8 à 9 millions de résidents hongkongais. Et, un virus qui a largement touché ces personnes très à risque en provoquant de nombreuses mortalités".

Un confinement strict inenvisageable en Belgique ?

"A l’heure actuelle, on ne doit pas du tout y penser" pense le virologue. "Avec les souches virales que nous connaissons aujourd’hui sur le globe, on n’aura pas à faire ça. Mais eux devront le faire. Vous avez peut-être entendu qu’en Chine, la ville de Shenzhen, 17 millions d’habitants, quasi deux fois la Belgique, doit reconfiner de manière très stricte avec une circulation qui n’est pas énorme. Il y a bien moins de cas qu’en Belgique aujourd’hui à Shenzhen, mais ils sont obligés de passer par ce reconfinement très strict parce que la stratégie qui a été adoptée représente aujourd’hui, avec une circulation à bas bruit, un très grand risque de créer une très vaste épidémie qui a toutes les portes ouvertes devant elle".

 

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