Agriculture

L’Union européenne "enfermée" dans une culture des pesticides, selon l’ONG Foodwatch

© Getty images

Par Belga, édité par Marie-Laure Mathot

L’Union européenne souffre d’un "syndrome de l’enfermement" vis-à-vis des pesticides, dénonce jeudi Foodwatch à l’occasion de la sortie de son nouveau rapport, "Locked-in pesticides". Dans les 120 pages de ce document, l’ONG pointe la relation problématique de l’Europe avec les pesticides chimiques et propose des solutions pour une agriculture européenne sans pesticides d’ici 2035.

"Il y a trois points fondamentaux à comprendre", explique Lars Neumeister, expert indépendant en pesticides et auteur du rapport. "Notre système agricole est dans une situation de verrouillage, cet état est en grande partie lié à l’utilisation de pesticides et nous avons toutes les solutions pour nous en sortir."

Taxes d’un côté, subventions de l’autre

"La première étape pour nous échapper de cette spirale est que les politiciens acceptent le fait que nous sommes accros aux pesticides et qu’il s’agit là d’un problème systémique", affirme Matthias Wolfshmidt, directeur stratégique de Foodwatch international. "Il est possible et absolument réaliste de créer une agriculture européenne sans pesticides d’ici 2035, si les décisions politiques nécessaires sont prises. Cela passe par trois étapes : d’abord, l’implémentation de taxes sur les pesticides en fonction de leur toxicité. Ensuite, une réforme des processus d’autorisation qui permettent, à l’heure actuelle, à presque toutes les demandes d’autorisation de pesticides d’être acceptées. Et enfin, il faut des subventions de l’UE pour l’arrêt de l’utilisation des pesticides et la création de revenus agricoles indépendants. Afin qu’il soit économiquement intéressant pour les agriculteurs de sortir du piège des pesticides."

Concurrence et surproduction

Selon Foodwatch, la concurrence qui oppose des millions d’agriculteurs à l’échelle mondiale, ainsi que l’addiction de l’Europe à la surproduction et à l’exportation sont les facteurs principaux de ce verrouillage du système. L’agriculture industrielle est ainsi souvent perçue comme un "mal nécessaire" afin de disposer de grandes quantités de produits alimentaires abordables "pour une population croissante". De plus, l’ONG précise que les instances politiques ont tendance à agir uniquement lorsqu’il y a urgence, ce qui a entraîné la mise en place de législations parcellaires et peu cohérentes là où une sortie de ce système nécessite une planification globale.

Des milliards d’euros de coûts

Les pesticides ont de surcroît un coût réel extrêmement élevé, pointe encore le rapport. Malgré le manque de données chiffrées, Foodwatch estime que les coûts externes se comptent en milliards d’euros chaque année dans l’UE alors que les investissements visant à éviter ou réduire l’emploi de pesticides sont très faibles. À titre d’exemple, Eau France, le service public français d’information sur l’eau, a calculé que la dépollution des eaux souterraines coûterait jusqu’à 105 milliards d’euros juste pour les pesticides.

Manque d’ambition

Dans sa stratégie "De la ferme à la table", la Commission européenne a pour la première fois fixé des objectifs de réduction des pesticides de 50% d’ici 2030, mais ceux-ci sont loin d’être assez ambitieux, déplore Foodwatch. De plus, nombre de solutions proposées ne sont pas adaptées aux exploitations agricoles et l’indicateur pour mesurer le succès est trompeur, selon l’ONG. Celle-ci rappelle également que les politiques européennes en matière de réduction de pesticides ont jusqu’ici échoué puisque l’emploi d’herbicides et l’intensité de leur utilisation a même augmenté depuis les années 1990.

"La 'bonne nouvelle', c’est qu’il s’agit là d’un problème créé par l’humain et non d’une fatalité, nous pouvons donc le résoudre", conclut Lars Neumeister. "Il est pour cela nécessaire d’impliquer davantage citoyens et de moins prendre en compte les lobbies."

"Ce rapport est un point de départ et un appel à l’Union européenne : les pesticides doivent devenir notre tout dernier recours", ajoute Matthias Wolfshmidt. "Ce changement doit être fait, et ce, le plus vite possible. C’est donc un moyen d’ouvrir le débat."

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous