Vous avez participé à une formation en écriture à La Cambre qui vous a aidé à rédiger Rien que le soleil. Pouvez-vous nous parler de la genèse de cette histoire et de son évolution ?
"C’est parti d’une envie d’écrire sur la banlieue, j’ai moi-même été enseignante en banlieue parisienne et c’est un lieu qui me semblait cristalliser pas mal de choses intéressantes, de questions actuelles. Dans mon roman, il y a une scène d’un bus qui brûle, le roman est parti de là et au début j’imaginais un policier, une enquête. Rien à voir du tout avec la version finale de Rien que le soleil. Il y avait certains personnages qui étaient là, mais l’atelier m’a beaucoup aidé dans la construction, notamment pour faire sauter les jalons de base. C’était nécessaire, car je passais complètement à côté de ce qu’était vraiment mon histoire, à savoir le fil du désir de ma narratrice."
Il y avait certains points tendus qui m’ont beaucoup questionné et me questionnent encore aujourd’hui.
Les personnages féminins qui ne sont pas caricaturaux sont finalement assez rares. Surtout quand il s’agit de désir. Vous racontez tout de l’intimité de Norah. Éviter les stéréotypes, c’était conscient au moment d’écrire ?
"Je voulais entrer dans la conscience de mon personnage, l’accompagner. Elle a ses règles, elle a des désirs pour certaines personnes qui n’en ont pas pour elle, etc. C’était important de faire entrer toutes ces choses dans son inconscience et de l’exposer aux lecteurs et lectrices. Je voulais imaginer un personnage actuel. Et puis, il y avait aussi l’idée de parler du désir d’une femme : quel est-il ? À quel point peut-il être trouble ? Norah n’est pas toujours sympathique, souvent impuissante. Je voulais qu’elle soit complexe et vivante."
Vous avez l’impression d’avoir été souvent confrontée à ce genre de personnage dans vos lectures personnelles ?
"La littérature reste fortement basée sur le point de vue des hommes. J’imagine qu’il existe de plus en plus de personnages féminins complexes, mais c’est vrai qu’on commence seulement à avoir accès, dans la fiction, à l’intimité des femmes au-delà des stéréotypes. Le premier désir de Norah, c’est Sofiane. Mais il ne fait qu’élargir son envie de découvrir d’autres hommes et d’autres femmes. Après, il y avait aussi la complexité de parler du désir d’une femme attirée par quelqu’un qui ne lui ressemble pas. Il est beaucoup plus jeune. Norah est blanche, lui est d'origine algérienne. Il y avait certains points tendus qui m’ont beaucoup questionné et me questionnent encore aujourd’hui."
En toute transparence : j’ai eu un peu peur en lisant la quatrième de couverture de me retrouver face à une histoire pleine de stéréotypes. Vous aviez peur de ça aussi ?
"On touche à des questions brûlantes, en effet. C’était important d’aborder cette histoire du point de vue d’une femme, on n’est jamais dans la tête de Sofiane. Ça m’a permis d’entrer en banlieue et de parler de certaines choses uniquement sous son prisme à elle. En faisant du désir une notion souple et complexe, ça évitait une quelconque frontalité. Reste que ça questionne la figure du jeune de banlieue. Son fantasme envers Sofiane est aussi problématique et influencé par un tas de constructions sociales. Son amie lui fait remarquer à un moment que certains corps sont plus sexualisés que d’autres, que ça l’influence et que ça ne va pas."
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