Si d’aventure vous vous baladez à Montreux (en Suisse, ndlr), dirigez-vous vers le parc Vernerx, à deux pas du Montreux Palace. En lisière du parterre fleuri qui borde en contrebas l’auditorium Stravinsky, vous tomberez nez à nez avec le buste de Richard Strauss. C’est un bronze du sculpteur romand Bernard Bavaud qui a été inauguré en mai 2013. La perle du Léman accueille ainsi dans son parc de sculptures une des personnalités qui a marqué la ville de son génie. En effet Richard Strauss a vécu pendant deux ans à Montreux, de septembre 1947 à mai 1949. Il occupait deux chambres dans l’aile ouest du Montreux Palace. La vue somptueuse sur les rives du lac face aux Alpes lui a inspiré plusieurs partitions d’une beauté à couper le souffle. Ces œuvres sont souvent considérées comme son chant du cygne.
À l’automne 1947, Richard Strauss et sa femme Pauline posent leurs valises au Palace de Montreux. Cela fait deux ans qu’ils ont quitté l’Allemagne dévastée et qu’ils voyagent de ville en ville, d’hôtel en hôtel, à la recherche d’un havre de paix et de tranquillité. La vie en Allemagne leur est devenue impossible. Depuis que la guerre est finie, le compositeur craint de devenir la cible du tribunal antinazi. Les fonctions qu’il a occupé sous le régime d’Hitler font de lui un coupable idéal. S’il reste dans son pays, il devra se soumettre à d’innombrables interrogatoires et risque de devenir persona non grata. Strauss se sent trop âgé pour affronter ces épreuves et ne veut pas revivre les vexations qu’il a connu avant la guerre. Au crépuscule de sa carrière, il aspire à la tranquillité et au calme. Très vite, il réalise que la Suisse lui offre cet espace de liberté et ce havre de paix qu’il recherche avidement, d’autant plus que ce petit pays connaît une belle ascension culturelle grâce notamment à la présence de nombreux collègues allemands – musiciens, chanteurs, chefs d’orchestre, acteurs, metteurs en scène – qui s’y sont installés. Strauss connaît bien la Suisse pour y avoir séjourné régulièrement, tant pour des cures thermales que pour son activité de chef d’orchestre. Aussi, lorsque le 11 octobre 1945 il peut enfin quitter l’Allemagne, c’est tout naturellement vers la Suisse qu’il décide de s’exiler.