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Logements sociaux : " Vingt mille logements sociaux pour les Bruxellois sont prévus d’ici 2024"

Le manque de logements sociaux est de plus en plus criant à Bruxelles. Stéphanie Lepage a interrogé Nawal Ben Hamou, la secrétaire d’Etat en charge du logement à la Région Bruxelles-Capitale. Dans cette séquence "Droit de Suite" de Matin Première, elles font le point sur la situation et analysent ce qui est mis en œuvre par le gouvernement bruxellois.

 

 

 

 

Le cadastre révélait en 2014 que quarante-quatre mille ménages sont sur liste d’attente à Bruxelles. Cela représente près de cent dix mille personnes, soit 10% de la population de la capitale. De plus, sur les trente-neuf mille logements sociaux établis actuellement, une grande partie nécessite des travaux de rénovation. Il faut dire que la durabilité n’était pas un critère essentiel des entreprises de construction.

Mais comment a-t-on pu arriver à un tel retard dans la production de logements sociaux à Bruxelles ? La problématique n’est pas neuve, la production de ce type de logement a débuté après la première guerre mondiale, au début du 20e siècle.


 

L’évolution des logements sociaux à Bruxelles depuis un siècle

Le développement industriel entraîne une augmentation rapide de la population à la fin du 19e siècle. Entre 1880 et 1920, la population bruxelloise va presque doubler et c’est au début du 20e siècle que naissent les premières sociétés publiques de logements sociaux. Le premier boum survient dans les années 20, après la première guerre mondiale. C’est la période des "cités-jardins". Il s’agit d’une structure urbanistique composée d’une densité d’habitation faible et prend à Bruxelles la forme d’une banlieue résidentielle, comme Le Logis floréal à Watermael-Boitsfort ou la Cité Moderne à Berchem-Sainte-Agathe.
Mais les besoins restent importants et c’est dans les années 50 qu’apparaît une nouvelle vision urbanistique : le modernisme et ses tours de logement dont les premières sortent de terre.

Des constructions en hauteur et avec des qualités de matériaux bon marché. Plus de la moitié des logements sociaux à Bruxelles sont édifiés sous forme de tours qui vont mal vieillir.

Dans les années 90, la construction de logements sociaux chute. Mais les besoins continuent de s’accumuler et c’est là que le cadastre annonce en 2014 que près de quarante-quatre mille ménages sont sur liste d’attente à Bruxelles.

Une situation qui empire

Aujourd’hui, on dénombre quarante-neuf mille ménages sur la liste d’attente à Bruxelles. Les délais d’attente peuvent s’étendre jusqu’à dix ou quinze ans, au point que certaines familles ne s’inscriraient même plus, découragées par les délais.
Anne Bauwelinckx, chargée d’analyse au "Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat", précise à quel point la situation est de plus en plus tendue sur le marché privé :

Les loyers augmentent plus que l’indexation des revenus des Bruxellois. En quinze ans, les loyers ont augmenté de 20% hors indexation. La moitié des locataires doivent consacrer plus de 40% de leur revenu au loyer au lieu de 30% maximum dans une situation idéale.


Anne Bauwelinckx ajoute que pour les ménages les plus modestes, le logement public et social doit justement être l’alternative à ce marché privé tendu, mais vu les délais rencontrés, cela n’est pas une solution.

Faire aboutir les plans logements précédents

Les plans logements se sont succédé ces vingt dernières années. En 2005, le plan promettait trois mille cinq cents nouveaux logements sociaux. Un second en 2013 en prévoyait trois mille de plus. Plus de quinze ans après, seules mille sept cents ont été terminés, soit moins d’un tiers des deux plans cumulés. La secrétaire d’Etat bruxelloise (PS) en charge du logement, Nawal Ben Hamou en poste depuis 2019, a déposé en janvier dernier son plan d’urgence logement (NDLR : le plan est disponible en français à cette adresse) : "Les plans de mes prédécesseurs étaient des projets de construction de logements sociaux. Celui-ci ne lance pas de nouvelles constructions. Ma mission aujourd’hui est d’améliorer et de faire aboutir les plans précédents en utilisant de nouvelles méthodes. Mais pour augmenter significativement le parc de logements sociaux, il faut acheter massivement. Depuis fin janvier, huit cents logements privés nous ont été soumis."


Quatre communes dépassent le seuil de 10% de logement social sur son territoire (Anderlecht, Evere, Ganshoren et Watermael-Boitsfort). A l’inverse, dix communes sont en deçà des 6% (Auderghem, Etterbeek, Forest, Jette, Ixelles, Koekelberg, Saint-Gilles, Schaerbeek, Uccle, Woluwe-Saint-Pierre). Les communes sont assez disparates sur le sujet, mais malgré tout, la secrétaire d’Etat ne voit pas d’un bon œil d’éventuelles sanctions financières contre les mauvais élèves comme il en existe en Wallonie et en Flandre :" J’ai été à la rencontre des échevins et bourgmestre dans chacune des dix-neuf communes pour trouver un accord sur les projets déjà prévu sur leur terrain communal respectif. Je prône donc la concertation. Mais par contre, c’est vrai que les charges d’urbanisme sont aujourd’hui exclusivement consacrées à la construction des logements à finalité sociale dans les communes."

L’accord de gouvernement bruxellois sur les terrains publics est insuffisant

L’accord de majorité pour la constitution du gouvernement bruxellois prévoit un quota de 50% de logements à finalité sociale pour tout nouveau quartier entrepris sur des terrains publics régionaux.
Pour Anne Bauwelinckx, chargée d’analyse au "Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat", c’est trop peu :

Vu la raréfaction du foncier public, cela devrait être 100% du logement public sur des terrains publics. Néanmoins le quota est utile puisqu’il n’existait pas avant, même s’il devrait être relevé.

Un quota que la secrétaire d’Etat juge également insuffisant.

 

36 mille logements sociaux à rénover sur 39 mille

"Lors des dernières négociations budgétaires, j’ai obtenu une enveloppe budgétaire de 550 millions d’euros pour rénover trente-six mille logements sociaux, détaille Nawal Ben Hamou. Le locataire du logement social est l’oublié du climat car il paie parfois beaucoup plus en charge qu’en loyer. C’est énorme mais dans rénovation il faut comprendre tout type de rénovation, grande ou petite, ainsi que les interventions techniques. On a aussi également baissé les délais d’urbanisme pour tous les projets qui incluent minimum 25% de logements sociaux."

La secrétaire d’Etat annonce des objectifs chiffrés en espérant apporter une solution à vingt mille Bruxellois d’ici la fin de sa législature en 2024.

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