Liège

Liège, la ville qui se transforme

A Coronmeuse, le chantier "Rives ardentes" pousse comme un champignon.

© Maxime Dumoulin

Par Maxime Dumoulin

"Liège est un chantier", "Les travaux, c’est l’enfer", … Si la cité ardente est bardée de clôtures et rend la vie impossible à ses habitants, c’est aussi le signe d’une transformation d’ampleur. Nous avons pris le temps de faire le point sur quelques chantiers qui changeront la face de la ville.

Droixhe, tour Lille 4. C’est le plus haut édifice de ce quartier à l’image si connotée. Nous sommes sur le balcon de Fabien, au dernier étage. Cet habitant de la tour partage avec nous son imprenable vue sur Liège. "Et la nuit, c’est encore plus beau", nous glisse-t-il, rêveur.

A l’horizon, des grues

D’ici, on voit très clairement la ville évoluer. Un bon indicateur : les grues. Juste à nos pieds, on peut déjà en trouver. A Droixhe, une dizaine d’ouvriers et leurs machines aménagent le tram, bien entendu. Mais au-delà de ça, d’autres hommes finissent des bâtiments à appartements, des rénovations. Au cœur de ces transformations, la maison de repos "La Plaine".
"C’est le premier chantier mis en œuvre en infrastructures publiques à Droixhe", explique Patricia Noirhomme, chargée de projet à la Ville de Liège pour la requalification du quartier. "Ensuite nous avons fait construire 108 logements, toujours avec de l’argent public. Ces investissements répondaient non seulement à une demande, mais ont aussi servi de levier pour attirer les investisseurs publics. Il faut dire que la crise de 2008 et l’image négative du quartier n’étaient guère encourageants à l’époque. Aujourd’hui ces investissements portent leurs fruits".

Droixhe se réinvente et se modernise.
Droixhe se réinvente et se modernise. © Maxime Dumoulin

En effet, un immeuble de 75 logements vient d’être cédé à un acteur public, un terrain vient d’être vendu pour y développer de l’activité économique et un autre terrain est en cours de vente pour y construire 300 logements. Tout récemment, une école spécialisée a vu le jour au cœur du quartier.

Réinventer la cité administrative

Poursuivons notre tour d’horizon. Au loin, vers le sud-ouest, la tour de la cité administrative se rhabille. D’abord désossée, les Liégeois n’en voyaient plus que la structure béton/acier. Aujourd’hui, une annexe est apparue aux premiers étages, des nouveaux châssis sont installés, et ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Car cette rénovation a une grande ambition : se rapprocher le plus possible de la neutralité carbone. Comment ? "Les deux pignons de la tour seront recouverts de panneaux photovoltaïques" explique Bernard Deffet, l’un des architectes en charge de la rénovation. "Le système de chauffage et de refroidissement est aussi novateur. Nous utiliserons un système de géothermie. Quatre forages de 15 m de profondeur sont creusés sous le bâtiment. Ils permettent d’échanger les calories avec la nappe de la Meuse, qu’il fasse chaud ou froid".

Construction de la cité administrative en 1966.
Construction de la cité administrative en 1966. © Belga

Vu ces travaux pharaoniques, pourquoi ne pas avoir fait table rase de cette tour de 1963 ? Bernard Deffet est fier de ne pas en être arrivé là : "La cité appartient à la cité. C’est très facile de dire on rase et on recommence, mais il est beaucoup plus subtil de préserver et de voir comment en peut retisser un lien avec l’urbanité au sens large. Et je crois que c’est l’enjeu de la nouvelle cité administrative".

Cette reconversion aura couté 38 millions d'euros dont 27 provenant du fonds européen de développement régional. Le futur cité administrative sera opérationnelle dès le printemps 2023.

Tram – Boulot – Ecoquartier

Du haut du vieux gratte-ciel, on aperçoit la gare des Guillemins. Là encore, des grues. Et pour cause, sur la grande esplanade, un concept innovant voit le jour : "Paradis Express", un ensemble de sept îlots dont deux sont dédiés à des bureaux (21.000m² déjà loués par Beffimo). Quatre de ces structures sont dédiées à du résidentiel (115 appartements loués par Matexi). Le dernier îlot appartient à Yust, un hôtel orienté coliving. "C’est un projet innovant par son architecture. Nous sommes en BREEAM "Excellent" (méthode d’évaluation de la performance environnementale des bâtiments ndlr.) au niveau des bureaux et en passif au niveau du résidentiel", nous dit fièrement Régis Hortmans, directeur régional chez Matexi.

7 îlots vont composer l’écoquartier "Paradis Express".
7 îlots vont composer l’écoquartier "Paradis Express". © Maxime Dumoulin

L’ensemble base sa philosophie sur la mobilité, de par sa proximité avec la gare des trains, des bus et de son futur arrêt de tram. Mais combien coûte cette petite folie ? Entre 180.000€ et 450.000€ en valeur absolue sur des appartements de 50 à 120m². Le concept semble plaire. 40% des appartements sont déjà vendus sur les deux premières résidences.

A terme, il s’agira d’une ville dans la ville

Ce concept d’écoquartier n’est évidemment pas unique, et sur l’ancien site du hall des foires à Coronmeuse, on verra bientôt ce que ce genre d’infrastructures peut vouloir dire à très grande échelle. Là-bas, un géant sort de terre sur 25 hectares. L’objectif : construire 1325 logements écologiques (200.000m² de bâtiments).

A Coronmeuse, les deux premiers immeubles de Rives Ardentes sortent de terre.
A Coronmeuse, les deux premiers immeubles de Rives Ardentes sortent de terre. © Maxime Dumoulin

En route depuis plusieurs mois, les travaux deviennent très concrets. Les travaux d’impétrant se terminent et les bâtiments commencent à s’élever. Les deux premiers buildings ont leurs parkings souterrains, et l’un d’eux est déjà recouvert d’un premier niveau. La dépollution du site est également en cours. En août 2022, la construction de maisons et d’autres immeubles à appartements commencera.

C'est pensé en écoquartier avec de la chaleur qui vient de l'incinérateur Intradel.

En tout, près de quinze cent logements seront construit ici. Ils feront partie d'un quartier novateur. "A terme, il s’agira d’une ville dans la ville, avec 80% de l’espace réservés au public, des logements, des bureaux, une maison de repos, un hôtel, des commerces, une crèche, une école", nous montre, plan à la main, Valérie Loriaux, project manager pour le consortium Neo Legia. Et d'ajouter : "C'est pensé en écoquartier. C'est un site à mobilité douce. Au niveau du chauffage des bâtiments et de l'eau chaude sanitaire, c'est un réseau de chaleur, avec de la chaleur qui vient de l'incinérateur Intradel".  L’ancienne patinoire sera également rénovée pour devenir un "grand palais" qui accueillera un marché bio et un hall omnisports dans le volume principal. Pour l'heure, les premiers permis déposés concernent le contour de la darse, cette avancée de la Meuse dans le quartier. Ces premiers travaux devraient se clôturer fin 2022.

 

Gentrification en vue ?

Face à ces chantiers, une question se pose : comment ces nouveaux logements par centaines vont-ils impacter la valeur de l’immobilier aux alentours ? A l’Hôtel de Ville, la première échevine, Christine Defraigne nous répond : "La ville doit proposer des logements de qualités. Nous sommes exigeants en termes de tailles et de performances énergétiques. Alors oui, les prix augmentent, c’est la tendance partout, mais je pense que Liège reste intéressante par rapport à d’autres grandes villes". Et l’échevine de rappeler : "Nous avons une politique de logements sociaux active et une politique de décotes de prix pour permettre l’accès aux logements pour les personnes vulnérables ou moins aisées".

C’est un cauchemar

La première échevine de Liège entend les critiques.
La première échevine de Liège entend les critiques. © Tous droits réservés

Enfin, nous l’avons vu, de nombreux chantiers sont en cours. A cela s’ajoute le tram et ses nombreux mois de travaux passés et à venir (mise en service annoncée par le ministre Henry pour avril 2024). "Le timing de ces chantiers tous azimuts n’est pas un parti pris. Pour les logements, ils n’empiètent pas trop sur l’espace public. Mais pour le tram, je rappelle que la Région Wallonne et l’OTW, l’opérateur de transport, sont responsables. Nous sommes très mécontents des méthodes de l’adjudicataire du chantier (Tram’Ardent) qui devait travailler par tronçons".

Cela étant dit, les dizaines de commerçants n’en peuvent plus des rues fermées, des trottoirs éventrés, des nuisances sonores. Et que dire des citoyens. "C’est un cauchemar pour tout le monde, mais je sais que les Liégeois sont résilients et pourront redresser la tête, c’est mon souhait le plus cher, le moment n’est pas simple, mais je sais que nous en récolterons les fruits dans quelques années".

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