L’humiliation est partout dans nos vies. Elle offense, ridiculise, avilit, envenime la violence et l’injustice, et génère le ressentiment. L’humiliation fait taire le sujet parlant, ruine la confiance, l’estime et le respect de soi. Et pourtant, nous y sommes le plus souvent insensibles et nous restons muets. Pourquoi ne pas essayer de mettre en oeuvre une société moins humiliante ? On en parle avec le philosophe Olivier Abel.
L’humiliation est le nouveau poison de notre société, écrit Olivier Abel. Elle nous touche à toutes les étapes de notre vie, dès les premiers jours, déjà en crèche ou à l’école, jusqu’à la fin de la vie, comme on le voit dans les Ehpad. Cela touche tous les registres, depuis les registres les plus intimes, ceux qui viennent de l’enfance, jusqu’au rôle de l’humiliation dans l’histoire des peuples, l’histoire des vaincus et des vainqueurs.
"L’humiliation a un effet gigantesque dans l’Histoire du 20e siècle par exemple, et cela continue aujourd’hui. On pourrait analyser les grandes évolutions des sociétés contemporaines à travers ce thème, extrêmement actif, extrêmement souterrain. Parce que justement, on parle des injustices, de la violence, mais pas tellement de l’humiliation, parce que cela fait taire. On ne veut pas en parler, personne ne se vante d’avoir été humilié. Et pourtant c’est une réalité très profonde."
L’humiliation aujourd’hui ne consiste plus à faire de l’autre son domestique, mais à faire de l’autre un être exclu et jeté comme superflu, non essentiel, dont la parole n’a pas de crédit ni de sens. Ce sentiment d’exclusion prépare de nouvelles barbaries.