Vers une évolution ?
La musique en général, et le rap ne font pas exception, c’est le reflet de la société. Et si les luttes contre l’homophobie ont émergé et que les luttes contre les discriminations sont de plus en plus importantes en faveur d’un changement de société, la musique ne passe pas à côté de ces changements à l’œuvre.
De manière générale, on sent une impulsion venue, notamment des Etats-Unis, où plusieurs artistes dénoncent aujourd’hui l’homophobie dans le rap. Et même si le hip-hop est loin d’en avoir fini avec l’homophobie et le culte de la masculinité toxique, on peut noter certaines évolutions positives.
Un des premiers à parler d’un climat homophobe dans le game, c’est Kanye West en 2005, un artiste ayant ,lui aussi, utilisé des propos pas vraiment gay friendly. Dans une interview à MTV, il déclarait à l’époque : "tout le monde dans le hip-hop discrimine les personnes gays. Il faut dire à mes rappeurs, à mes amis : Arrêtez ! C’est de la discrimination".
C’est le cas aussi d’Eminem dont les lyrics sont sans cesse empruntes de termes comme "faggot" (pédé en anglais). Au début des années 2000, il avait été accusé d’homophobie, notamment pour ses sons "Criminal" et "Kill you". Le rappeur expliquait dans une interview à Rolling Stone que ces mots employés ne sont pas homophobes mais de simples expressions. Il affiche aujourd’hui une solide amitié avec l’icône gay britannique Elton John et s’est prononcé en faveur du mariage homosexuel aux Etats-Unis.
Même le baron Jay-Z assume aujourd’hui des positions contre l’homophobie, alors qu’on ne peut pas dire que c’était autrefois le plus véhément en la matière. Il parle notamment dans son son "Smile" de l’homosexualité de sa mère et de ses difficultés à avoir vécu une vie en devant se cacher.
Aujourd’hui, on parle également d’un mouvement de "rap queer". Plusieurs artistes revendiquent leur homosexualité. C’est le cas, encore emblématique, de Lil Nas X, nommé plusieurs fois aux Grammy Awards, et qui au travers de sa musique et de ses clips revendique son homosexualité. Il avait d’ailleurs déclaré à la BBC, "j’ai l’impression d’ouvrir des portes pour d’autres". On peut également citer le poids lourd Franck Ocean (Odd Future) qui a fait son coming out dans un texte publié sur son blog, juste avant la sortie de son album solo Channel orange.
Côté francophone, les choses évoluent un peu plus lentement. Mais on peut noter Lala&ce, décrite comme "la sensation queer qui embrase le hip-hop" par le magazine Têtu. Pour cette artiste ouvertement lesbienne, la question de son orientation sexuelle semble ne même pas être une question. C’est ainsi et c’est tout. Et c’est tant mieux. Dans le son "Wet", elle met en évidence une histoire d’amour entre deux femmes noires.
Côté remise en question et prise de position on peut citer le cas emblématique d’Alkapote dont les textes et les propos homophobes sont légion. Son interview dans l’abcdr du son est restée dans les mémoires, dans laquelle il déclarait "je suis homophobe comme Véronique Genest est islamophobe". Une interview sur laquelle le journaliste spécialisé, Mehdi Maïzi, est revenu en expliquant que les choses ne se passeraient pas forcément comme ça aujourd’hui. Alkapote aussi semble avoir évolué en la matière. Il a d’ailleurs déclaré "de l’eau a coulé sous les ponts et qu’on évolue tous, comme les Pokémon". Le tout avant de nous lâcher une collab avec l’icône queer par excellence, Bilal Hassani, dans le son "Monarchie Absolue".
Finalement des exemples, il y en a plusieurs. Mais ils sont suffisamment rares pour être notables, un peu comme quand Elisabeth Borne est nommée Première ministre en France et que c’est tellement rare que c’est un fait d’actualité (ce n’est que la deuxième fois qu’une femme occupe ce post en France).
Ce qui nous fait dire que si les choses semblent évoluer positivement, l’acceptation des personnes LGBTQIA + dans le hip hop a encore du chemin à faire.