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"L’heure des femmes" : quand une émission radio donnait enfin la parole aux femmes

Le Mug d’ouverture

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Par RTBF La Première via

Dans un nouveau roman porté par la figure de Menie Grégoire, sa grand-mère, Adèle Bréau unit les destinées de femmes qui, malgré leurs différences, se tendent la main. Amour, maternité, droits, sororité… l’auteure explore sur cinq décennies les avancées, paradoxes et régressions de la condition féminine.

Entre 1967 et 1981, à 15h, les auditeurs et surtout les auditrices de RTL Radio pouvaient entendre Menie Grégoire recueillir à l’antenne les questions et tourments d’une génération de femmes tiraillées entre un conditionnement à devenir des épouses et des mères modèles et le grand vent d’émancipation qui soufflait alors sur la France. Contraception, avortement, violence conjugale, frigidité, éducation… aucun sujet n’était tabou pour Menie Grégoire, qui devint une véritable star, adulée par les unes et conspuée par les autres.

15h, c’est "l’heure des femmes", quand les enfants sont à l’école et les maris au travail. Le dernier roman d’Adèle Bréau, petite-fille de Menie Grégoire, nous balade sur cinq décennies, avec plusieurs portraits de femmes sur plusieurs générations, avec une mise en abîme, car la narratrice écrit un livre sur Ménie Grégoire.

Menie Grégoire en 1981/ L’heure des femmes, par Adèle Bréau, chez JC Lattès
Menie Grégoire en 1981/ L’heure des femmes, par Adèle Bréau, chez JC Lattès © Michel MAÏOFISS/Gamma-Rapho via Getty Images/ Editions JC Lattès

Des époques en miroir

Un livre qui raconte non seulement une histoire vraie, mais aussi une histoire familiale. "Le fil conducteur, c’est l’histoire de ma grand-mère, cette histoire incroyable d’une femme qui devient très célèbre du jour au lendemain, à la cinquantaine. Et puis il m’est apparu assez rapidement que je ne pouvais pas raconter cette histoire sans raconter celle des auditrices de l’émission, de l’impact que l’émission avait pu avoir sur elles. Ma grand-mère était d’un milieu bourgeois, elle habitait à Paris. Et l’émission, elle, s’adressait aussi et surtout aux femmes de la France entière."

Adèle Bréau a donc construit l’histoire de deux soeurs dont le destin va être bouleversé par l’écoute de l’émission. Elle s’est rendu compte que cette période faisait largement écho à la période actuelle, en termes de condition féminine qui est tantôt en progrès, tantôt en stagnation complète ou parfois plutôt en régression.

"La forme du roman m’a permis de mettre en avant une narratrice à notre époque, qui me permet par la fiction de mettre en miroir des époques, sans avoir à faire de longs discours ni même à porter un jugement, mais juste à montrer et à soulever des questionnements."

Un couvercle qu’on ouvre

Le succès fulgurant de l’émission de Menie Grégoire est la conjonction de plusieurs choses, et notamment d’une époque : 1967, c’est la date de la légalisation de la pilule en France. On se dit que c’est la libération sexuelle et qu’on est enfin débarrassé de tout le carcan, explique Adèle Bréau.

"Et puis finalement, quand on lit les courriers, on se rend compte de la réalité de la vie des femmes à l’époque. La pilule est légalisée, mais elle n’est pas remboursée, donc elle n’est pas accessible à tout le monde."

La pilule continue à faire peur. Et puis, il y a le qu’en-dira-t-on, la religion, etc.

Menie Grégoire arrive à ce moment-là et donne la parole aux auditrices.

"C’est alors comme un couvercle qu’on ouvre et toutes les questions qu’on n’osait pas se poser, même en famille, même entre amis, parce qu’il y avait le carcan du tabou, hyper pesant, surgissent comme d’un pot qu’on n’aurait jamais ouvert."

Menie Grégoire, sa voix, son empathie

Comment Menie arrivait-elle à gagner la confiance de toutes ces femmes ? "Elle faisait partie de ces personnes profondément humaines et empathiques, qui font qu’on se confie à elles sans même les connaître, parce qu’on sent une écoute et une totale absence de jugement", souligne Adèle Bréau.

Et puis il y avait évidemment sa voix. Une voix touchante, rassurante, qui a beaucoup contribué au succès de l’émission.

"Il y a cette espèce d’écoute et de confession par les ondes. Et à cette heure de l’après-midi où les hommes étaient au bureau, où les enfants dormaient et où il y avait cette espèce de gynécée de femmes qui se confiaient entre elles et qui se tendaient la main."

Les gens ne connaissaient pas son visage au début, mais rapidement, il y a eu une vedettisation des animateurs de la chaîne et elle est devenue très connue. Elle a vécu la totale célébrité, les paillettes, le showbiz, le Festival de Cannes,… en total grand écart avec l’univers sombre de ses émissions de l’après-midi, raconte Adèle Bréau.

"Elle s’était fait analyser avant l’émission, je pense que ça aussi, ça a beaucoup participé à son succès. Le fait de ne pas voir quelqu’un, et d’être comme allongé chez le psy, ça joue beaucoup. Et elle a repris, elle, l’analyse, pendant l’émission, parce que ça a été humainement compliqué pour elle aussi de vivre tout ça."

Un combat mené avec les hommes

Il y a beaucoup d’anecdotes vraies dans ce livre, de même que des lettres qu’Adèle Bréau, pour donner plus de véracité, a souhaité y insérer, choisies parmi les 100.000 lettres classées aux Archives. Elles montrent l’ignorance totale de beaucoup de femmes et de couples quant à leur corps, la contraception, leurs droits, et dévoilent parfois une solitude immense. Il y a aussi des lettres d’hommes qui se plaignent du bouleversement que l’émission a apporté dans leur couple et dans leur vie, et de femmes qui ne sont pas forcément contentes qu’on vienne bouger l’ordre établi.

Menie Grégoire n’était pas du tout contre les hommes. Elle a même fait parler des hommes sur des questions de violence conjugale, pour comprendre leur mécanisme.

Adèle Bréau a voulu montrer toute la nuance de sa grand-mère qui a livré son combat féministe avec les hommes : son mari l’a soutenue au détriment de sa propre carrière, ses frères l’ont portée et Jean Farran l’a mise à l’antenne de RTL.

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