L’excès d’alcool tue, de nouveaux gènes identifiés dans le processus du cancer du foie lié à l'alcool

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Par Johanne Montay

Le cancer du foie le plus fréquent, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la troisième cause de décès par cancer dans le monde. A l’origine de cette maladie, chez nous, le facteur principal est la consommation excessive et chronique d’alcool. Mais pourquoi ce cancer se développe-t-il chez certains grands buveurs chroniques et pas chez d’autres ? Au-delà du risque absolu, y a-t-il certains gènes impliqués dans l’évolution des lésions du foie ?

4000 patients grands buveurs recrutés

C’est la question que s’est posée l’équipe du professeur Eric Trépo, gastro-entérologue à l’hôpital Erasme et chercheur qualifié du FNRS (ULB). En collaboration avec des chercheurs français, il a mené une grande étude génomique sur 4000 patients, dont une moitié était atteinte d’un cancer du foie lié à l’alcool, et l’autre non. C’est la première étude dite "d’association pangénomique" pour cette maladie. Cette étude est parue le 11 décembre dans la revue The Lancet Oncology. Le professeur Eric Trépo explique : "On a utilisé cette technique qui consiste à comparer des patients qui ont la maladie, le cancer du foie, et des patients qui ne l’ont pas, les deux groupes étant exposés à la même chose, c’est-à-dire une consommation excessive d’alcool. En utilisant cette technique, qui consiste à comparer le génome, c’est-à-dire l’ADN de tous les membres de chaque groupe, on a regardé si dans le génome, il y avait des endroits qui différaient entre les cas et les contrôles."

Deux gènes

Les chercheurs ont identifié deux nouveaux gènes, baptisés WNT3A et WNT9A, dont certaines variations génétiques sont associées à un risque diminué de développer un cancer du foie chez les patients ayant une consommation excessive et chronique d’alcool. Ces variations génétiques pourraient influencer la réaction du système immunitaire dans le sens d’un effet protecteur contre le développement de la maladie. "Tout le monde a ces gènes. Mais on a effectivement vu que les patients qui présentaient une certaine variation de ces gènes, la variation protectrice (à peu près dans un tiers des cas) avaient un risque moins important de faire un cancer du foie", raconte le professeur Trépo.

Les verres plus que les gènes

Cependant, il s’agit d’un effet protecteur à la marge, insiste le professeur Trépo. La majorité de la population a la version de ces gènes la plus fréquente, qui est plutôt à risque. Et d’ailleurs, dit-il, "ce sont de petites variations qui, toutes ensemble vont augmenter le risque. On a trouvé un gène, mais il y en a plein d’autres qu’on n’a pas encore trouvés. On les trouvera quand on n’aura pas 4000 individus, mais peut-être 100.000 ou un million d’individus. On n’a pas trouvé le gène du cancer, il n’y a pas de prédiction génétique. Il ne faut pas arriver demain en consultation et dire "j’ai la variation de ce gène, qu’est-ce qu’on en fait ?". Non, parce qu’on ne saura rien en faire. Le message de prévention sera toujours : limiter sa consommation d’alcool. C’est très, très important."

Apport

Qu’apporte cette étude, dès lors ? L’espoir de la recherche, c’est qu’en combinant toutes ces variations génétiques, fréquentes, ou certaines qui sont plus rares, on arrivera peut-être un jour à faire de la prédiction, à stratifier le risque, à prédire quel patient va faire un cancer du foie ou pas. "Mais cela, c’est un vœu pieux", conclut le professeur Trépo, "ou en tout cas quelque chose qui n’est pas du tout d’actualité. Cette recherche nous sert surtout à mieux comprendre pourquoi certains vont faire un cancer du foie ou pas. L’espoir c’est qu’on pourra peut-être un jour trouver une nouvelle cible thérapeutique."

Le carcinome hépatocellulaire est extrêmement meurtrier. La survie à 5 ans est estimée entre 15 et 20%.

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