Levée d'embargo des données européennes sur les inondations de juillet : éclaircissements à l'horizon ?

Visionneuse de carte des données de prévisions hydrologiques et météorologiques de l’EFAS, le système européen d’alerte aux inondations.

© EFAS – Copernicus Emergency Management System

Un mois après les inondations historiques qui ont touché la Belgique, et d’autres pays européens comme l’Allemagne, beaucoup de questions restent sans réponse. Un mois, c’est la durée de l’embargo des données fournies par l’EFAS, le système européen d’alerte, qui partage des prévisions hydrologiques et météorologiques afin d’aider les autorités nationales à estimer la probabilité d’inondations sur le territoire européen. En cette période de mi-août, l’ensemble des données partagées par l’EFAS avant et pendant les inondations devient donc progressivement disponible, en accès ouvert à tout un chacun.


►►► Inondations et crues : comment fonctionne le système européen d’alerte ?


Ces données étaient déjà accessibles auprès des autorités belges compétentes en la matière, au moment même de leur diffusion durant ces évènements tragiques : elles auraient normalement dû aider ces autorités à prendre des décisions quant aux mesures à prendre face à ce risque d’inondation. Pourtant, au travers de diverses enquêtes réalisées par un collectif citoyen et des médias, il apparaît que la manière dont la Région wallonne a utilisé ces données reste très floue.

Les alertes EFAS, une simple notification

Dans un premier temps, une polémique est apparue sur des alertes envoyées par l’EFAS au SPW Mobilité et Infrastructure de la Région wallonne. Les premières informations évoquaient le fait qu’elles auraient été ignorées. Le Ministre wallon des Travaux publics, Philippe Henry, a par la suite précisé que ces alertes étaient bien arrivées, et que quatre d’entre elles concernaient la Belgique. Le SPW a par la suite précisé que ces alertes avaient bien été intégrées à la procédure, mais que "les indications fournies par ces alertes permettent difficilement d’anticiper avec un degré de précision suffisant des phénomènes d’inondations rapides et localisés tels qu’ils se sont produits la semaine dernière." En effet, si l’on ne se fie qu’à ce qu’il est écrit sur la notification d’alerte, il y a très peu d’informations fournies.

Mais ces alertes ne servent pas à fournir les informations nécessaires à la prise de décision : elles servent à alerter, et c’est aux autorités nationales de consulter les données mises à disposition sur le site de l’EFAS afin d’en savoir plus. Ces mêmes données dont l’embargo au grand public est levé. Comme l’explique l’EFAS sur son site, l’alerte invite le destinataire à se connecter à la visionneuse de carte (map viewer) afin d’avoir accès à une série de données supplémentaires. Les données en temps réels ne sont accessibles que pour les partenaires EFA, soit le SPW, le HIC (Hydrological Information Centre), Bruxelles environnement, et De Vlaamse Waterweg nv en Belgique.

Quelles sont ces données ?

En consultant cette map viewer, on peut voir qu’un nombre impressionnant de données sont disponibles, à un rythme de mise à jour toutes les 12 heures (à minuit et à midi). La carte permet de comparer différents modèles, procédure obligatoire pour évaluer la probabilité d’un événement, car chaque modèle à ses degrés d’incertitudes.

La force de cette visionneuse, c’est qu’elle permet de superposer des données hydrologiques et météorologiques. On peut ainsi connaître, entre autres :

  • La probabilité d’inondation, sur plus ou moins de 48h, sur un maillage de 5.5km
  • L’impact potentiel d’inondations sur la population (en nombre de personnes touchées) et les infrastructures, à l’échelle provinciale.
  • L’étendue géographique de ces potentielles inondations, à une résolution de 100m.
  • Le débit d’un cours d’eau, là où le pays partage ses données venant de ses outils de mesure
  • Les prévisions de précipitations, là où elles dépassent 50 et 150 mm, ainsi que leur cumul sur 10 jours, pour un maillage de 10 km.
  • Le risque de crue soudaine, avec un maillage de 1km, ainsi que d’accumulation lié au ruissellement en des points précis.

Bien entendu, ces données à elles seules ne permettent pas aux autorités nationales de prendre des décisions éclairées : elles doivent recouper ces données européennes avec les données nationales, comme, les prévisions météorologiques de l’IRM. Par ailleurs, le partenariat d’un pays avec l’EFAS ne l’oblige pas à utiliser ces données.

Des données à recouper

La fiabilité des données partagées par l’EFAS peut être évaluée par un "continuous ranked probability skill score" (CRPSS), lui-même disponible dans la visionneuse de carte. Comme le précise l’EFAS sur son site : "L’EFAS ne fait aucune déclaration quant à l’exhaustivité des informations fournies. Au contraire, les prévisions de l’EFAS sont complémentaires aux systèmes d’alerte et d’information nationaux, et il appartient aux autorités compétentes nationales ou régionales / locales de tirer les conclusions nécessaires de toutes les informations disponibles."

Alors que les autorités wallonnes ne fournissent que des informations parcellaires sur les données qu’elles ont utilisées pour communiquer des alertes auprès des pouvoirs provinciaux et communaux (une situation que déplorent plusieurs experts) la levée de l’embargo des données européennes pourrait aider à faire la lumière sur certaines questions : les habitants de Verviers auraient-ils pu être évacués plus vite ? Aurait-on pu éviter que le barrage d’Eupen ne relâche un débit d’eau si important ? Les autorités ont-elles réagi trop tard, ou les prévisions n’étaient-elles pas assez fiables ou suffisamment "alarmistes" ? Ces inondations étaient-elles si extraordinaires (dans le sens peu courant) que les modèles, ou les humains les interprétant, ne pouvaient pas envisager une telle ampleur ?

Et finalement, cette levée d’embargo poussera-t-elle les autorités à sortir d’un certain mutisme sur la gestion de cette crise, alors que 38 personnes sont décédées de ces inondations ?

Sujet du JT du 23 juillet sur le barrage d'Eupen

Eupen : tests de lâchers d eau au barrage

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