" Une petite cantate " de Barbara est une prouesse. En une minute 57 de chanson, on retrouve pratiquement la moitié des thèmes privilégiés du répertoire de Barbara : la mémoire, les souvenirs, le passé, la perte, la douleur de l’absence… La chanson est structurée sur l’économie de quelques notes de piano qui – en passant – prouve le génie d’évocation de Barbara.
" Une petite cantate. Du bout des doigts. Obsédante et maladroite. Monte vers toi. " " Obsédante " : elle revient tout le temps, elle s’acharne.
" Monte vers toi " : on parle de quelqu’un qui est en hauteur…
" Une petite cantate que nous jouions autrefois. Seule, je la joue maladroite. Si mi la ré – sol do fa. " Ici, on énumère à haute voix les notes pour s’appliquer et pour ne pas se tromper dans l’exécution. Mais on énumère les notes de musique aussi comme on égraine les bons moments… Chaque note correspondant à un souvenir. Comme si on tournait, distraitement, les pages d’un album souvenirs.
" Cette petite cantate. Fa sol – do fa. N’était pas si maladroite quand c’était toi. Les notes couraient faciles. Heureuses au bout de tes doigts. Moi, j’étais là, malhabile. Si mi la ré – sol do fa. " C’est l’histoire de quelqu’un qui se souvient de quelqu’un qui jouait mieux cette cantate… Un autre pianiste, plus doué… Qui s’en sortait mieux…
" Mais tu es partie – fragile – vers l’au-delà. " Voilà, on comprend qu‘elle parle à un mort. " Et je reste, malhabile. Fa sol – do fa. Je te revois souriante. Assise à ce piano, là. " Le mort est une morte. " Disant " Bon, je joue. Toi, chante. Chante-la pour moi. " On comprend que les rôles étaient bien répartis : il y avait une pianiste et il y avait une chanteuse – chacune sachant mieux faire ce qu’elle avait à faire. Lettre à une défunte, " Une petite cantate " est une chanson de détresse dont tout le désespoir se trouve dans cette strophe – apparemment tranquille et pourtant cataclysmique : " Ô mon amie. Ô ma douce. Ô ma si petite à moi. Mon Dieu qu’elle est difficile cette cantate sans toi. "
La pianiste défunte a vraiment existé. Barbara en parle dans ses mémoires inachevées : " Il était un piano noir ...". Cette femme, dont elle écrit qu’elle avait " un visage d’ange " et qui jouait donc mieux cette petite cantate, c’était la pianiste de Barbara, Liliane Benelli, morte dans un accident de voiture le 12 août 1965. Et quand on enquête un peu, on découvre que " Une petite cantate " n’est pas la seule chanson hommage à Liliane Benelli mais qu’il y a aussi celle-ci :