Un succès colossal et contrôlé
Roi de la découverte, de l’expérimentation sonore, des risques toujours bien calculés, Bowie se montre ici calmé presque endormi, blasé… Lors d’une interview qu’il accorde au NME pour la sortie de Let’s Dance, il s’explique :
Je n’ai plus vraiment le désir d’expérimenter en tant qu’auteur-interprète. Je pense que je suis arrivé à un âge où je commence juste à aimer vieillir. J’aime avoir trente-six ans, et je ne pense pas que je voudrais continuer à me produire si je ne croyais pas faire quelque chose d’optimiste et d’utile avec ma musique, à la fois pour moi et pour mon public.
Bowie est devenu exactement le contraire de ce qu’il a toujours été : il est devenu le "parfait gendre idéal".
Ça ne va pas spécialement plaire à tous ses fans, certains voient là une immense trahison. Cependant, d’autres amateurs de musique que le côté étrange de Bowie rebutait vont tout d’un coup s’intéresser à ce nouveau visage de l’artiste…
En effet, grâce au succès massif de Let’s Dance, des milliers d’amateurs de musique rock vont découvrir les anciens albums de Bowie tels que Ziggy Stardust, Hunky Dory, Aladdin Sane, Low, Heroes, Diamond Dogs, The Man Who Sold The World, Space Oddity et Pin-Ups, des disques qui vont ainsi connaître une seconde jeunesse dans les charts.
Propulsé par le succès de Let’s Dance, en juillet 1983, Bowie aura dix de ses albums classés dans le TOP 100 en Angleterre, chiffre que seul avait surpassé Elvis à l’époque…
Le coup de main de Monsieur "Chic"…
Pour l’enregistrement de cet album Let’s Dance, Bowie laisse tomber son fidèle producteur Tony Visconti dans des conditions que ce dernier n’appréciera guère…
En effet Visconti qui était pressenti pour produire l’album est prévenu en dernière minute qu’il ne fait pas partie de l’équipe de production. Visconti a ainsi bloqué du temps dans son agenda et réservé des billets d’avion pour rien.
Exit donc Visconti au profit ici de celui qui est alors au sommet des hit-parades partout dans le monde à cette époque : Nile Rodgers, "Monsieur" Chic.
Bowie a l’occasion de rencontrer Rogers quelques mois avant l’enregistrement de Let’s Dance, dans le bar de l’hôtel Carlyle à New York, durant l’automne 82. La connexion entre les deux musiciens est instantanée, ils discutent musique, de leurs influences communes et s’admirent mutuellement.
Rodgers ne comprend cependant pas tout de suite ce que Bowie veut de lui.
Nile Rodgers pense que Bowie veut qu’il lui sorte une sorte de "Scary Monsters 2", c’est-à-dire la suite logique de son précédent album Scary Monsters. Rodgers voit dans cette opportunité l’occasion de sortir un peu de son image de "machine à tubes".
Malheureusement pour Rodgers, Bowie ne veut certainement pas que Rodgers produise un album expérimental, ce qu’il veut c’est justement que Rodgers applique à ses nouvelles compositions sa formule magique, pour faire des tubes…
Et Bowie a raison parce que l’album Let’s Dance va connaître un énorme succès.