Une semaine après la libération d’Olivier Vandecasteele, la Chambre a débattu des conditions de sa libération. Un débat, assez court, qui n’a pas permis de faire la clarté sur la manière dont le gouvernement a agi. Une question reste grande ouverte, celle du respect de l’Etat de droit. Cette idée que le droit s’impose à la décision politique.
Un court débat
Les questions sont venues de trois partis de l’opposition : N-VA, Vlaams Belang et DéFI. Avec des accents différents, les trois ont souligné deux problèmes. Premièrement, celui de la sécurité de la Belgique et de ses ressortissants. Car la libération d’Olivier Vandecasteele était aussi celle d’un terroriste condamné, Assadollah Assadi. "Qu’on le veuille ou non, seul l’Iran a gagné" a dit Peter De Roover chef de groupe N-VA.
Deuxième problème, la procédure. Les trois représentants de l’opposition se sont interrogés sur les choix de l’Etat belge. Celui de l’article 167 de la constitution qui précise que la conduite des relations internationales relève du pouvoir exécutif. Un revirement, alors que durant plus d’un an le gouvernement préférait, au nom de l’Etat de droit, passer une convention de transfert de prisonniers. C’est un peu technique, mais la question ici est : pourquoi le gouvernement a-t-il changé de procédure au dernier moment ? N’est-il pas dès lors sorti de l’Etat de droit ?
Réponse du ministre de la Justice : "C’est en raison d’une menace grave, imminente et permanente pour la Belgique". Selon Vincent Van Quickenborne, il s’agissait non seulement du risque de condamnation à mort d’Olivier Vandecasteele, mais aussi de la menace d’arrestations arbitraires de Belges en Iran ou dans des pays amis de ce régime. La ministre des Affaires étrangères a ajouté qu’Assadollah Assadi faisait l’objet d’une interdiction d’entrée en Europe. Le débat a duré un peu plus d’une heure. Et normalement la Chambre ne reviendra plus sur cet épisode. Mais les deux questions soulevées dans l’hémicycle restent ouvertes. La sécurité de la Belgique est-elle assurée ? L’Etat de droit est-il respecté ?
Sécurité
Sur la sécurité de la Belgique, la question reste ouverte. En libérant Olivier Vandecasteele on sauve sa vie, mais en cédant à la diplomatie des otages, on risque d’alimenter la machine et de faire peser des menaces encore plus importantes sur les étrangers en Iran, d’autant qu’on libère un terroriste condamné. On peut discuter des heures, on est face ici à un dilemme moral quasiment insoluble. La réponse est politique. Le choix de l’exécutif, sauver Olivier Vandecasteele, reflétait le choix de l’opinion.
Etat de droit
Sur l’Etat de droit, là aussi il y a des divergences de points de vue. La réponse est à mon avis plus évidente avec la poussière qui retombe : non, la Belgique n’a pas respecté l’Etat de droit dans cette procédure. Le tout est de savoir si elle pouvait faire autrement ? Après avoir essayé durant plus d’un an une procédure légale de transfert qui respecte la décision de la justice belge, le gouvernement a finalement posé un acte discrétionnaire. On pourrait dire presque un acte arbitraire, un acte d’exception. Mais un acte d’exception qui se donne pour la forme les allures de la légalité en usant de l’article 167 de la constitution qui dit que le gouvernement dirige les relations internationales. Un usage très extensif qui revient à dire qu’on peut déroger au droit national dès qu’il y a une circonstance internationale exceptionnelle.
Mais la question reste, la Belgique pouvait-elle faire autrement à partir du moment où la Belgique voulait libérer Olivier Vandecasteele ? C’est le problème, la négociation avec un Etat voyou où règne l’arbitraire nous oblige nous aussi à l’arbitraire. On libère Assadi parce que le gouvernement l’a décidé, au nom de la raison d’Etat, point.
La nécessité politique et morale de libérer Olivier Vandecastelle ne peut occulter un débat sur l’Etat de droit. Car on peut parler d’une suspension temporaire de l’Etat de droit dans cette affaire. Une suspension temporaire qui s’ajoute au non-respect ces dernières années des milliers de décisions judiciaires en matière d’asile. La constitutionnaliste Céline Romainville disait à ce propos que "l’Etat de droit s’est fait tordre le bras de façon rarement égalée." Pour paraphraser Leo Tindemans, après la constitution, c’est peut-être l’Etat de droit qui est en train de devenir un chiffon de papier.