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Lesbophobie dans le sport : "C'est encore compliqué de sortir du vestiaire"

La Britannique Robyn Love et sa compagne Laurie Williams lors du match éliminatoire de basketball en fauteuil roulant entre la Grande-Bretagne et l'Espagne lors des Jeux paralympiques de Tokyo 2020, le 2 septembre 2021.

© AFP

Par Une chronique d'Agathe Duclos et Lorraine Willocx pour Les Grenades

Elles sont toutes lesbiennes dans ton équipe de rugby ?”, “Avec son style de garçon manqué, elle est sûrement pas hétéro”, “T’as pas peur qu’elle t’observe dans les vestiaires ?”.

Autant de phrases déjà entendues, qui témoignent du climat lesbophobe qui rôde dans les espaces sportifs. Dans son ouvrage Joue la comme Megan, Assia Hamdi, journaliste spécialisée en sport, écrit ainsi : "A l’inverse de la promotion de l’hétérosexualité et de la valorisation des sportives hétérosexuelles, le mot lesbienne devient une insulte". Ces remarques et insultes lesbophobes engendrent un silence, comme le témoigne Astrid Guyard, escrimeuse française, dans le documentaire Faut qu’on parle : "C’est dur de se révéler, de dire 'Ha au fait, moi je suis homosexuelle', quand en fait ça fait dix ans qu’on entend des blagues homophobes et qu’on rigole avec les autres".

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La féminité est un "nom de code" pour l’hétérosexualité

Alors, pourquoi une telle difficulté à s’assumer comme lesbienne, dans des milieux qui revendiquent une ouverture d’esprit ? Tout simplement parce que, même sportive, une femme se doit de rester féminine, comme en témoignent, entre autres, les maillots des beach-handballeuses.


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Et qui dit féminité, dit souvent hétérosexualité. Pour Pat Griffin, chercheuse américaine qui a étudié les discriminations subies par les sportives, la féminité est même un "nom de code" pour l’hétérosexualité. Elle explique : "La crainte sous-jacente n'est pas qu'une athlète ou une entraîneuse paraisse trop ordinaire ou démodée, la crainte réelle est qu'elle ait l'air d'une gouine ou, pire encore, qu'elle en soit une. Ce mélange intense de normes homophobes et sexistes d'attractivité féminine rappelle aux femmes dans le sport que pour être acceptable, nous devons surveiller notre comportement et notre apparence à tout moment".

Certaines femmes adoptent ainsi des comportements d'hyper-féminisation afin d’éviter que leur féminité ne soit remise en cause… et leur hétérosexualité aussi !

De plus, mettre en parallèle l’orientation sexuelle d’une sportive et sa prétendue féminité sous-entend que l’homosexualité se doit d'être visible. Ces stéréotypes enferment les lesbiennes dans une image de femme hypermasculine.

Ce mélange intense de normes homophobes et sexistes d'attractivité féminine rappelle aux femmes dans le sport que pour être acceptable, nous devons surveiller notre comportement et notre apparence à tout moment

Le présentateur de la VRT, quand il parle des Belgian Cats en se moquant de leur orientation sexuelle et de leur physique, amène à l’antenne le parfait exemple de la décrédibilisation des sportives en jugeant leur féminité.


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“Avoir des références, des rôles modèles, ça aide”

Une des pistes de solution pour réussir à se réapproprier les stéréotypes de façon positive et qu’ils ne servent plus d’insulte ou de levier pour des violences, est l’affirmation de sa sexualité. Et de ce côté, les choses commencent à bouger doucement. Cet été à Tokyo, 185 athlètes, ouvertement LGBTQIA+, ont participé aux Jeux Olympiques, et 32 aux Jeux Paralympiques, selon le décompte du site indépendant Outsports. C’est trois fois plus qu’à Rio en 2016.

Le coming-out des athlètes offre une représentation et une diffusion de messages d’inclusivité, comme en témoigne les remerciements publics à sa petite amie de la polonaise Katarzyna Zillmann, après avoir remporté une médaille d’argent en aviron. Son pays connaît une vague de répression à l’encontre des droits des personnes LGBTQIA+, avec notamment l’instauration, depuis 2019, de zones "anti-idéologie LGBT".


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Pour les personnalités publiques qui en ont l’occasion, le coming-out devient un enjeu politique permettant de contrer l’hétéronormativité, encore trop présente dans les milieux sportifs.

Plusieurs sportives l’ont compris. C’est le cas de Megan Rapinoe, footballeuse américaine, militante et icône LGBTQIA+. Dans son livre, One Life, elle explique : “Faire mon coming out était plus important, plus essentiel et me définissait davantage que tout ce qui se passait côté sport [...] J’avais l’impression d’appartenir à un mouvement bien plus vaste que ma petite personne [...]  Tant que cela reste une étape compliquée pour les gays, non, on ne peut pas “juste” vivre sa vie. Et plus les gens parlent de leur homosexualité, plus nous brisons les stéréotypes associés aux gays”.

La basketteuse Sue Bird embrasse sa partenaire et joueuse de football américaine Megan Rapinoe après la victoire des États-Unis à la fin de la finale de basketball féminin entre les États-Unis et le Japon lors des Jeux olympiques de Tokyo 2020, le 8 août
La basketteuse Sue Bird embrasse sa partenaire et joueuse de football américaine Megan Rapinoe après la victoire des États-Unis à la fin de la finale de basketball féminin entre les États-Unis et le Japon lors des Jeux olympiques de Tokyo 2020, le 8 août © AFP

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Et même si elles ne se définissent pas toujours comme militantes, les sportives offrent des rôles modèles, permettant une identification et une meilleure acceptation de soi.


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La judokate française, Amandine Bouchard, en témoigne dans le documentaire Faut qu’on parle : “Si j’ai accepté de le faire, c’est surtout pour donner du courage à certains jeunes qui, comme moi, se cachaient. Pour les empêcher de faire une bêtise et de se priver d’un sport, d’un loisir, par rapport au regard des autres, au jugement des autres”. “Je sais qu’avoir des références, des rôles modèles, ça aide. Ça aide à se projeter, ça aide à relativiser, ça aide à se dire [...] qu’il y a des gens avec qui je peux en parler”.

Agathe Duclos et Lorraine Willocx font partie du Debrief du vestiaire, une page Facebook et une page Instagram qui traitent du sexisme dans le sport.

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