"Les Yeux Grands Fermés" : un téléfilm bouleversant sur l'inceste

Comment réagit-on quand on reçoit un script pareil ?

On se sent très flatté de façon égocentrique en se disant : "Ah, on pense à moi pour ça !". Ce n'est pas rien. En plus, Muriel Robin faisait déjà partie du projet donc j'aurais eu du mal à dire non. En lisant le scénario, j'étais scotché et ému, sans savoir si j’allais réussir à faire ça. Mais je me suis dit que j’allais quand même essayer. J’étais confiant, car le scénario est très riche et Muriel Robin est extrêmement forte. Le sujet est plus fort que le film, plus fort que nous tous. Je n’y ai personnellement jamais été confronté, mais j’en avais la responsabilité en tant que réalisateur. Donc je me suis énormément renseigné, mais comme je l’aurais de toute façon fait avec un autre film sur un sujet que je ne maîtrise pas.

Quelles ont été vos premières discussions avec Muriel Robin et Guillaume Labbé ?

Guillaume avait des questions très précises sur le sujet. Il a beaucoup préparé, car il avait besoin de comprendre la psychologie, le déni de son personnage… Emilie (la scénariste, NDLR.) l'a beaucoup aidé. Muriel est arrivée avec un personnage assez précis. Ce qui est merveilleux, c’est qu'on ne se connaissait pas et qu'elle m'a m’écouté comme si elle n’avait jamais fait de film et moi cent-mille. Pas une seconde on a été intimidé l’un par l’autre, parce qu'au final, on fait avant tout un film ensemble. J'ai réalisé un film avec une star, mais surtout avec une grande actrice.

C’est assez surprenant de trouver Guillaume Labbé dans ce rôle, lui qu'on a l’habitude de voir dans des personnages diamétralement opposés : L’école de la vie, Je te promets, Plan Cœur. C’était un vrai pari de le caster lui ?

Je connaissais un peu Guillaume et quand son nom a été évoqué, je me suis dit : "Oh oui, quelle bonne idée". Et effectivement, on a envie de lui faire des câlins à Guillaume : il est poli, gentil, beau, chouette ; il est pénible cet homme-là (rires). Il n'est pas parfait évidemment, et tant mieux, car on ne cherchait ni un monsieur parfait, ni un type bizarre. Quand j'ai appelé Guillaume pour lui présenter le film, il était un peu abasourdi. Puis je lui ai dit : "Tu ne peux pas dire non, c’est pour faire le fils de Muriel Robin", ce à quoi il a répondu : "Bah non, je peux pas dire non". L’air de rien, je pense qu’il a eu des nuits agitées en pensant à son rôle, d'autant plus que c’est un jeune papa.

Que recherchiez-vous pour le rôle d’Adrien, le jeune garçon victime d'inceste ?

Je n'attendais pas l’évidence, car si elle n’arrivait pas, il allait bien falloir choisir. Mais ça a été assez évident. Eden Lopes (huit ans lors du tournage, NDLR.) a cette faculté, comme un vrai comédien, de refaire les scènes plusieurs fois. Je l’aimais bien, car c’était un petit garçon joyeux, mais qui arrivait à éteindre son regard dès que je le filmais. Aux essais, je lui avais dit : "Adrien n'est pas très bien dans ses pompes, il n'a pas beaucoup de copains à l’école". Je lui mentais gentiment, car je  ne savais pas encore ce qu’on lui dirait avec ses parents sur le film s'il était pris. Et puis il a dit la réplique "Je voudrais être invisible" d'une telle façon que ça m'a brisé. Ça m’émeut encore aujourd'hui. Je me suis dit que l’émotion que j’ai eu là, on allait la garder et qu’il allait la refaire.

Au vu du sujet, comment a-t-il été encadré sur le tournage ? Que lui a-t-on dit ?

Aux essais, on lui disait juste qu’il n'allait pas bien. Mais pour la suite… Je ne suis ni son père, ni son prof. En revanche, je ne voulais pas le manipuler et qu'il découvre à 15 ans qu'il a joué un personnage victime d'inceste sans le savoir. Ça, c'était la responsabilité de ses parents, pas la mienne. Sa mère lui en a parlé et lui a expliqué ce qu'était l'inceste. Je ne sais pas exactement ce qu’elle lui a dit, mais de mon côté, ça m’a permis aussi d’avoir ce discours avec mes propres enfants. C’était troublant, car moi je n’en ai jamais parlé à Eden. Mais je savais qu’il savait. Et ça m'a permis de me dire : "Eden est acteur sur ce film". C’est un comédien, donc je vais le traiter comme les autres.

On vous sent très ému quand vous en parlez.

Oui, j’ai adoré travaillé avec eux (Eden Lopes et Tiago Fernandez qui incarne son petit frère, NDLR.). C’était important pour moi qu’ils soient contents de faire un film, peu importe le sujet. Ils seront acteurs ou pas, on s’en fout, ils ont cinq et neuf ans maintenant. Je voulais que ce film soit un bon souvenir pour eux. Ma responsabilité en tant que réal, au delà du sujet, c’est quand même de dire : "Bon alors c’était cool ou pas ?". C’est bête, mais moi si j’invite des gens à diner, j'aime qu’ils soient contents à table. Et Muriel et Guillaume ont été super. C’était une bonne petite bande. J’étais content. Ils m’ont vachement ému tous les deux, je les aime beaucoup.

Les Yeux Grands Fermés, un téléfilm en deux parties à voir ce dimanche 17 septembre dès 20h50 sur La Une, et en replay pendant 15 jours sur Auvio.